Guerre à Gaza : Israël leur a dit de quitter leurs maisons. Ils l’ont fait. Ils ont quand même été bombardés
Des Palestiniens de Beit Hanoun, quartier densément peuplé du nord-est de Gaza, se sont réveillés dimanche 8 octobre avec des consignes claires de l’armée israélienne : quittez vos maisons et dirigez-vous vers le centre-ville.
Cet avertissement, qui précède généralement la plupart des frappes aériennes israéliennes, était surprenant étant donné que les bombes israéliennes pleuvaient sur la bande de Gaza assiégée depuis trois jours.
Beaucoup à Beit Hanoun ont répondu à cet appel. Ils se sont dirigés vers l’ouest à environ deux kilomètres, dans le camp de réfugiés de Jabaliya dans l’espoir d’y trouver une sécurité relative.
Ils y ont trouvé la mort.
Des avions de combat israéliens ont bombardé deux bâtiments sur le principal marché du camp, tuant au moins une cinquantaine de personnes selon le ministère gazaoui de la Santé.
« Je conduisais et j’allais m’engager dans la rue quand soudain, une [grande] lumière a illuminé le ciel », raconte Muhammed Lubbad, habitant de Gaza, à Middle East Eye quelques instants après les frappes.
« Projetés dans les airs »
« Des gens se sont retrouvés sur [ma voiture], littéralement projetés dans les airs. Certains [corps] se sont retrouvés sur les toits des bâtiments. Des [corps d’]enfants étaient dans les rues, quelqu’un a eu la tête arrachée, sa tête a été projetée à l’extérieur et le corps à l’intérieur du bâtiment », ajoute-t-il.
Muhammed tente de se ressaisir. Sa voiture porte elle aussi les signes de ce raid dévastateur, maculée par le sang des passants.
« Je ne sais toujours pas ce qui s’est passé », confie-t-il. « Des dizaines de personnes ont été tuées, y compris des chauffeurs de taxi, des piétons et des commerçants. Presque tous les gens qui se trouvaient dans le centre commercial Rabaa ont été tués. Il n’y a plus personne de vivant là-bas. C’était un massacre que personne n’aurait pu imaginer. »
Israël a lancé des frappes aériennes sur Gaza samedi 7 octobre après que des combattants de ce territoire assiégé et appauvri ont lancé une attaque sans précédent contre la barrière de sécurité qui contrôle la circulation des Palestiniens vers et depuis Israël.
Après avoir tiré des milliers de roquettes et envoyé des centaines de combattants de l’autre côté de la frontière par les airs, la terre et la mer, les combattants palestiniens ont tué au moins 800 Israéliens et ont pris plus d’une centaine d’otages.
Rien que ces dernières 24 heures, l’armée de l’air israélienne a largué au moins 2 000 munitions et plus de 1 000 tonnes d’explosifs sur l’enclave assiégée.
« On est sortis dans les rues à la recherche d’une ambulance ou d’une aide quelconque, pour découvrir que toute la zone était jonchée de corps »
- Muhammed Abdallah, habitant du camp de réfugiés de Jabaliya
Les tours résidentielles, les entreprises, les mosquées, les hôpitaux et les banques ont tous été visés. On recense au moins 560 morts et plus de 2 900 blessés.
Beaucoup à Gaza rapportent à MEE qu’ils se sont résignés à de nouvelles tueries.
Muhammed Abdallah, habitant du camp de réfugiés de Jabaliya, était chez lui lors de l’attaque.
« Les frappes aériennes ont secoué la maison, mes petits-enfants ont été projetés [contre les murs] et ils ont été touchés par les éclats de verre provenant des fenêtres brisées. On les a portés et on est sortis dans les rues à la recherche d’une ambulance ou d’une aide quelconque, pour découvrir que toute la zone était jonchée de corps », raconte Abdallah à MEE.
« On ne sait plus où les emmener »
« Il y avait des tas de cadavres, les commerces étaient en feu, les maisons rasées, les voitures détruites. Il y avait plus de cinquante corps dans la rue. On ne savait pas quoi faire. Ceux d’entre nous qui pouvaient porter [les victimes] pour fuir la zone l’on fait. »
Abdallah indique que la majorité des personnes tuées étaient des déplacés des quartiers voisins qui avaient reçu des SMS des forces israéliennes les exhortant à se diriger vers le centre-ville.
« On a pris des taxis vers l’hôpital pour soigner ceux [parmi nos enfants] qui étaient blessés et évacué les autres dans le quartier de Rimal. Et maintenant, on vient de recevoir des messages nous exhortant à évacuer le quartier de Rimal. On les a emmenés d’un endroit visé vers un autre endroit qui sera visé », poursuit-il. « Maintenant, on ne sait plus où les emmener. »
Les zones visées se trouvent à proximité d’une école dirigée par l’agence de l’ONU qui s’occupe des réfugiés palestiniens (UNRWA). Plus de 20 000 Palestiniens ont cherché refuge dans 44 écoles gérées par l’UNRWA.
Plus de 60 % des Palestiniens de Gaza sont des réfugiés, suite à l’expulsion des familles d’autres régions de Palestine en 1948.
Bordée par Israël et l’Égypte sur la côte méditerranéenne, la bande de Gaza est l’une des zones les plus densément peuplées au monde.
Environ 97 % de l’eau potable de Gaza est contaminée et les habitants sont contraints de vivre avec des coupures de courant constantes en raison d’un réseau électrique très endommagé par les frappes israéliennes répétées.
La situation humanitaire à Gaza devient de plus en plus critique. Selon l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), le territoire assiégé dispose de moins de deux semaines de réserves de nourriture et d’eau après que Israël a coupé l’électricité, le carburant, la nourriture et l’eau.
« Nous comptons sur notre personnel, qui sont eux-mêmes des réfugiés. C’est une situation vraiment sans précédent à laquelle nous sommes confrontés », a déclaré Jennifer Austin, directrice adjointe de l’UNRWA pour les réfugiés palestiniens à Gaza.
Près de 60 % des Palestiniens vivent dans la pauvreté et le taux de chômage des jeunes atteint 63 %.
Selon l’UNRWA, des années de conflit et de blocus ont rendu 80 % de la population de Gaza dépendante de l’aide internationale.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation et actualisé.
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