La loi israélienne sur les crimes sexuels accusée d’infliger aux juifs une peine moindre pour viol
Le Parlement israélien a adopté dimanche une loi critiquée pour le fait de permettre aux Israéliens de confession juive d’encourir des peines moins lourdes que les citoyens palestiniens du pays pour des crimes de viol, agression sexuelle et harcèlement sexuel.
La loi sur le « terrorisme sexuel », qui a été adoptée par trente-neuf députés contre sept, vise directement les citoyens palestiniens d’Israël qui agressent ou harcèlent sexuellement des femmes juives si les autorités jugent que leurs mobiles sont « nationaliste ».
Les peines peuvent désormais être doublées pour les Palestiniens condamnés ; auparavant, la peine maximale était de seize ans.
Fait inhabituel, le projet de loi a été coparrainé par un élément clé du gouvernement du Premier ministre Benyamin Netanyahou, le parti d’extrême droite Force juive, et une faction de l’opposition, Israel Beytenou.
Alors qu’Israël est secoué par une crise politique liée à des réformes très controversées du secteur judiciaire, cette loi est un rare exemple de soutien bipartite au Parlement israélien, la Knesset.
Six des députés qui ont voté contre étaient des citoyens palestiniens d’Israël, aux côtés d’un seul député juif.
« Cette loi ne poursuivra pas les responsables israéliens qui harcèlent les femmes palestiniennes aux check-points, ni les interrogateurs du Shin Bet qui les harcèlent pendant les interrogatoires. Elle est faite sur mesure uniquement pour être utilisée contre les Arabes »
- Aida Touma-Suleiman, députée à la Knesset
Cette nouvelle législation a suscité de vives critiques de la part de commentateurs, politiciens et militants des droits des femmes, lesquels affirment qu’elle équivaut à une loi raciale qui exploite les victimes de violences sexuelles et affecte de manière disproportionnée les citoyens palestiniens.
Il s’agit de la dernière en date d’une série de lois accusées d’être discriminatoires à l’égard des Palestiniens.
La députée Aida Touma-Suleiman du parti de gauche Hadash a méprisé la perspective de juger un agresseur sur son identité, demandant s’il était raisonnable de préférer la souffrance d’une femme à celle d’une autre en raison de l’identité de son violeur.
« Cette loi ne poursuivra pas les responsables israéliens qui harcèlent les femmes palestiniennes aux check-points, ni les interrogateurs du Shin Bet qui les harcèlent pendant les interrogatoires. Elle est faite sur mesure uniquement pour être utilisée contre les Arabes », déclare-t-elle à Middle East Eye.
« Chaque délinquant sexuel est méprisable, sale et devrait pourrir derrière les barreaux, quelle que soit l’identité de sa victime – qu’elle soit arabe, juive, de gauche ou de droite », ajoute l’élue.
« Honte à ce gouvernement qui exploite la douleur et la souffrance des victimes d’agressions sexuelles pour inciter à la haine contre les Arabes. »
« Objectivation ultime » des femmes
Selon les parraines du projet de loi, Limor Son Har-Melech de Force juive et Yulia Malinovsky d’Israel Beytenou Beiteinu, la loi vise à combattre ce qu’elles décrivent comme un « phénomène croissant de terrorisme nationaliste » en Israël et en Cisjordanie occupée.
Lors d’un débat sur la loi il y a deux semaines, Son Har-Melech a affirmé que le projet de loi prévoyait « un traitement approprié et correct pour les femmes juives victimes ».
« Il est impossible que l’honneur des femmes juives soit bafoué par des mécréants qui s’en sortent sans punition ou avec des punitions ridicules », a-t-elle soutenu.
Son Har-Melech a affirmé avoir entendu « des dizaines » de témoignages de femmes voyageant dans des bus en Cisjordanie occupée qui avaient été victimes de harcèlement sexuel « en raison du contexte nationaliste ».
Les défenseurs, palestiniens et israéliens, des droits des femmes nient toutefois qu’il y ait un problème d’agressions sexuelles aux mobiles soi-disant « nationalistes ».
Laila Jaroshy, une militante du mouvement féministe arabe Assiwar, indique que son organisation n’a jamais rencontré de cas de « viol à motivation nationaliste ».
Elle dit à MEE que les femmes israéliennes devraient « descendre dans la rue » parce que la loi représente leur « objectivation ultime ».
« Ils disent essentiellement aux femmes que le viol est autorisé mais pas par un Palestinien, et que le problème n’est pas le crime en soi mais l’identité de l’auteur », ajoute-t-elle.
« [Cette loi] incarne la symbiose entre le chauvinisme et le racisme – les deux faces d’une même pièce... c’est une exploitation flagrante du corps des femmes. »
Orly Noy, auteure, contributrice pour MEE et présidente de B’Tselem, la plus grande ONG de défense des droits de l’homme en Israël, estime que le profilage racial inhérent à cette loi a des connotations troublantes qui ressemblent même aux lois de Nuremberg en Allemagne dans les années 1930 – une comparaison lourde de sens en Israël.
« Ils disent essentiellement aux femmes que le viol est autorisé mais pas par un Palestinien, et que le problème n’est pas le crime en soi mais l’identité de l’auteur »
- Laila Jaroshy, Assiwar
« C’est une autre expression de l’idéologie de la suprématie juive qui dicte toute cette dangereuse politique gouvernementale », déclare-t-elle à MEE.
« Au lieu de lutter sérieusement contre la criminalité sexiste, ils exploitent le corps de la femme au profit d’un programme nationaliste et raciste, et le transforment en un outil supplémentaire dans l’établissement de la suprématie juive. »
En mai dernier, Israël s’est classé dernier sur 38 pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans son indice d’égalité des sexes.
La montée du discours extrémiste et l’influence croissante de l’extrême droite dans la politique israélienne ont été associées à une discrimination accrue à l’égard des femmes en politique, sur le marché du travail et dans l’armée.
En novembre 2022, un rapport de l’Association of Rape Crisis Centers a révélé une recrudescence des violences sexuelles au sein de l’armée, des services pénitentiaires et de la police en Israël, concluant que la hausse était motivée par la normalisation des hiérarchies « masculines » et « militaristes » de ces institutions.
En 2012, un Palestinien de Cisjordanie occupée a été reconnu coupable de viol lors d’une agression à Tel Aviv qui aurait été motivée, selon les autorités israéliennes, par des considérations politiques.
La nouvelle loi stipule que les ministres de la Justice et de la Sécurité nationale doivent signaler le nombre d’enquêtes et de cas d’agressions sexuelles « à motivation nationaliste » rapportés chaque année au Comité de sécurité nationale.
Traduit de l’anglais (original).
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