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Financement du Dôme de fer : ne vous y trompez pas, l’aide américaine à Israël ne vise pas à sauver des vies

Le financement américain du système israélien d’interception de missiles s’inscrit dans le cadre d’efforts plus larges pour consolider un système militaire de domination mondiale
Activation du système israélien Dôme de fer pour intercepter une roquette tirée depuis Gaza, le 17 mai 2021 (AFP)
Activation du système israélien Dôme de fer pour intercepter une roquette tirée depuis Gaza, le 17 mai 2021 (AFP)

Les conflits qui ont ressurgi au Congrès américain en septembre autour de la suspension d’une enveloppe d’un milliard de dollars pour Israël ont souligné à quel point les débats sur l’aide financière américaine à Israël sont déconnectés de la réalité, même chez de nombreux critiques.

Pendant 48 heures, un petit groupe de démocrates progressistes à la Chambre des représentants des États-Unis a réussi à saboter une mesure visant à régler la note qui permettrait à Israël de refaire le plein de missiles d’interception pour son Dôme de fer.

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Israël a développé le système Dôme de fer avec le généreux soutien financier des différentes administrations américaines, au lendemain de la guerre contre le Hezbollah au Liban en 2006. Aujourd’hui, il sert soi-disant à protéger Israël des roquettes à courte portée, largement improvisées, tirées sporadiquement depuis Gaza.

Ce groupe de démocrates progressistes, communément surnommé la squad (équipe), a douché une première tentative de leurs dirigeants au Congrès qui avaient inscrit une enveloppe d’un milliard de dollars pour Israël dans le budget américain.

Mais l’argent destiné au Dôme de fer a rapidement été à nouveau présenté en tant que projet de loi autonome adopté à une écrasante majorité, à 420 voix pour et neuf contre.

Deux représentants, dont Alexandria Ocasio-Cortez (célèbre membre de la squad), ont voté « présents » – comptant effectivement comme une abstention.

Une aide militaire annuelle de 3,8 milliards de dollars

Les stocks de missiles pour le Dôme de fer, lesquels coûtent au moins 50 000 dollars pièce, ont été épuisés en mai, lorsqu’Israël a déclenché des affrontements généralisés avec les Palestiniens en intensifiant sa colonisation des quartiers palestiniens près de la vieille ville de Jérusalem et en faisant violemment irruption à la mosquée al-Aqsa.

Les groupes militants palestiniens ont tiré une multitude de roquettes depuis Gaza, sous blocus israélien depuis quinze ans. Le Dôme de fer a intercepté ces roquettes avant qu’elles ne puissent atterrir en Israël.

Les stocks de missiles pour le Dôme de fer ont été épuisés en mai, lorsqu’Israël a déclenché des affrontements généralisés avec les Palestiniens

Cette semaine, c’est au Sénat que la colère s’est déclenchée quand le républicain Rand Paul, fervent détracteur de l’aide étrangère américaine, s’est opposé au projet de loi et lui a ainsi refusé un assentiment unanime. Il devra maintenant passer par un processus législatif plus compliqué.

Ce dernier financement pour le Dôme de fer vient s’ajouter aux 3,8 milliards de dollars qu’Israël reçoit chaque année des États-Unis en aide militaire, ce qui a fait d’Israël le plus grand bénéficiaire, de loin, de ces largesses.

Pour mettre en perspective la nouvelle tranche d’aide du Dôme de fer, c’est le double de la contribution annuelle de Washington au budget de l’OTAN.

Sous Donald Trump, l’administration a transformé le financement américain de l’OTAN en une grande controverse nationale, défendant l’idée que les États-Unis portaient une trop grande part du fardeau. Mais presque personne n’a trouvé à redire au sujet de l’énorme facture militaire que les États-Unis doivent régler pour le Dôme de fer.

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Grâce à son bref blocage, le groupe de démocrates a surtout réussi à mettre au grand jour le fait que les États-Unis paient le stock de missiles d’Israël. Comme les dirigeants de la Chambre, le lobby israélien avait espéré que l’argent pourrait être transféré discrètement, sans attirer l’attention.

