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Des Français participent aux crimes de l’armée israélienne en Palestine, cela doit cesser

De nombreux citoyennes et citoyens français et binationaux franco-israéliens combattent actuellement au sein de l’armée israélienne à Gaza. Ils se rendent ainsi coupables des crimes de guerre commis par Israël contre les Palestiniens
Des soldats israéliens posent dans une jeep militaire dans le sud d’Israël, le long de la frontière avec la bande de Gaza, le 9 janvier 2024 (Menahem Kahana/AFP)

La présence de citoyennes et citoyens français et de binationaux (franco-israéliens) dans l’armée israélienne d’occupation est une réalité avérée depuis de nombreuses années.

Dans un reportage récent, Europe 1 a repris le nombre (donné par Libération en 2018) de 4 185 Françaises et Français servant dans l’armée israélienne. Si aujourd’hui, on ne dispose pas d’estimation plus récente, on peut affirmer, sans risquer de se tromper, que l’effectif de 4 000 est largement dépassé.   

Or, cette armée est aujourd’hui engagée dans ce qu’il faut bien appeler un « génocide en cours », selon les termes de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH).

La requête pour génocide que vient de déposer l’Afrique du Sud contre Israël devant la Cour internationale de justice (CIJ) souligne encore davantage la gravité des crimes commis par l’armée israélienne.

Ce contexte de génocide, avec tous les crimes de guerre qui l’accompagnent, rend la présence de ces Français et Franco-Israéliens encore plus visible et problématique, d’autant qu’elle doit être rapprochée de celle des colons français et franco-israéliens vivant dans les colonies israéliennes illégales en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, dont nombre commettent des exactions et des crimes de plus en plus nombreux contre les populations palestiniennes voisines.

« Seront-ils traduits en justice ? »

Cette situation qui révolte de nombreuses personnes en France et bien au-delà est de plus en plus mise en lumière par des prises de position courageuses émanant de divers secteurs de la société française. C’est en particulier le cas à gauche de l’échiquier politique, où le député de La France insoumise (LFI) Thomas Portes, notamment, réclame des poursuites contre les Français impliqués dans les crimes de guerre à Gaza.

Dans un communiqué daté du 16 décembre, le parlementaire écrit : « La France doit condamner avec la plus grande fermeté cette participation à des crimes de guerre. Je demande au ministre de la Justice que les personnes de nationalité française (y compris les binationaux) coupables de crimes de guerre soient traduites devant la justice française […]. »

Sans attendre la réponse du ministre, Thomas Portes a effectué une saisine de la procureure de la République, attirant son attention sur « des faits susceptibles de contrevenir au droit national et international pénal ».

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À ce jour, la démarche de Thomas Portes n’a reçu aucune réponse de la procureure, ni du ministre de la Justice, qui reste honteusement silencieux tout comme l’ensemble du gouvernement. Une précédente question écrite sur un sujet très voisin posée, le 3 octobre 2023, par la députée LFI Sylvie Ferrer est, elle aussi, en attente de réponse du gouvernement.

Dans les milieux de la culture et du sport, on s’émeut également de cette situation, à l’instar d’Éric Cantona, ancien footballeur international devenu aujourd’hui comédien et chanteur engagé, qui s’interroge : « Les 4 000 Franco-Israéliens binationaux partis pour rejoindre l’armée israélienne et exterminer les Palestiniens sous le prétexte de faire la guerre au Hamas pourront-ils rentrer en France comme si de rien n’était ? Et seront-ils traduits en justice ? »

Pour essayer d’éclairer le contexte de cette situation complexe, il convient de rappeler que, pour les personnes de nationalité française, il existe deux manières de servir dans l’armée israélienne.

Tout d’abord, en vertu d’une convention entre la France et Israël datant du 30 juin 1959 et toujours en vigueur aujourd’hui, celles et ceux qui ont émigré en Israël, en tant que juives ou juifs – obtenant de ce fait la nationalité israélienne tout en conservant leur nationalité française –, ont l’obligation d’effectuer un service militaire en Israël s’ils y résident à l’âge de 18 ans. Ce sont les binationaux.

D’autre part, les Françaises et les Français résidant en France – qu’ils soient ou non de confession juive – peuvent s’engager dans l’armée israélienne en tant que volontaires, tout en ne résidant pas en Israël et en n’ayant pas la nationalité israélienne.

