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Face à l’agressivité américaine et à l’hypocrisie européenne, cette fois, l’Iran est prêt

Il n’y a aucune raison de s’attendre à ce qu’un Empire en déclin et désespéré se comporte de manière civilisée aujourd’hui. L’Iran est prêt au pire
Le président iranien Hassan Rohani préside une réunion du conseil des ministres à Téhéran le 7 juillet (AFP)

L’arrogance culturelle de l’Occident pointe sa tête de Méduse chaque fois que le président des États-Unis, Donald Trump, vitupère contre l’Iran et promet son anéantissement.

Les dirigeants et politiciens de l’autoproclamé monde libre et civilisé – ainsi que certaines organisations de défense des droits de l’homme, grands médias et personnalités publiques de l’establishment – expriment leur forme unique d’inhumanité collective à travers un silence absolu.

Après tout, les menaces répétées d’holocauste nucléaire et de génocide à l’encontre de l’Iran de la part du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou et de Trump sont profondément ancrées dans la tradition séculaire de colonisation, de massacres de masse et d’absence morale de la civilisation occidentale.

Le réseau mondial, dirigé par les États-Unis, d’imposition de sanctions qui affament les populations, d’intimidations et d’interventionnisme militaire est dissimulé sous de gros mots visqueux de jargon humanitaire et de droiture morale.

À la traîne

Néanmoins, malgré les provocations et les collaborations sans fin, les États-Unis se retrouvent toujours à la traîne par rapport à leurs alliés dans le domaine de l’hypocrisie, où l’Union européenne et d’autres régimes occidentaux continuent de régner en maître.

Pendant plus d’un an, malgré une opposition interne croissante, l’Iran a fait preuve de patience stratégique face à l’escalade constante de la guerre économique américaine contre le peuple iranien

Alors que les États-Unis se tournent fréquemment et de manière erratique vers une agressivité grossière, les Européens s’engagent passionnément dans un dialogue interminable – les efforts officieux dits « Track II » – et réprimandent leurs alliés américains « peu sophistiqués et irréfléchis » lors de conversations privées et semi-privées avec des universitaires et des responsables iraniens. Cependant, quand les choses se gâtent, ils se tiennent fidèlement aux côtés des États-Unis.

Dès que Trump s’est retiré de l’accord nucléaire, les dirigeants de l’Union européenne ont supplié l’Iran de ne pas riposter, promettant une solution acceptable dans les semaines à venir. Pendant plus d’un an, malgré une opposition interne croissante, l’Iran a fait preuve de patience stratégique face à l’escalade constante de la guerre économique américaine contre le peuple iranien.

Faisant face à des coûts croissants, de nombreux patients atteints de cancer, parmi d’autres Iraniens souffrant de maladies engageant leur pronostic vital, ont par exemple cessé de prendre leurs médicaments pour épargner la misère à leurs proches. Ceci est du terrorisme économique et un crime de guerre.

Une intégrité tribale

Bien qu’officiellement, l’Union européenne soit restée attachée à l’accord sur le nucléaire, elle a fait preuve de nonchalance envers ses obligations en permettant à chacune des sanctions unilatérales imposées par Washington d’être pleinement mise en œuvre à travers toute l’Europe.

Le corps des Gardiens de la révolution islamique présente ce qu’il dit être des débris du drone américain abattu le 20 juin (AFP)
Le corps des Gardiens de la révolution islamique présente ce qu’il dit être des débris du drone américain abattu le 20 juin (AFP)

Dans le même temps, l’Union européenne a demandé à l’Iran à plusieurs reprises de respecter pleinement ses engagements dans le cadre de l’accord sur le nucléaire. Faisant de l’accord une parodie, les dirigeants européens ont imité effrontément les demandes de concessions supplémentaires dans le domaine du nucléaire et au-delà formulées par les États-Unis, exposant ainsi leur conceptualisation tribaliste de l’intégrité.

Comme l’a démontré l’épisode du drone abattu, l’Iran dispose également de capacités militaires très sophistiquées et jouit à la fois de la volonté et des moyens de combattre avec force une puissance belligérante

Alors que la patience de l’Iran (combinée au comportement éhonté de Trump) a entamé de manière significative les nombreuses affirmations anti-iraniennes de l’Occident, celle-ci a été interprétée à tort par l’Empire comme une marque de faiblesse.