Le peu de débat qui s’en est suivi avait pour objet de savoir si Israël a véritablement besoin de l’aide militaire américaine. Quelques commentateurs ont demandé pourquoi Washington équipe de missiles l’un des pays les plus riches de la planète au beau milieu d’une pandémie qui a durement frappé l’économie américaine.

Encourager ou pas le Dôme de fer ?

Mais le lobby a rapidement étouffé un débat bien plus important : est-ce que les États-Unis devraient encourager Israël à utiliser le Dôme de fer ? Au lieu de cela, le financement américain du système de missiles d’interception a été présenté comme motivé par le seul désir de sauver des vies.

En attaquant la décision de Rand Paul de bloquer le projet de loi, le plus grand groupe de pression pro-israélien au Congrès, l’AIPAC, a fait valoir cette semaine que sa décision « coûterait des vies innocentes, rendrait la guerre plus probable et enhardirait les terroristes soutenus par l’Iran ».

C’est précisément l’assertion selon laquelle le Dôme de fer est un outil défensif qui a semblé acculer Alexandria Ocasio-Cortez, généralement considérée comme l’une des rares politiques américains à critiquer ouvertement Israël, conduisant à son abstention.

La représentante américaine Alexandria Ocasio-Cortez s’est abstenue lors d’un récent vote sur un projet de loi visant à renouveler le financement du Dôme de fer (AFP)
La représentante américaine Alexandria Ocasio-Cortez s’est abstenue lors d’un récent vote sur un projet de loi visant à renouveler le financement du Dôme de fer (AFP)

Des images de la Chambre l’ont montrée en larmes et réconfortée par un autre représentant après le vote. Plus tard, elle a attribué sa détresse en partie à l’effet polarisant du financement du Dôme de fer, faisant observer que le projet de loi de la Chambre était une décision « imprudente » pour « déchirer nos communautés ».

C’était une référence apparente aux tensions entre factions au sein du Parti démocrate ; entre d’une part, de nombreux électeurs juifs qui soutiennent ce qu’ils considèrent comme le droit d’Israël à se défendre et, de l’autre, de nombreux électeurs noirs et hispaniques qui pensent qu’il est inacceptable pour les États-Unis de soutenir financièrement l’oppression des Palestiniens par Israël.

Certains ont vu son indécision comme une preuve de ses ambitions de se présenter au Sénat, où les positions critiques d’Israël seraient plus susceptibles de nuire à ses perspectives de succès.

En Israël, et au-delà dans les communautés juives, la conversation sur le soutien américain au Dôme de fer est encore plus déconnectée de la réalité.

C’est précisément la supériorité militaire d’Israël – payée par les États-Unis – qui lui donne les moyens de mener ces attaques massives, lors desquelles un grand nombre de Palestiniens, dont des centaines d’enfants, sont tués

Les neuf représentants américains qui ont voté contre ont été vivement fustigés pour avoir accepté la mort d’Israéliens en refusant par leur vote de les protéger des roquettes tirées depuis Gaza. Comme c’était prévisible, l’ambassadeur d’Israël à l’ONU, Gilad Erdan, a estimé que les opposants étaient « soit des ignorants, soit des antisémites ».

Mais certains libéraux ont pris une direction différente, encore plus fantaisiste. Ils ont qualifié les membres du groupe des démocrates d’« hypocrites » pour avoir voté contre cette enveloppe, avançant que les missiles du Dôme de fer sauvent non seulement des Israéliens, mais aussi des Palestiniens.

Un commentateur de Haaretz est allé jusqu’à affirmer que les Palestiniens étaient en fait les principaux bénéficiaires du système du Dôme de fer, arguant : « Le fait qu’Israël dispose d’un bouclier défensif contre les attaques à la roquette diminue les risques d’une opération militaire à grande échelle avec des milliers de victimes – principalement palestiniennes. »

Bien sûr, une petite question se pose : est-ce qu’Israël a effectivement été « contraint » d’attaquer Gaza ? C’est précisément sa supériorité militaire – payée par les États-Unis – qui lui donne les moyens de mener ces attaques massives, lors desquelles un grand nombre de Palestiniens, dont des centaines d’enfants, sont tués, plutôt que de négocier la fin de son occupation qui dure depuis des décennies.

