Après la mort de Soleimani, Israël cherche à éviter l’orage
La première réaction israélienne à l’assassinat du général iranien Qasem Soleimani a été de faire profil bas.
Le Premier ministre Benyamin Netanyahou, qui a écourté sa visite d’État en Grèce et est rentré suite à cette nouvelle, a ordonné aux ministres de son gouvernement de ne pas donner d’interview et de ne pas faire de déclaration publique.
Cela visait à signaler qu’Israël n’était pas impliqué dans l’assassinat du commandant de la force al-Qods et qu’il ne souhaitait pas être emporté par l’orage.
Israël espère que les promesses iraniennes de venger la mort de Soleimani se limiteront à des actions contre les intérêts américains, le cas échéant.
Néanmoins, Israël a pris des précautions.
À l’aube vendredi, l’armée israélienne a ordonné la fermeture de la station de ski du mont Hermon, sur le plateau du Golan occupé, qui a déjà été visée par le passé par des roquettes tirées par des milices pro-iraniennes depuis le sol syrien.
L’armée israélienne a également mis ses troupes en alerte dans le plateau du Golan occupé, sans pour autant envoyer de renforts dans la région.
Dans le cadre de ses préparatifs à toute éventualité, l’armée israélienne a également renforcé ses moyens de guerre électronique en Syrie, provoquant involontairement des perturbations partielles sur les téléphones et les communications civiles israéliennes dans le plateau du Golan.
Un ennemi acharné
Qasem Soleimani était un ennemi acharné d’Israël et suivait la ligne belligérante et hostile de Téhéran, qualifiant le pays de « petit Satan ».
Le général iranien charismatique et adoré ne s’est pas contenté de viser Israël sur le plan rhétorique. En tant que commandant de la force al-Qods des Gardiens de la révolution islamique, responsable des opérations spéciales de l’Iran à l’extérieur du pays, Israël était souvent sur son radar.
Avec le mouvement libanais du Hezbollah, il était impliqué dans la planification d’attaques terroristes contre Israël et en a ordonnées, notamment l’attentat à la bombe contre un bus transportant des touristes israéliens à Bourgas, en Bulgarie, en 2012 ainsi que des tentatives manquées en Thaïlande, en Géorgie et en Inde.
Il a également élaboré la stratégie visant à encercler Israël en déployant des milices pro-iraniennes près de la frontière israélienne en Syrie et en supervisant les projets de guerre du Hezbollah contre Israël.
À l’occasion, il a ordonné aux milices de riposter contre les frappes aériennes israéliennes visant les intermédiaires de l’Iran en Syrie, notamment par des tirs de roquettes et des drones lancés en territoire israélien.
Les responsables de l’armée israélienne et les dirigeants du pays appréciaient les compétences militaires et stratégiques de Soleimani, et le percevaient en conséquence comme un adversaire de taille
Les responsables de l’armée israélienne et les dirigeants du pays appréciaient les compétences militaires et stratégiques de Soleimani, et le percevaient en conséquence comme un adversaire de taille.
Il était considéré par Israël comme une cible de choix et il apparaissait sur sa liste des personnes les plus recherchées en tant que personnalité susceptible de faire l’objet d’un assassinat ciblé.
Pour y arriver, les services de renseignement israéliens ont collecté des informations exhaustives à son propos au cours des vingt dernières années, presque dès le moment où il a été nommé commandant de la force al-Qods en 1998.
En raison de son style de vie, toujours au premier plan et s’abritant rarement, les agences de renseignement israéliennes et américaines ont pu aisément rassembler des informations sur lui.
Il était très en vue, présent sur les champs de Syrie avec ses troupes, assistant aux funérailles publiques et se déplaçant en voiture en petits convois depuis l’Irak vers la Syrie et le Liban.
Israël voulait sa mort et y est presque parvenu au moins une fois – probablement plus.
Le 31 janvier 2008 à Damas, ce n’est pas passé loin. Ce soir-là, Soleimani rencontrait le chef militaire du Hezbollah Imad Mugniyeh dans l’une de ces planques libanaises. À cette époque, Mugniyeh était considéré par Israël comme son pire ennemi, une menace plus grande que Soleimani.
La CIA et le Mossad étaient sur le point de mener une opération conjointe pour tuer le commandant du Hezbollah. Le Premier ministre israélien de l’époque, Ehud Olmert, et le dirigeant du Mossad Meir Dagan voulaient les tuer tous les deux. Cependant, le président américain George W. Bush avait refusé, ordonnant que Soleimani soit épargné.
Les yeux rivés vers l’Iran
La principale inquiétude d’Israël actuellement concerne la réaction de l’Iran. Celle-ci dépendra du guide suprême Ali Khamenei.
S’il décide de réagir massivement en prenant la décision stratégique de fermer le détroit d’Ormuz, d’abattre un avion de ligne américain ou de bombarder une ambassade américaine, cela signifiera que l’Iran est prêt à prendre le risque d’une guerre totale avec les États-Unis, en cette d’année d’élections à la fois pour Donald Trump et au Parlement iranien.
Dans un tel scénario, l’Iran usera de tout son pouvoir, notamment en activant le Hezbollah au Liban, les milices en Syrie et le Jihad islamique à Gaza contre Israël.
Si Khamenei opte pour des représailles plus peaufinées et cloisonnées, par exemple en manœuvrant contre les troupes américaines en Irak afin de les expulser du pays, Israël risque moins d’être entraîné dans un nouveau cycle de violences.
Par expérience, il semble que le guide suprême iranien soit un acteur rationnel qui agit avec sa tête plutôt qu’en réaction à ses émotions.
Il est certain que personne dans la région comme en dehors ne veut une guerre majeure. Ni l’Iran, ni les États-Unis, ni la Russie, ni la Syrie, ni Israël. Ce n’est tout simplement pas dans leur intérêt.
- Yossi Melman est un commentateur spécialiste de la sécurité et du renseignement israéliens. Il est co-auteur de Spies Against Armageddon.
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Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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