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Le maccarthysme israélien s’adonne à la chasse aux sorcières

En Israël, les enseignants courent le risque d’être licenciés s’ils expriment un quelconque soutien aux droits des Palestiniens
Le ministre israélien de l’Éducation, Rafi Peretz, à Ramat Gan le 12 août 2019 (AFP)

Le maccarthysme israélien ne s’arrête pas à la porte de la salle de classe.

Meir Baruchin, professeur d’éducation civique dans un lycée de Rishon Letzion, a récemment été licencié après avoir critiqué en classe et sur Facebook la politique israélienne dans les territoires occupés et le meurtre de civils palestiniens par l’armée israélienne.

Baruchin, qui enseigne depuis plus de 30 ans, utilise souvent sa page Facebook pour partager des articles sur l’occupation israélienne et son impact quotidien sur la vie des Palestiniens en Cisjordanie occupée et à Gaza. Ces posts s’inscrivent dans une position morale sans équivoque contre l’oppression et la violence.

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Meir Baruchin a exhorté les jeunes Israéliens à ne pas rejoindre l’armée et a traité d’« assassins » les pilotes qui ont tué neuf membres d’une même famille palestinienne en bombardant un immeuble à Gaza.

En réponse à sa convocation devant le conseil de discipline, il a déclaré que son but était d’encourager les élèves à penser de manière indépendante, notant que certaines déclarations qui lui étaient attribuées n’avaient pas été faites en classe.

S’opposer à l’occupation

Ce n’est pas la première fois, en Israël, qu’un enseignant est sanctionné pour avoir adopté une position critique à l’égard de l’occupation et des violations des droits de l’homme. Il y a environ six ans, un lycéen a envoyé une lettre au ministre israélien de l’Éducation pour se plaindre de la façon dont un enseignant, Adam Verta, avait critiqué l’État d’Israël, mis en doute la moralité de l’armée israélienne et, plus généralement, épousé en classe les opinions de « l’extrême gauche ».

Verta a été convoqué devant le conseil de discipline puis renvoyé. Durant l’audience, dont le texte est devenu le scénario d’une pièce de théâtre, l’enseignant a notamment déclaré : « Notre tragédie en Israël est que tout discours traitant des droits de l’homme, du sens de la vie humaine et de la liberté d’expression a été associé à l’extrême gauche ». Et « l’extrême gauche », en Israël, est attaquée par tous les moyens dont le régime peut se saisir.

« Notre tragédie en Israël est que tout discours traitant des droits de l’homme, du sens de la vie humaine et de la liberté d’expression a été associé à l’extrême gauche »

- Adam Verta, enseignant licencié

Le ministère israélien de l’Éducation aime faire étalage de la notion de « pensée critique ». Le site web en hébreu du ministère mentionne à plusieurs reprises la pensée critique dans le cadre de la boîte à outils de l’enseignant – mais il y a un écart flagrant entre ces déclarations et la réalité.

Pensez au licenciement en 2012 d’Adar Cohen, qui coordonnait à l’époque les études civiques au ministère de l’Éducation, en raison de la pression exercée par des personnalités de droite. Une partie de leur campagne était centrée sur sa promotion de manuels prétendument « post-sionistes » qui, entre autres, évoquaient le rapport Goldstone et la violence de droite en Israël.

Principaux moyens d’endoctrinement

En Israël, les études civiques font partie du programme de base au lycée. Ces cours constituent le principal moyen de façonner les élèves en vue d’en faire de futurs citoyens, un processus par lequel ils sont censés saisir le vrai sens de la démocratie et développer des outils essentiels pour les aider à en sauvegarder les valeurs en tant que citoyens adultes.

Au fil des ans, cependant, les cours d’éducation civique se sont au contraire transformés en un moyen clé d’endoctrinement par le régime. Non seulement des enseignants sont licenciés pour avoir refusé de mener des discussions en classe dans les limites étroites autorisées par les autorités, mais le matériel d’apprentissage officiellement jugé approprié ou inadapté pour les élèves du secondaire a également radicalement changé.

Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou visite une salle de classe à Modiin en 2009 (AFP)
Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou visite une salle de classe à Modiin en 2009 (AFP)

En août dernier, le ministre de l’Éducation, Rafi Peretz, a annoncé que la récente loi israélienne sur l’État-nation, communément appelée « loi d’apartheid », serait désormais incluse dans le programme d’études civiques – et ce, bien que des dizaines d’appels contre la légalité de cette législation soient toujours en instance devant la Cour suprême.

Défendant sa décision, Peretz a expliqué : « Je pense qu’il est très important que le système éducatif enseigne la loi nationale qui démontre notre droit historique en tant que peuple souverain et constitue une base juridique pour l’État d’Israël en tant qu’État-nation du peuple juif. »

Victimes du maccarthysme

Gardez à l’esprit que Peretz, chef du parti Le Foyer juif et actuellement responsable de l’éducation pour la totalité des enfants en Israël, aspire à étendre la souveraineté israélienne à l’ensemble de la Cisjordanie sans accorder aux résidents palestiniens qui y vivent le droit de vote aux élections nationales israéliennes à la Knesset.

Peretz est un politicien d’extrême droite qui, lors des dernières élections, s’est allié au kahaniste Itamar Ben Gvir, un éminent disciple de feu Meir Kahane. Mais il a ensuite abandonné cette alliance au profit du parti de Naftali Bennett.

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Bennett, qui dirigeait auparavant le ministère de l’Éducation, a interdit aux représentants de l’ONG Breaking the Silence de se rendre dans les établissements d’enseignement publics israéliens pour engager avec les élèves des discussions critiques sur le service militaire qu’ils doivent obligatoirement accomplir peu après la fin du lycée.

Au lieu de cela, il a lancé un programme début 2018 visant à encourager les jeunes à s’enrôler dans l’armée et « à renforcer les liens entre les écoles et [cette dernière] ».

Pour obtenir un diplôme universitaire complet, les élèves arabes chrétiens, musulmans et druzes en Israël doivent étudier, entre autres, la loi sur l’État-nation qui les discrimine et les désigne comme citoyens de seconde classe dès la naissance. Si un enseignant tente d’entamer une discussion critique de cette loi, son destin professionnel ressemblera à celui d’Adam Verta, d’Adar Cohen et de Meir Baruchin, les dernières victimes du maccarthysme au sein du système scolaire israélien.

Messages de soutien

On peut éventuellement trouver un certain réconfort dans les réponses des élèves de Meir Baruchin à ce qui lui a été fait. Après avoir annoncé son licenciement sur sa page Facebook, un déferlement de messages de soutien et de commentaires pleins de gratitude s’est ensuivi de la part de centaines de ses étudiants actuels et anciens, y compris ceux qui n’étaient pas d’accord avec ses idées politiques.  

« Quand j’étais en terminale, j’enviais la classe d’à côté où Baruchin donnait ses cours uniques d’instruction civique », a écrit une jeune femme. « J’ai persévéré jusqu’à réussir à passer dans sa classe pour les cours d’éducation civique, même si cela entrait en conflit avec mes propres horaires de cours. Je sentais que c’était l’occasion d’entendre une voix différente au lycée. 

« Même si j’étais en désaccord avec certaines des idées qu’il a exprimées en classe, je me suis accrochée à chaque mot, fascinée par sa capacité à exprimer les choses sous un angle différent »

- Une élève de Meir Baruchin

« Meir nous a appris ce qu’est le pluralisme, comment mener une discussion fructueuse et respectueuse avec quelqu’un qui pense différemment et comment voir l’autre côté », a-t-elle ajouté.

« Même si je suis issue d’un foyer très à droite, et même si j’étais en désaccord avec certaines des idées qu’il a exprimées en classe, je me suis accrochée à chaque mot, assise au premier rang, fascinée par sa capacité à exprimer les choses sous un angle différent, ce qui était si inhabituel dans le paysage des instructeurs robotiques et conventionnels auxquels j’étais habituée.

« Je suis furieuse et triste d’apprendre qu’il a été licencié, mais je suis surtout désolée pour les élèves et pour l’école, qui ont perdu un professeur exceptionnel. »

- Orly Noy est une journaliste et activiste politique basée à Jérusalem.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Traduit de l’anglais (original).

Orly Noy is the chair of B’Tselem – The Israeli Information Center for Human Rights in the Occupied Territories.
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