Guerre Israël-Palestine : la France est devenue la complice silencieuse d’un génocide
Dès le début des bombardements israéliens à Gaza, le principe directeur du président français Emmanuel Macron a été un soutien inébranlable et inconditionnel à Tel Aviv.
Invoquant le « droit à la légitime défense » d’Israël, la France a voté le 16 octobre contre une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies qui aurait condamné les violences contre les civils. Paris a ensuite soutenu une résolution appelant à des pauses humanitaires à Gaza, mais les États-Unis y ont opposé leur veto.
Macron est depuis lors allé plus loin en appelant à un cessez-le-feu, mais c’était trop peu et trop tard.
En soutenant fermement Israël malgré le caractère disproportionné de sa réponse à l’attaque du Hamas du 7 octobre, la France a donné dans les faits au gouvernement israélien son feu vert pour massacrer des milliers de civils.
Il n’y a pas de mots assez forts pour décrire l’indécence dont font preuve les dirigeants du monde occidental, qui continuent de fermer les yeux sur les crimes de guerre et les actes génocidaires commis par Israël à Gaza.
Les dizaines de milliers de Palestiniens tués et mutilés par les bombardements israéliens à Gaza auraient pu être sauvés si ces puissances avaient honoré leurs obligations en matière de droit humanitaire international
Dans le même temps, les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne et d’autres pays européens continuent de vanter leurs principes humanitaires, notamment lors de la conférence humanitaire sur Gaza qui s’est récemment tenue à Paris.
Les dizaines de milliers de Palestiniens tués et mutilés par les bombardements israéliens à Gaza auraient pu être sauvés si ces puissances avaient honoré leurs obligations en matière de droit humanitaire international. Au lieu de cela, elles ont fait le contraire en offrant une couverture politique, économique et militaire aux ambitions coloniales et génocidaires d’Israël, tout en déshumanisant les Palestiniens.
Un espace limité
Depuis l’élection de Macron, la dérive autoritaire de la France a été abondamment étayée : politiques antisociales, violence et impunité policières, répression des manifestations et islamophobie systémique, entre autres questions. L’ONU ainsi que d’autres organismes de surveillance des droits de l’homme ont souligné ces manquements.
Si la politique étrangère française n’a pas encore été analysée à travers le prisme de ce virage vers l’extrême droite, c’est probablement parce que cette politique est élaborée en dehors de tout contrôle démocratique et parlementaire. Bien que l’Assemblée nationale ait un droit de regard sur les affaires étrangères, celui-ci se traduit rarement par une opposition concrète : la Constitution et la pratique institutionnelle accordent au président des pouvoirs très étendus en matière de politique étrangère.
La commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale n’a que peu d’influence sur les processus décisionnels en matière de politique étrangère et l’activité législative est limitée dans ce domaine. Ainsi, de manière générale, le Parlement n’a guère l’occasion de se dissocier du gouvernement sur les questions diplomatiques et ne l’a pratiquement jamais fait.
En effet, les affaires internationales occupent une place limitée dans le débat politique français.
Dans leur soutien aveugle à un régime d’apartheid qui déploie un projet de colonisation ethno-nationaliste, la collusion des dirigeants politiques français avec l’extrême droite est frappante. Macron est même allé jusqu’à suggérer d’élargir la mission de la coalition internationale contre l’État islamique pour cibler également le Hamas.
Une telle suggestion décontextualise et dissimule de fait la réalité de l’occupation coloniale en associant les Palestiniens à un djihad international auquel ils ne participent pas. Ce type de discours civilisationnel, qui rappelle la théorie néoconservatrice du « choc des civilisations », repose sur une rhétorique d’extrême droite déshumanisante.
En outre, le rejet occidental du droit international au nom du « droit à la légitime défense » d’Israël s’inscrit dans une forme virulente d’autoritarisme prônant une vision du monde dépourvue de sens moral.
Parallèlement, la France a pris des mesures pour criminaliser la solidarité avec le peuple palestinien – ce qui revient à criminaliser l’opposition au génocide – en interdisant des manifestations, en expulsant des activistes et en ciblant des campagnes de boycott anti-israélien. Dans le contexte actuel, toute critique de la politique gouvernementale est qualifiée de « terrorisme », un procédé rhétorique classique employé par les régimes autoritaires.
Un soutien aveugle
En parallèle, l’ampleur des récentes manifestations de solidarité avec la Palestine a remis en question les théories classiques qui supposent que le public fait preuve d’apathie et d’indifférence à l’égard des conflits internationaux. Ces mobilisations découlent en partie du pouvoir contre-hégémonique des réseaux sociaux, capable de perturber les discours dominants et d’éroder l’autorité publique.
En période de crise internationale, l’État dispose de deux outils pour influencer l’opinion publique : le contrôle de l’information publique et le maintien de l’ordre dans certains segments de la population jugés « dangereux ». La France utilise ces deux outils : le premier par la concentration des médias entre les mains de quelques milliardaires, le second par la répression des manifestants.
Le rejet occidental du droit international au nom du « droit à la légitime défense » d’Israël s’inscrit dans une forme virulente d’autoritarisme
Malgré cela, les manifestations continuent de prendre de l’ampleur, reflétant le profond rejet de la politique étrangère française par les citoyens – et leur volonté de placer cette politique au cœur du débat démocratique.
Le soutien aveugle de la France à l’armée israélienne est un choix politique et non une fatalité, comme le montrent les positions divergentes d’autres États tels que l’Irlande, l’Écosse et l’Espagne. Le courage de pays comme l’Afrique du Sud et la Bolivie, qui ont actionné des leviers diplomatiques pour exercer une pression directe sur Israël, est encore plus frappant.
Si les médias occidentaux ont tendance à dénigrer ces réactions en les qualifiant de « sensibilité anticoloniale », elles témoignent en réalité d’un engagement authentique et cohérent en faveur des droits de l’homme, d’un engagement en faveur de l’application institutionnelle et juridique d’un code moral international. Ces pays montrent la voie à suivre.
Il fut un temps où la France pouvait se targuer de représenter à l’étranger un tel engagement universaliste en faveur des droits de l’homme. Cette époque est manifestement révolue.
- Clothilde Facon est chercheuse en sciences politiques à l’Université d’Anvers en Belgique, spécialisée dans la politisation de l’aide étrangère au Moyen-Orient.
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Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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