Une arme pour garder les Palestiniens soumis

Tout comme dans la vie, les petites brutes ont recours à l’intimidation et à la violence parce qu’ils ne ressentent pas le besoin de faire des compromis. Mais plus encore, le Dôme de fer est au cœur des efforts d’Israël pour maintenir les Palestiniens emprisonnés à Gaza, entièrement soumis et dépouillés de tout pouvoir de résistance.

Puisqu’Israël patrouille le long des minuscules frontières terrestres et côtières de Gaza, coupant l’enclave du reste du monde, les Palestiniens ont peu d’options pour protester contre la famine qui s’installe lentement – ou pour attirer l’attention sur leur sort.

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Des tireurs d’élite israéliens ont tiré sur des Palestiniens qui organisaient des manifestations de masse non armées le long de la clôture qui les enferme, tuant et blessant des milliers de personnes.

La marine israélienne tire sur des bateaux palestiniens ou les coule, y compris des bateaux de pêche, dans les eaux de Gaza s’ils s’aventurent à plus de quelques kilomètres du rivage.

Le Dôme de fer, loin d’être un outil défensif, est une autre arme dans l’arsenal d’Israël pour garder les Palestiniens soumis, appauvris, encerclés et silencieux. Pour ceux qui prétendent vouloir la paix en Israël-Palestine, ce complément de financement pour le Dôme de fer a rendu cette perspective encore moins probable.

Tant qu’on peut lentement faire mourir en silence les Palestiniens – leur sort ignoré par le reste du monde – Israël est libre de s’emparer et de coloniser davantage ce qui était censé devenir un futur État palestinien.

Mais il y a une autre raison pour laquelle Ocasio-Cortez aurait dû voter contre le réapprovisionnement du Dôme de fer, plutôt que de s’abstenir en larmes – et c’est pour notre bien à tous, pas seulement pour le bien des Palestiniens.

Un avion de combat F-35 Lightning II en représentation lors d’une cérémonie dans le désert israélien du Néguev, le 24 juin 2021 (AFP)
Un avion de combat F-35 Lightning II en représentation lors d’une cérémonie dans le désert israélien du Néguev, le 24 juin 2021 (AFP)

Les États-Unis règlent la facture du Dôme de fer, tout comme ils le font pour la plupart des autres armes développées par Israël, pour des raisons égoïstes : parce qu’ils aident leurs propres industries de guerre, Washington cherche ainsi à maintenir sa domination militaire à l’échelle mondiale.

Les populations occidentales étant moins disposées à sacrifier leurs enfants au nom des guerres modernes, qui semblent moins manifestement liées à la défense et plus transparentes sur le contrôle des ressources clés, le Pentagone a fait des heures supplémentaires pour recadrer le débat public.

Il est difficile de déguiser ses industries de domination mondiale comme autre chose qu’offensif. C’est là qu’Israël a joué un rôle crucial.

Non seulement Israël contribue au développement de systèmes d’armes comme le Dôme de fer, mais – bien qu’il soit un État d’occupation, belligérant, doté de l’arme nucléaire – il a tiré parti de son image de refuge vulnérable pour le peuple juif persécuté depuis longtemps. Il a été en mesure de rendre plus plausible le fait que ces systèmes de domination sont vraiment défensifs.

S’incliner devant l’hégémonie américaine

Ces dernières décennies, Israël a développé et testé la technologie des drones pour surveiller et assassiner les Palestiniens, ce qui s’est avéré inestimable dans les occupations à long terme de l’Afghanistan et de l’Irak par les États-Unis et le Royaume-Uni.

La dernière technologie « essaim » d’Israël – rendant les drones encore plus meurtriers – pourrait attirer particulièrement le Pentagone.

Israël a également été le partenaire idéal pour le Pentagone dans les tests et le raffinement de l’utilisation sur le champ de bataille de la nouvelle génération d’avions de combat F-35, le produit militaire le plus cher de l’histoire des États-Unis. Fait unique, Israël a été autorisé à personnaliser l’avion, adaptant ses capacités de manière nouvelle et imprévue.

