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L’Irak lance une nouvelle offensive pour reprendre Fallouja à Daech

Des milices chiites irakiennes disent qu'ils célébreront l'Aïd el-Fitr de la semaine prochaine à Fallouja après la libération de la ville des mains de Daech
Photo : Au moins trente militants ont été tués par les forces irakiennes lors d'affrontements à Fallouja cette semaine (AFP)

BAGDAD - Les forces de sécurité irakiennes, soutenues par des milices dominées par les chiites, ont assiégé la ville occidentale de Fallouja pour essayer de couper les voies d'approvisionnement vitales utilisées par le groupe État islamique (Daech), ont affirmé à MEE des sources de sécurité et des commandants de la milice.

Fallouja, une ville relativement petite à l'ouest de Bagdad près de l'Euphrate, est un berceau de groupes d'insurgés et est considérée dans le monde entier par de nombreux sunnites comme un symbole de la résistance armée contre les troupes américaines et le gouvernement à domination chiite à Bagdad depuis 2003.

Fallouja a été saisie fin 2013 par des militants de Daech, six mois avant l'effondrement dramatique de l'armée irakienne qui a conduit à la prise par des combattants du groupe Daech de vastes territoires dans l'ouest et le nord du pays, y compris la plupart des villes sœurs de Fallouja et des villes de la province d'Anbar.

La semaine dernière, près de 10 000 soldats, dont les milices chiites bien formées - Badr, Kataib Hezbollah, et Asaib Ahl al-Huq - ont lancé une offensive dans trois directions dans le but de reprendre Fallouja, ont dit des sources militaires à MEE.

Depuis plusieurs jours, la ville a été bombardée avec des missiles d’artillerie et des frappes aériennes. Des sources à Fallouja ont dit à MEE que des commandants de Daech ont commencé à déplacer des combattants dans Fallouja et à proximité des villes.

« Nous cherchons à libérer Fallouja cette fois, pas seulement l'encercler. Jusqu'à présent, nous avons fait de bons progrès sur le terrain, nos forces sont stationnées à sept kilomètres de la ville et nous espérons faire les prières de l'Aïd al-Fitr (à la fin du Ramadan) à Fallouja », a dit à MEE par téléphone Mohammed al-Shimari, un commandant de l'artillerie de régiment liée à la milice chiite Badr, en parlant du sud de Fallouja.

« Nous ne sommes pas impliqués dans le combat d'homme à homme à ce stade, mais nous sommes confrontés à des tireurs embusqués et à des kamikazes », a déclaré Mohammed al-Shimari.

Reprendre Fallouja, disent les analystes, serait une grande victoire pour le gouvernement irakien dans la guerre contre le groupe Etat islamique.

« La situation à Fallouja est unique en raison de la diversité des factions armées alliées à Daech, les profonds liens familiaux et tribaux entre les militants et les gens de la région, en plus de la haine accrue envers les forces attaquantes » a dit à MEE Abdulwahid Tuama, analyste politique indépendant.

« Ces facteurs ont empêché l'armée de faire des progrès dans cette zone, mais si les forces irakiennes s’en saisissent, ce sera le domino qui conduira à l'effondrement de toutes les zones environnantes », a déclaré Abdulwahid Tuama.

L'offensive militaire a été lancée plus tôt cette semaine à partir de trois pôles : Amiriyat al-Fallouja, dans le sud de Fallouja, Habaniya Air Base, dans l'est de Fallouja, et Saqlawiya, dans le nord de Fallouja.

Des commandants de milices chiites et des militaires ont déclaré à MEE que les assaillants veulent couper les lignes d'approvisionnement entre Ramadi, la capitale de la province d'Anbar, la ville de Saqlawiya et celle de Fallouja.

Les troupes d'assaut ont jusqu'ici pris le contrôle de villes et de villages, sur les rives du fleuve Tigre dans l'est de Fallouja. D'autres troupes ont été déplacées vers le nord pour attaquer la ville d'Al-Sijar (au nord de Fallouja), qui représente l'une des principales lignes de ravitaillement pour la ville.

« Notre objectif est al-Sijar ; si nous la prenons, nous séparerons entièrement Fallouja et Karma, et cela va asphyxier Fallouja et piéger les militants à l'intérieur », dit Abou Ali al-Kaiebi, le commandant adjoint de la brigade al-Rissali à MEE.

« Toutes les lignes d'alimentation de Daech sont réunies à Fallouja et Karma, donc si nous prenions ces deux villes, Daech tomberait à Anbar et il serait facile de libérer les autres villes », a déclaré Kaiebi.

Le lourd rôle des sunnites

La participation des membres des tribus sunnites locales dans la bataille pour libérer les villes et les localités de Daech est vital pour le gouvernement irakien afin d’obtenir davantage de soutien international dans sa guerre contre les militants. Des centaines de combattants sunnites anti-Daech sont parmi les troupes qui avançaient sur Fallouja.

« Le nombre des combattants sunnites, comparé aux autres, est très petit et ils n’ont presque pas d'armes à part des kalachnikovs », a dit à MEE un cheikh d’une tribu sunnite, dont les hommes participent aux combats autour de Fallouja.

« Les commandants des milices chiites ne nous font pas confiance ... les combattants tribaux ne sont pas autorisés à mener la campagne. Ils tiennent principalement le sol libéré », a dit le chef de la tribu.

Le Président américain Barack Obama a appelé lundi le gouvernement irakien pour qu’il accélère sa campagne à Ramadi, la capitale de la province d'Anbar, qui a été prise par Daech en mai.

Mais les officiers militaires irakiens disent qu'ils ne peuvent pas faire beaucoup plus si l'administration américaine n’intensifie pas et n’offre pas un soutien plus efficace dans les batailles de libération en cours.

« La coalition (militaire menée par les États-Unis) n'a pas de troupes sur le terrain pour participer aux opérations militaires irakiennes. Tout le soutien prend la forme de frappes aériennes ou de la formation et de rôles consultatifs à partir de bases militaires irakiennes », dit un porte-parole de la coalition militaire menée par les États-Unis à MEE dans un courriel.

« La coalition exécute des frappes aériennes en coordination avec les forces de sécurité irakiennes dans les zones où elles ont demandé notre soutien », a déclaré le porte-parole.

Traduction de l’anglais (original) par Emmanuelle Boulangé.

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