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Des milliers d’Irakiens commémorent le soulèvement anti-pouvoir de 2019

Dans un Irak en pleine impasse politique, des milliers de manifestants se sont rassemblés à Bagdad pour marquer le troisième anniversaire d’un vaste soulèvement anti-pouvoir, lancé contre la corruption des élites et la gabegie des services publics
Un manifestant irakien pose pour une photo lors d’une manifestation sur le pont menant à la zone verte de haute sécurité de la capitale Bagdad, le 1er octobre 2022 (AFP/Ahmad Al-rubaye)
Un manifestant irakien pose pour une photo lors d’une manifestation sur le pont menant à la Zone verte de Bagdad, le 1er octobre 2022 (AFP/Ahmad Al-rubaye)
Par AFP à BAGDAD, Irak

La contestation inédite, déclenchée en octobre 2019, s’était propagée dans tout l’Irak, particulièrement dans le sud pauvre majoritairement chiite. Plusieurs mois durant – dans ce pays riche en pétrole – des centaines de milliers de manifestants avaient battu le pavé, dénonçant pêle-mêle chômage des jeunes, infrastructures en déliquescence et absence de démocratie.

Le mouvement s’était essoufflé sous le coup d’une répression qui avait fait près de 600 morts et 30 000 blessés mais aussi le confinement lié au coronavirus. Trois ans plus tard, rien – ou presque – n’a changé.

Les mêmes grands partis monopolisent toujours la vie politique. Un an après les législatives d’octobre 2021, les barons de la politique s’affrontent toujours sur le choix du prochain Premier ministre.

« Le peuple exige la chute du régime », ont scandé samedi des milliers de manifestants, très jeunes pour la plupart. Brandissant drapeaux irakiens et portraits des « martyrs » de 2019, ils se sont rassemblés sur l’emblématique place Tahrir pour des commémorations chargées de colère. 

 Les forces de sécurité irakiennes tirent des gaz lacrymogènes sur des manifestants antigouvernementaux à Bagdad, le 1er octobre 2022 (AFP/Ahmad Al-rubaye)
Les forces de sécurité irakiennes tirent des gaz lacrymogènes sur des manifestants antigouvernementaux à Bagdad, le 1er octobre 2022 (AFP/Ahmad Al-Rubaye)

Les contestataires se sont massés à l’entrée du pont de la République, bloqué par plusieurs rangées successives de murs en béton pour barrer l’accès à la Zone verte, quartier abritant ambassades occidentales et institutions étatiques.

Ils ont jeté dans le fleuve des barrières en fer bloquant le pont, d’après un responsable au ministère de l’Intérieur, rapportant dix-huit blessés légers parmi les forces anti-émeutes après des jets de pierres et de bouteilles en verre.

Les forces ont riposté en tirant plusieurs salves de fumigènes pour éloigner la foule.

Au moins 28 cas de suffocation ont été enregistrés parmi les manifestants, selon le responsable de l’Intérieur.

Affronter le pouvoir

« Aujourd’hui il est indispensable d’affronter le pouvoir », assène le militant Ali al-Habib.

« Tous les ponts et les routes sont bloqués car les autorités ont peur des manifestants » précise-t-il, fustigeant « les luttes intestines au sein de la classe politique, qui ignore totalement la volonté du peuple ».

Les commémorations interviennent dans un contexte tendu, les deux grands pôles du chiisme politique s’affrontant sur la nomination d’un nouveau Premier ministre et d’éventuelles législatives anticipées.

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L’influent chef chiite Moqtada al-Sadr réclame une dissolution immédiate du Parlement. En face, le Cadre de coordination, alliance regroupant des factions chiites pro-iraniennes, veut la mise en place d’un gouvernement avant tout scrutin.

Mercredi, des tirs de roquettes ont visé la Zone verte pendant une séance du Parlement.

Le 29 août, les tensions avaient culminé lorsque des partisans de Moqtada al-Sadr avaient affronté l’armée et des hommes du Hachd al-Chaabi, d’ex-paramilitaires pro-Iran intégrés aux troupes régulières, et qui sont politiquement opposés aux sadristes.

Plus de 30 partisans sadristes sont morts dans ces affrontements.

« Réclamer nos droits »

« Nous allons continuer à réclamer nos droits. Nous n’allons pas nous taire face à l’injustice », martèle une institutrice s’exprimant sous le couvert de l’anonymat, fustigeant « les querelles et affrontements entre les dirigeants ».

Des centaines d’Irakiens ont également manifesté à Nassiriya, la grande ville du sud marginalisée.

Bien trop absorbés par leurs querelles intestines, les politiciens se montrent impuissants face aux crises multiples qui font vaciller l’Irak. 

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Il y a également les tensions géopolitiques desquelles le pays ne peut s’extirper. L’Iran ou la Turquie, deux grands voisins, bombardent ainsi épisodiquement le Kurdistan d’Irak pour y affaiblir des mouvements d’opposition kurdes armés, iraniens ou turcs.

Mercredi, des tirs de missiles et des frappes de drones menés par Téhéran contre des factions nationalistes kurdes iraniennes ont fait 14 morts et 58 blessés.

Après des décennies de conflits dévastateurs, en l’absence de réformes économiques et de grands projets d’infrastructures dans un pays frappé par une corruption endémique, les autorités peinent à enrayer le chômage qui touche quatre jeunes sur dix.

Et le quotidien des 42 millions d’Irakiens est frappé de plein fouet par les conséquences du changement climatique, sécheresses et pénuries d’eau ne faisant qu’empirer dans ce qui était autrefois la fertile Mésopotamie, berceau de l’agriculture.

Par Laure Al Khoury.

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