Avis aux Israéliens : la résistance armée à l’occupation est légale, et non du terrorisme
Il est peu probable que plus d’une poignée de juifs en Israël puissent vous dire avec précision combien de raids a mené l’armée israélienne dans les villes palestiniennes de Cisjordanie la semaine dernière, le nombre d’arrestations auxquelles elle a procédé ou le nombre de personnes qu’elle a tuées.
Mais il est tout aussi improbable qu’il y ait plus d’une poignée d’Israéliens qui n’aient pas entendu parler de la fusillade contre un bus de soldats dans la vallée du Jourdain, le dimanche 4 septembre.
Un Palestinien qui tire sur des soldats israéliens – contrairement à des Israéliens tirant sur des Palestiniens – n’est pas seulement un événement inhabituel et alarmant qui inverse l’ordre des choses : dans tous les articles qui y ont fait référence, l’événement est qualifié d’attaque terroriste et les tireurs palestiniens de terroristes.
Pas un seul mot sur le fait que la fusillade visait des soldats d’une armée d’occupation et s’est produite dans un territoire occupé.
La presse israélienne joue un rôle clé dans le façonnement de la conscience publique afin de servir la machine de propagande de l’establishment, tout en gardant l’opinion publique israélienne dans l’ignorance des faits élémentaires.
La population israélienne a, dans l’ensemble, assimilé la notion que, par définition, il n’existe pas de lutte palestinienne légitime pour la libération nationale.
Comme avec l’effacement minutieux des lignes d’armistice de 1949, ou Ligne verte, de la conscience israélienne – au point que la simple mention de son existence par la municipalité de Tel Aviv a engendré les menaces du ministère de l’Éducation –, étiqueter constamment toute lutte palestinienne comme du terrorisme brouille la distinction importante en droit international entre un acte visant des combattants et un acte visant des civils.
Un droit légitime
Le fait est que le droit international reconnaît le droit légitime d’un peuple à se battre pour sa liberté et pour « se libérer du contrôle colonial, de l’apartheid et de l’occupation étrangère par tous les moyens à sa disposition, y compris la lutte armée », comme l’a confirmé par exemple une résolution de l’Assemblée générale de l’ONU en 1990.
L’usage de la force pour se libérer est légitime. La manière dont la force est utilisée est régie par le droit de la guerre, dont l’objectif principal est de protéger les civils innocents des deux côtés.
La fusillade de la vallée du Jourdain ne visait pas des civils et ne peut être considérée comme un acte terroriste. Il s’agissait d’un acte de résistance armée contre une puissance occupante, dans un territoire occupé.
La fusillade de la vallée du Jourdain ne visait pas des civils et ne peut être considérée comme un acte terroriste. Il s’agissait d’un acte de résistance armée contre une puissance occupante
Le régime israélien et sa caisse de résonance obéissante, la presse israélienne, traitent chaque acte commis contre les forces d’occupation en territoire occupé comme s’il s’agissait d’actes visant des civils au cœur de Tel Aviv : des actes de terrorisme perpétrés par des terroristes.
Cette confusion ne nie pas seulement le fondement juridique ou moral de l’acte ; il est également contraire aux intérêts des citoyens israéliens.
Le droit de la guerre applicable est conçu d’abord et avant tout pour protéger les civils qui ne participent pas aux violences et pour limiter cette violence aux véritables combattants.
Cependant, Israël ne reconnaît pas la moindre catégorie de combattants palestiniens : du point de vue israélien, toute résistance – même non violente – à son occupation et à son oppression constitue un danger pour sa sécurité vite considéré comme du terrorisme, comme lorsqu’Israël a récemment décrété que les six plus grandes ONG palestiniennes étaient des organisations terroristes.
Israël pratique cette distorsion dans les deux sens. Tout comme il traite chaque acte palestinien, même dirigé contre ses soldats, comme un acte de terrorisme, Israël présente également tout acte israélien mené contre les Palestiniens comme légitime même lorsque ces Palestiniens sont des civils.
Une brutalité caractéristique
Prenons un exemple particulièrement scandaleux de cette politique : les conclusions publiées par l’armée israélienne concernant la fusillade qui a coûté la vie à la journaliste Shireen Abu Akleh. L’armée avait initialement prétendu que cette dernière avait été tuée par des tireurs palestiniens, mensonge flagrant révélé par divers médiasqui ont examiné avec soin les preuves. La version revue et corrigée de l’armée publiée un peu plus tard est également loin de coller aux preuves.
L’avocat général de l’armée a annoncé qu’aucune enquête ne serait ouverte, malgré l’aveu glaçant que Shireen Abu Akleh – qui portait un gilet pare-balles l’identifiant clairement comme journaliste – a été tuée par un soldat à l’aide d’un fusil équipé d’une lunette de visée qui grossit par quatre la cible.
La réponse israélienne à la banale requête américaine de « revoir » les règles d’ouverture du feu de l’armée en Cisjordanie est tout aussi honteuse.
Non pas qu’il s’agissait pour l’armée de cesser de tuer des innocents, Dieu nous en préserve, ni de mettre un terme à ses invasions incessantes des villes cisjordaniennes, aux arrestations de masse, aux enlèvements d’enfants au beau milieu de la nuit –, mais juste de tâcher un peu plus, si ce n’est pas trop difficile, d’éviter davantage les affaires de ce genre. Les tout-puissants États-Unis préfèrent en effet ne pas se retrouver embourbés dans ces affaires impliquant une la victime ayant la nationalité américaine.
Israël n’a même pas pris la peine d’accéder ne serait-ce que pour la forme à cette requête banale et a répondu avec sa brutalité caractéristique. Le Premier ministre Yaïr Lapid s’est empressé de dire aux Américains : « Personne ne nous dictera nos règles pour ouvrir le feu. »
Le ministre de la Défense Benny Gantz, dans le même état d’esprit, a rétorqué : « Le chef d’état-major, et lui seul, détermine et continuera à déterminer les politiques d’ouverture du feu. »
En d’autres termes, Israël prévient les Américains, et en fait le reste du monde : personne ne nous dicte combien de gens, qui, quand, où et comment nous tuerons. L’affaire s’arrête là. Jusqu’à la prochaine.
- Orly Noy est la présidente de B’Tselem – le centre israélien d’information sur les droits de l’homme dans les territoires occupés.
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Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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