D’où la recrudescence de la posture agressive des États-Unis, qui a finalement abouti à la destruction humiliante d’un drone américain d’une valeur de 200 millions de dollars par un missile sol-air iranien de 20 000 dollars.

Ironiquement, juste quelques jours avant que le Global Hawk RQ-4A américain ne vienne s’abîmer dans les eaux territoriales iraniennes, le représentant spécial des États-Unis en Iran, Brian Hook, avait déclaré, de manière typiquement orientaliste, que les Iraniens trafiquaient les images de leurs capacités de défense.

Tendances racistes

Les Iraniens et leurs ingénieux alliés ont maintes fois démontré qu’ils étaient suffisamment sophistiqués pour damer le pion à leurs bourreaux impériaux dans la région et déjouer leurs plans. Toutefois, cette prouesse technologique spécifique n’avait même pas été envisagée dans le monde eurocentrique des services de renseignement occidentaux.

Il est impératif qu’à l’avenir, les responsables politiques européens et américains confrontent leurs tendances racistes et réfléchissent attentivement avant de poursuivre leurs projets et leurs provocations visant à ébranler l’Iran. Dans L’Énéide de Virgile, Anchise dit à Énée : « À toi, Romain, qu’il te souvienne d’imposer aux peuples ton empire. Tes arts à toi sont d’édicter les lois de la paix entre les nations, d’épargner les vaincus, de dompter les superbes. »

Chauvinisme culturel mis à part, au plus fort de l’Empire, jamais les puissances occidentales n’ont épargné les peuples assujettis ou fait preuve de respect à l’égard des populations autochtones. Ainsi, il n’y a aucune raison de s’attendre à ce qu’un Empire en déclin et désespéré se comporte de manière civilisée aujourd’hui.

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, à Bruxelles, mai 2018 (AFP)
Le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, à Bruxelles, mai 2018 (AFP)

Dans leur ignorance incurable, les « experts iraniens » affiliés à l’Occident prétendent paradoxalement que le « régime » iranien est à la fois fanatique et apocalyptique, en plus d’être corrompu et voué exclusivement à sa propre préservation. Alors que cette analyse est beaucoup plus révélatrice de ceux qui l’énoncent qu’instructive sur la République islamique, elle constitue le fondement d’une erreur de calcul potentiellement fatale.

Capacités asymétriques

Depuis l’occupation illégale de l’Irak par les États-Unis, l’Iran a œuvré à la construction d’un vaste réseau d’installations militaires souterraines le long de ses rives méridionales, de l’Irak au Pakistan, en prévision d’une possible agression occidentale.

Comme l’a démontré l’épisode du drone abattu, l’Iran dispose également de capacités militaires très sophistiquées et jouit à la fois de la volonté et des moyens de combattre avec force une puissance belligérante.

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L’Iran a déclaré qu’il ferait face à toute agression. Soyez assurés qu’il répondra à toute attaque militaire par une contre-attaque massive et disproportionnée visant tant l’agresseur que ses acolytes.

Une guerre totale signifierait l’oblitération de toutes les installations pétrolières et gazières ainsi que de tous les pétroliers et cargos des deux côtés du détroit d’Hormuz. Dans de telles circonstances, la fermeture du détroit constituerait un événement mineur.

Le président iranien Hassan Rohani a déclaré le mois dernier que l’Iran n’approuvait pas la confrontation et ne souhaitait pas la guerre. Néanmoins, le pays a tout mis en œuvre pour se doter d’une force de dissuasion militaire spécifiquement destinée à prévenir une telle situation, l’histoire ayant montré que la propension occidentale à la violence ne peut être limitée que par la force.

Les politiciens et les experts de l’establishment occidental semblent s’en donner à cœur joie lorsqu’ils menacent certaines nations de les renvoyer à l’âge de pierre. Mais croyez bien que si guerre il y a, cette fois-ci, l’Iran et ses alliés s’assureront qu’ils seront de la partie.

- Seyed Mohammad Marandi est professeur de littérature anglaise et d’étude de l’orientalisme à l’Université de Téhéran. 

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Traduit de l'anglais (original).

Seyyed Mohammad Marandi is a Professor of English Literature and Orientalism at the University of Tehran. He tweets@s_m_marandi
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