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L’EI a reçu un financement secret des États du Golfe, selon un rapport du Parlement britannique

Le comité des affaires étrangères constate qu’il est « très probable » que des proches de familles royales du Golfe aient donné de l’argent à l’État islamique
Le roi saoudien Salmane serre la main du ministre britannique des Affaires étrangères Philip Hammond lors d’une rencontre dans la ville côtière de Djeddah (AFP)

Un rapport parlementaire britannique publié mardi conclut qu’il existe des « preuves historiques » soutenant que le groupe État islamique (EI) a reçu des fonds provenant des États arabes du Golfe.

En présentant les preuves au Comité spécial des affaires étrangères, le ministère de la Défense a déclaré : « [Il] existe des preuves historiques de dons d’argent à Daech [EI] provenant des États du Golfe. En outre, il est entendu que des dons familiaux sont faits à Daech grâce aux systèmes alternatifs de transfert de fonds non réglementés. »

Parmi ces systèmes alternatifs figurent des moyens de transférer de l’argent à l’échelle mondiale qui ne comprennent que peu d’informations sur les personnes impliquées dans la transaction – par exemple, la devise open source en ligne Bitcoin.

Le ministère de la Défense a mentionné comme preuve un incident remontant à septembre 2014, lorsqu’un responsable de l’EI a été sanctionné par le Département du Trésor des États-Unis après avoir reçu un don de deux millions de dollars « émanant du Golfe ».

Le ministère de la Défense a également déclaré que les dons privés à l’EI sont « minimes » par rapport à ses autres sources de revenus, parmi lesquelles le pétrole et la fiscalité.

Dans une évaluation des finances de l’EI, le comité a estimé que la Grande-Bretagne devrait être en mesure de « poser des questions difficiles à des amis proches » lorsqu’il s’agit de discuter de la façon dont ces dons sont parvenus au groupe militant basé en Syrie et en Irak.

Le rapport conclut que l’EI a été soumis à une forte pression financière après une campagne internationale soutenue qui a contraint le groupe à se tourner vers « le gangstérisme et le racket contre protection » pour obtenir de l’argent.

Le rapport fait valoir que la chute des prix du pétrole et les frappes aériennes sur l’EI en Syrie et en Irak ont réduit la capacité du groupe à opérer. Cependant, la partie la plus controversée est sans nul doute la section relative aux dons à l’EI.

Alors que le gouvernement a indiqué au comité qu’il n’y avait aucune preuve qu’un quelconque pays eût fourni des fonds à l’EI au titre de « politique », des préoccupations ont été soulevées dans le rapport sur la façon dont les États du Golfe ont réagi à l’essor initial du groupe, avant et au moment de sa prise de la ville irakienne de Mossoul en juin 2014.

Selon le ministère de la Défense, la Turquie, l’Arabie saoudite, le Koweït et le Qatar ont joué un « rôle important » dans la coalition contre l’EI, mais les responsables des Affaires étrangères ont précisé que « certains gouvernements de la région n’ont peut-être pas réussi à empêcher les dons de leurs citoyens de parvenir à Daech. »

Le ministre chargé du Moyen-Orient, Tobias Ellwood, a indiqué au comité que, après « s’être initialement attiré l’attention internationale », le groupe « peut avoir été perçu comme un défenseur des musulmans sunnites dans les guerres en Irak et en Syrie ».

L’ancien Premier ministre irakien Nouri al-Maliki – qui était en fonction entre 2006 et 2014 – a été accusé à plusieurs reprises de favoriser sa confession chiite et d’opprimer les musulmans sunnites irakiens.

En Syrie, où une guerre civile brutale fait rage depuis le début de l’année 2011, le président Bachar al-Assad a également été accusé à plusieurs reprises de cibler spécifiquement les musulmans sunnites qui désirent son renversement.

Ellwood a déclaré que la période pendant laquelle l’EI était considéré comme un défenseur des sunnites remontait à « avant 2014 ». Dan Chugg, chef du groupe de travail des Affaires étrangères consacré à Daech, a déclaré au comité que, « il y a environ deux ans », l’EI « a peut-être réussi à s’attirer les dons de sunnites favorables, les États les plus riches de la région – les monarchies sunnites du Golfe – faisant l’objet d’une inquiétude particulière. »

« [Cela] a certainement constitué un problème aux premiers jours de l’organisation Daech qu’un financement provienne des pays du Golfe et d’autres endroits », a déclaré Chugg.

Le comité a demandé l’avis d’Ellwood sur les rapports qui spéculent que les dons pourraient avoir été envoyés à l’EI par des individus proches de familles royales du Golfe.

Ellwood a répondu : « Il faut dire que c’est très opaque. Que quelqu’un qui est proche des plus hauts membres d’une famille royale soit un très riche donateur individuel et choisisse de le faire, c’est très probable. »

Sur la même question d’une implication des familles royales – de manière directe ou indirecte – dans le financement de l’EI, Chugg a déclaré au comité : « Il est difficile avec certains de ces pays de savoir exactement ce qui est financé par le gouvernement et ce qui ne l’est pas lorsqu’il s’agit de familles royales, de riches princes et ce genre de choses.

« Notre stratégie était de ne pas essayer de déterminer à qui était la faute, mais de mettre un terme au financement de Daech. Voilà ce qui était important. Voilà ce sur quoi nos efforts étaient concentrés. »

La Turquie et le Golfe nient avoir financé l’EI

Les États du Golfe et la Turquie ont toujours nié les allégations de financement de l’EI et défendu leurs actions en soulignant leur rôle dans la coalition internationale qui tente de défaire le groupe.

Cependant, Chugg a expliqué que bien qu’il ne soit « pas au courant de preuves tangibles montrant que ces pays finançaient Daech » il y a deux ans, il « existait de nombreuses spéculations indiquant que ces pays ne jouaient pas un rôle vraiment utile » dans l’offensive contre le groupe.

Le rapport indique bel et bien que les États régionaux ont depuis mis en place des infrastructures juridiques et institutionnelles pour mettre fin à la capacité de l’EI à recueillir des fonds, mais ajoute que certains États de la région ont été « lents » à mettre en œuvre ces mesures. Par exemple, il est fait état que l’Arabie saoudite a rendu illégal le financement de l’EI pour ses citoyens en mars 2015, alors que la Grande-Bretagne avait désigné le groupe comme terroriste en juin 2014.

Le rapport conclut sa section sur les dons à l’EI en appelant la Grande-Bretagne à travailler avec ses alliés régionaux « pour veiller à ce qu’ils aient la capacité et la volonté de faire respecter rigoureusement les lois locales pour empêcher le financement de Daech, de sorte que le groupe ne puisse plus bénéficier de dons à l’avenir ».

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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