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Le rôle ultime du F-35 est de s’assurer que les principales forces aériennes rivales, telles que celles de la Russie et de la Chine, sont bousculées dans le ciel.

Et Israël a été à l’avant-garde du développement et des tests d’une variété de systèmes d’interception de missiles, tels que le Dôme de fer, la Fronde de David et le système Flèche, destinés à détruire les projectiles entrants, des roquettes à courte portée aux missiles à longue portée.

En décembre dernier, Israël a annoncé qu’il avait lancé avec succès des missiles d’interception du Dôme de fer pour la première fois depuis la mer.

Des rapports ont noté que le fabricant d’armes américain Raytheon et le ministère américain de la Défense étaient impliqués dans les tests. C’est parce que, en coulisses, les États-Unis ne paient pas seulement pour le développement et les tests de ces systèmes ; ils orientent également les usages qui en seront faits. Le Pentagone a acheté deux batteries Dôme de fer qui, selon les médias israéliens, sont stationnées dans des bases militaires américaines dans le Golfe.

Les États-Unis ont leurs propres systèmes d’interception en cours de développement, et on ne sait pas sur lesquels ils s’appuieront le plus.

Mais ce qui est évident, c’est que Washington, Israël et leurs alliés du Golfe ont l’Iran dans leur ligne de mire immédiate. Tout pays qui refuse de se plier à l’hégémonie mondiale des États-Unis pourrait également être visé.

En fin de compte, les États-Unis cherchent à dominer le monde à distance – grâce à une combinaison de puissance militaire à longue portée, de cyberguerre, de robotique et d’intelligence artificielle

L’intérêt des États-Unis pour ces missiles n’est pas défensif. Ils sont fondamentaux pour sa capacité à neutraliser les réponses de ses rivaux à une attaque militaire américaine ou à des mesures plus générales prises par les États-Unis pour dominer le territoire et contrôler des ressources.

Tout comme les Palestiniens sont assiégés par Israël depuis quinze ans, les États-Unis et les États du Golfe peuvent espérer un jour porter un coup dur aux exportations de pétrole de l’Iran.

Washington serait en mesure d’ignorer les préoccupations actuelles selon lesquelles Téhéran pourrait riposter en tirant sur la navigation à travers le détroit d’Ormuz ou sur des capitales hostiles du Moyen-Orient. Si les missiles iraniens peuvent être interceptés, l’Iran sera incapable de se défendre contre une agression économique ou militaire croissante de la part des États-Unis ou de ses voisins.

Un monde moins sûr

Après le retrait américain d’Afghanistan cet été, il y a eu beaucoup de discussions naïves selon lesquelles les États-Unis cherchent à jouer un rôle moindre dans le monde. Rien ne saurait être plus éloigné de la vérité.

En fin de compte, les États-Unis cherchent à dominer le monde à distance – grâce à une combinaison de puissance militaire à longue portée, de cyberguerre, de robotique et d’intelligence artificielle – qui, espèrent-ils, lèveront les contraintes imposées par les pertes américaines et l’opposition nationale.

Les élites de Washington ont confiance en la possibilité d’exporter le manuel stratégique d’Israël en ce qui concerne les Palestiniens vers d’autres coins du globe, et même dans l’espace.

Les missiles d’interception sont au cœur de cette vision stratégique, un moyen de neutraliser et de faire taire toute résistance. C’est pourquoi personne se souciant d’un monde moins violent, exploiteur et dangereux ne devrait être indifférent ou neutre sur le financement du Dôme de fer par le Congrès.

Les systèmes d’interception de missiles ne sont pas le visage d’un monde plus défensif et plus sûr, mais d’un monde beaucoup plus hostile et agressif.

Jonathan Cook est un journaliste britannique basé à Nazareth depuis 2001. Il a écrit trois ouvrages sur le conflit israélo-palestinien. Il a remporté le prix spécial de journalisme Martha Gellhorn. Son site Web et son blog sont disponibles à l’adresse : www.jonathan-cook.net

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

Jonathan Cook is the author of three books on the Israeli-Palestinian conflict, and a winner of the Martha Gellhorn Special Prize for Journalism. His website and blog can be found at www.jonathan-cook.net
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