À Gaza, un théâtre ambulant cherche à faire sourire les enfants
À l’hôpital des Martyrs d’al-Aqsa, dans le quartier Nuseirat de Gaza, Mohammed Abu Arab, 11 ans, atteint d’une leucémie, attend avec impatience, assis dans sa chaise, l’arrivée d’une troupe de théâtre.
De tels événements sont rares à Gaza, frappée par la pauvreté, isolée par un siège mené à la fois par Israël et l’Égypte.
« Je n’avais jamais vu de tels spectacles avant parce que nous n’avons pas beaucoup de théâtres à Gaza. Quand ils viennent à l’hôpital, les clowns utilisent des couleurs pour dessiner de belles formes sur nos visages. Et puis nous participons aussi au spectacle de jeux de lumières, dabka et chansons », explique Abu Arab.
« Ils nous aident à nous développer et à découvrir nos talents et les choses autour de nous », poursuit Abu Arab.
Ahmad Yunus, un lycéen de 16 ans, du camp de Bureij, à l’est de Gaza, témoigne : « Le théâtre ambulant nous aide à nous amuser et nous permet de nous détendre en même temps ».
« Grâce à ces formidables créations, nous pouvons explorer nos personnalités, notre environnement, et développer nos talents », ajoute-t-il.
Le docteur Ahmed Radi, psychologue, explique que le théâtre est un moyen de soulager le stress psychologique et de développer la confiance en soi, en particulier pour les enfants.
« Les études montrent que l’exposition de spectateurs, en particulier les enfants, à des pièces de théâtre ou le fait d’imiter des personnages héroïques a réduit le comportement agressif de certains enfants », souligne-t-il.
Animés par la volonté d’atténuer les effets de trois guerres qui ont ravagé les enfants de la bande de Gaza, un groupe de jeunes Gazaouis a créé ce théâtre ambulant en juin 2016 pour soulager les chagrins et les souffrances des enfants.
La Palestine Theatre Enterntainment Team comprend douze comédiens volontaires qui financent le théâtre avec leur argent.
En délivrant des messages positifs aux enfants et à leur famille à travers les spectacles, des questions de société délicates et des préoccupations sécuritaires sont abordées et mises en lumière. Les enfants sont incités à ne pas toucher aux restes de missiles israéliens et à se tenir loin de la frontière avec Israël, ils sont aussi sensibilisés à l’importance de garder une bonne hygiène corporelle.
Distiller de la joie
« Le théâtre offre ses services aux enfants sur la base du volontariat, il ne réalise aucun profit, et son objectif est d’alléger les conditions de vie difficiles de nos enfants », explique Amjad al-Majdalawi, une des fondatrices de la troupe.
Le théâtre offre plusieurs programmes artistiques – de l’improvisation, de la peinture sur visage, et pour la première fois un théâtre de marionettes.
Un conteur habillé d’un chapeau rouge et d’un keffieh, des symboles palestiniens très forts, assis au milieu d’un cercle formé par les enfants, raconte des histoires héroïques pleines d’aventures. C’est une des prestations préférées des enfants. Le patrimoine palestinien est maintenu vivace par des spectacles de dabka, une danse traditionnelle palestinienne, des chansons du folklore national ou même des jeux.
Le théâtre ambulant tourne dans les hôpitaux pour enfants, les orphelinats et les écoles maternelles. Les spectacles sont gratuits et parfois, les écoles prennent en charge les frais de déplacement.
Défis
« Ces activités libèrent les enfants des sentiments qu’ils refoulent et distille en eux de la joie et du bonheur. Elles leur permettent de parler librement de ce qu’ils ont en tête pour être capable de s’extraire d’une réalité difficile », explique Majdalawi.
Au regard des défis auxquels est confronté le théâtre ambulant, Majdalawi souligne que le soutien financier d’organisations locales et internationales est nécessaire pour que le travail puisse se faire dans toute la société palestinienne.
« Nous avons besoin des organisations locales et internationales pour soutenir sérieusement cette idée, pour offrir une aide financière qui nous permette de développer notre travail et de toucher tous les segments de la société palestinienne », poursuit Majdalawi.
Elle espère que leurs spectacles pourront se jouer en Cisjordanie, et apporter de la joie et du plaisir aux enfants qui vivent là-bas et partout dans les territoires palestiniens, mais le siège israélien imposé à Gaza depuis 2007 rend cela difficile.
Selon le Bureau central palestinien des statistiques (PCBS), il existe actuellement quatorze théâtres dans toute la Palestine, onze en Cisjordanie et trois à Gaza, mais aucun d’entre eux ne propose de théâtre ambulant. Ils sont affiliés à des institutions de la société civile et pour la plupart, produisent des spectacles centrés autour du patrimoine palestinien et du conflit israélo-palestinien.
Pour Yousef Hijazi, écrivain et directeur du théâtre palestinien, « un des obstacles les plus importants auxquels est confronté le théâtre est le manque de filles instruites pour incarner les différents rôles. Dans les habitudes sociales et les traditions, les filles ne sont pas autorisées à faire ce genre de travail. Du coup, cela oblige les jeunes garçons à incarner des rôles de filles et à porter des costumes féminins sur scène. »
Mais Dina Nassar, une des comédiennes du théâtre, raconte avoir été beaucoup encouragée par ses parents à apporter de la joie aux enfants. « Le théâtre sert à dessiner un sourire sur les lèvres des enfants, en particulier ceux qui sont malades, et d’apporter de la joie et du plaisir aux cœurs de tous les segments de notre communauté, les jeunes comme les adultes. »
Traduit de l'anglais (original).
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