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Football : la Palestine interdite de jouer en Algérie, une réglementation à la carte ?

Immense déception pour la sélection nationale palestinienne de football : la FIFA a interdit aux Lions de Canaan d’évoluer sur les pelouses algériennes. Une nouvelle démonstration de la politique de deux poids, deux mesures menée par les instances internationales
​​​​​​​L’équipe nationale palestinienne de football chante son hymne national lors d’un match de qualification pour la Coupe du monde 2022 entre la Palestine et l’Arabie saoudite en Cisjordanie occupée, le 15 octobre 2019 (AFP/Ahmad Gharabli)
​​​​​​​L’équipe nationale palestinienne de football chante son hymne national lors d’un match de qualification pour la Coupe du monde 2022 entre la Palestine et l’Arabie saoudite en Cisjordanie occupée, le 15 octobre 2019 (AFP/Ahmad Gharabli)

La FIFA (instance internationale de football) et la Confédération asiatique de football (AFC), en charge de l’organisation des matchs éliminatoires jumelés de la Coupe du monde 2026 et de la Coupe d’Asie 2027, ont rapidement mis fin aux espoirs des Palestiniens d’évoluer sur les pelouses algériennes et de bénéficier du soutien inconditionnel des fans algériens de football.

Les Lions de Canaan conduits par le technicien tunisien Makram Daboub devront trouver un point de chute en Asie, selon la décision des deux instances en charge de la compétition.

S’appuyant sur le règlement de la compétition, la FIFA, par le biais de l’AFC, a fait savoir à la Fédération palestinienne de football qu’elle ne pouvait domicilier ses rencontres officielles ailleurs que sur son continent d’affiliation, à savoir l’Asie. Alors même qu’Israël est autorisé à jouer... en Europe et est membre de l’Union européenne des associations de football (UEFA).

Une appartenance géographique que la FIFA a pourtant fait voler en éclats pour la Coupe du monde 2030 puisque les matchs se joueront sur trois continents (Amérique latine, Europe et Afrique).

Intervenant sur les ondes de la Radio Algérie internationale (RAI), le président du Conseil supérieur de la jeunesse et des sports palestinien et président de la Fédération palestinienne de football, Jibril Rajoub, avait fait part de son souhait de domicilier les matchs des éliminatoires jumelés de la Coupe du monde 2026 et la Coupe d’Asie 2027 de la sélection palestinienne en Algérie.

« L’AFC nous a demandé de choisir un terrain neutre, d’où notre choix pour l’Algérie », expliquait le responsable palestinien.

Dès le lendemain, le lundi 16 octobre, les plus hautes autorités algériennes donnaient leur feu vert, demandant à la Fédération algérienne de football (FAF) de prendre en charge les requêtes de son homologue palestinienne.

« Un prolongement du FLN »

Dans un communiqué, la FAF a ainsi indiqué qu’elle accueillerait en Algérie « tous les matchs officiels et non officiels entrant dans le cadre de la préparation de la sélection palestinienne de football aux éliminatoires de la Coupe du monde 2026 et de la Coupe d’Asie des nations 2027 » et « prendrait en charge tous les frais liés à ces événements ».

La Fédération algérienne de football a aussitôt annoncé la domiciliation en Algérie de la rencontre Palestine-Australie, le 21 novembre, un match comptant pour la deuxième journée du groupe I (Palestine, Australie, Bangladesh, Liban) des éliminatoires de la Coupe du monde 2026.

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« Je réitère mes remerciements au président [algérien] Abdelmadjid Tebboune, qui représente le symbole de l’unité de ce grand peuple frère, dont le parcours dans la lutte contre le colonialisme a inspiré d’autres mouvements de libération à travers le monde, y compris le mouvement Fatah et la révolution palestinienne. Nous nous considérons comme un prolongement du Front de libération nationale [FLN] et du peuple algérien », a salué Jibril Rajoub.

Au-delà du fait de bénéficier des infrastructures sportives et de la ferveur des supporters algériens, soutiens inconditionnels des sélections palestiniennes – même lorsqu’elles évoluent contre les Verts ! –, Jibril Rajoub ne pouvait ignorer les dispositions réglementaires de la compétition.

Tout comme il ne pouvait ignorer que les longs déplacements de l’Australie et du Bangladesh pour rallier l’Algérie allaient constituer un handicap majeur à sa démarche.

Mais une telle requête avait également pour objet de recentrer le débat sur des questions éminemment plus importantes et plus nobles. Principalement celle de la place de la question palestinienne au niveau des instances sportives internationales.

Aux yeux des Palestiniens, le veto opposé par la FIFA et l’AFC désigne par ricochet l’UEFA. La réglementation asiatique paraît plus restrictive que celle dont bénéficie Israël au niveau de l’UEFA, puisque sa sélection dispute les éliminatoires de la Coupe du monde en zone Europe et que ses clubs prennent part aux compétitions européennes dont la prestigieuse Ligue des champions de l’UEFA. De plus, les équipes fondées dans les colonies illégales de Cisjordanie occupée, sont elles aussi éligibles à ces compétitions.

La confédération européenne avait d’ailleurs rapidement exclu la Russie, ainsi que les clubs russes, de ses compétitions avant d’exiger et d’imposer à la FIFA son exclusion des éliminatoires de la Coupe du monde 2022, dès le début des hostilités avec l’Ukraine.

Mais depuis le début de la riposte israélienne à l’attaque du Hamas le 7 octobre, ni les milliers de morts civils, ni la destruction systématique de la bande de Gaza, ni la crise humanitaire qui se profile n’ont fait réagir l’UEFA, présidée par le Slovène Aleksander Čeferin.

Juste cause

Des positions qui n’ont malheureusement pas beaucoup évolué au fil des décennies.

Comment ne pas penser au rôle majeur de l’équipe de l’ALN (Armée de libération nationale) et son héritière, la glorieuse équipe du FLN (Front de libération nationale), surtout lorsque le dirigeant palestinien se réfère à la lutte de libération algérienne ?

Constituée de joueurs professionnels à la carrière prometteuse (Mustapha Zitouni, Abdelaziz Bentifour, Rachid Mekhloufi, Kaddour Bekhloufi…), qui avaient tout abandonné (leur famille, leur confort matériel, etc.) pour porter le message de la cause algérienne et sa lutte pour l’indépendance, l’équipe du FLN (aussi appelée l’« équipe de la liberté ») avait été déclarée illégale par la FIFA.

Pressée par la France coloniale, l’instance zurichoise avait tenté dès le début de l’année 1958 de mettre fin à cette formidable épopée, devenue au fil des années un classique de la diplomatie sportive. La FIFA avait même menacé de suspendre toutes les formations qui lui ouvriraient ses stades et qui accepteraient de jouer contre elle.

Cependant, le message porté par cette équipe et l’élan de solidarité des pays « amis » en faveur d’une juste cause avaient fini par l’emporter.

Souhaitons la même réussite à la sélection palestinienne, dont la fédération a été fondée 1928.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Nazim Bessol est journaliste d’investigation, écrivain et éditeur. Passé par le site web-sports de Canal +, consultant à la radio et à la télé, il anime actuellement le site référence du football africain, www.footafrique.com, et dirige la rédaction du bi-hebdo algérien Botola. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont des guides consacrés aux Verts, à l’ES. Sétif et au MC. Alger, ainsi que L’Encyclopédie des Verts. En 2018, il est élu au comité exécutif de l’Association internationale de la presse sportive (AIPS Afrique).
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