L’opinion publique est de plus en plus révoltée par les horreurs commises à Gaza. Faisons en sorte qu’elle le soit aussi par l’implication de Françaises et de Français dans ces horreurs et par le silence des autorités françaises face à cette situation

D’un point de vue strictement juridique, il semblerait que la situation des binationaux soit la plus difficile à appréhender, dans la mesure où ils ont l’obligation d’effectuer leur service militaire en Israël s’ils résident dans ce pays à leurs 18 ans. Ils ont aussi l’obligation de servir comme réservistes dans l’armée israélienne s’ils y sont appelés après leur service militaire obligatoire, même s’ils résident en France (ou ailleurs) à ce moment-là.

Les traduire en justice pour cette « simple » présence pourrait s’avérer une démarche très compliquée. En revanche, si la preuve est apportée qu’ils ou elles sont impliqué(e)s dans des crimes de guerre, des actions judiciaires sembleraient beaucoup plus envisageables devant la justice française et/ou la Cour pénale internationale (CPI).

Le cas des Françaises et Français n’ayant pas la double nationalité qui s’engagent volontairement dans l’armée israélienne et ont été impliqués dans des crimes de guerre avérés devrait pouvoir donner lieu moins difficilement à des suites judiciaires, surtout lorsque cet engagement s’accompagne de propos tels que ceux relayés par Europe 1 : « Je voulais vraiment passer à l’action, même si je ne suis pas un Israélien, que je n’étais jamais allé en Israël... Notre objectif, pour l’instant, est de faire face au Hamas, et on fera ce qu’il faut faire quand il faudra le faire et on le fera comme il faut... » Une déclaration paraissant de nature à justifier, par avance, tous les actes qui seront commis sur le front.

Il faut néanmoins noter qu’en général en France, partir combattre dans une armée étrangère n’est pas automatiquement sanctionné, contrairement au fait de participer à une activité mercenaire.

Un recrutement direct par Israël et ses relais en France

Un autre volet de ce dossier également à prendre en compte consiste dans les efforts consacrés par Israël et ses relais en France en vue d’encourager le recrutement de volontaires pour l’armée d’occupation. Cela passe, entre autres, par l’organisation de stages et de camps d’été en Israël avec une immersion dans l’armée.

Ces stages proposés à des jeunes, y compris parfois des mineurs de 16 ans, sont organisés par des associations israéliennes pouvant avoir des antennes en France. C’est, parmi d’autres, le cas de Gour Arié (programme Massa de préparation à l’armée en Israël) ou SAR-EL Volontaires pour Israël.

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Certaines font également des appels aux dons à destination de l’armée d’occupation. À titre d’exemple, citons deux associations basées en France, Migdal et Israël is For Ever, ou encore SOS NETIVOT, dont la devise est déjà tout un programme : « Le sourire d’un soldat est plus que tout l’or du monde ».

Alors que le génocide en cours à Gaza prend, chaque jour, un peu plus d’ampleur et que les crimes commis par les colons s’intensifient en Cisjordanie, la forte implication française dans cette machine guerrière devient de plus en plus insupportable.

Sans attendre d’éventuelles actions judiciaires qui prendront nécessairement du temps, il est indispensable d’informer très largement la population française sur l’ensemble de ces sujets et d’agir auprès du gouvernement afin que de sérieuses mises en garde soient adressées à toutes celles et tous ceux qui apportent, sous une forme ou sous une autre, un soutien actif à cette armée génocidaire.

C’est ce à quoi s’emploient des organisations du mouvement de solidarité avec la Palestine, en particulier l’Association France Palestine Solidarité (AFPS). L’opinion publique est de plus en plus révoltée par les horreurs commises à Gaza. Faisons en sorte qu’elle le soit aussi par l’implication de Françaises et de Français dans ces horreurs et par le silence des autorités françaises face à cette situation.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Jean Louis Vey a été directeur de MJC (Maison des jeunes et de la culture) et directeur du Festival international du premier film d’Annonay, qu’il a créé en 1984, pendant 24 ans. Militant à l’Association France Palestine Solidarité (AFPS) depuis 2014, il en est aujourd’hui membre du Conseil national et animateur d’un groupe de travail sur le BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions) et d’un autre sur les questions militaires et sécuritaires relatives à la coopération entre la France et Israël. Il est président de l’AFPS Ardèche Drôme.
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