Malek Chebel « a fait beaucoup de bien à l’islam »
« L’islam est amour (…) mais il est aussi un univers, une langue, un esprit. Il est un lien entre les hommes, à la fois, par l’échange et le vivre ensemble, par l’Histoire, leur creuset commun, et bien sûr, la pratique qui s’ensuit. »
Quand Malek Chebel a écrit les premières lignes du Dictionnaire amoureux de l’islam, en 2004, il ne mesurait sans doute pas combien ces mots allaient résonner plus de dix ans plus tard. C’est sans doute très contrarié par l’image de l’islam dans le monde qu’il est décédé, samedi à Paris à l’âge de 63 ans, des suites d’une longue maladie.
« Ces deux dernières années ont été cruelles pour lui », assure à Middle East Eye le journaliste et auteur algérien Saïd Khatibi, qui a échangé à plusieurs reprises avec l'anthropologue.
Au fil de ses livres – il en écrira plus de 35 – dont Dictionnaire des symboles musulmans, Les cent noms de l'amour, Sagesse d'Islam, Dictionnaire encyclopédique du Coran, Les enfants d'Abraham, L'Islam expliqué, L'Islam et la raison : le combat des idées… Malek Chebel, né en 1953 à Skikda, en Algérie, est devenu un spécialiste de l’islam plébiscité par le grand public.
« Mais il ne s’est jamais présenté comme islamologue, poursuit Saïd Khatibi. Il était plutôt anthropologue et psychanalyste. Il s’appuyait sur ces deux spécialités dans ses réflexions sur l’islam. »
Des réflexions que tous ceux qui l’ont lu ou côtoyé saluent unanimement. « Même si on n’est pas fondamentalement d’accord avec lui, il faut reconnaître que c’est une grand islamologue, un véritable intellectuel, un excellent philosophe et théoricien de l’islam », ajoute Youcef Saiah, journaliste et animateur d’émissions culturelles et membre du commissariat du Salon national du livre d’Alger (SILA) contacté par MEE.
Décoré de la Légion d’honneur par Nicolas Sarkozy, alors président, en 2008, Malek Chebel avait traduit, entre autres, le Coran. « Ce fut un moment primordial dans sa vie d’intellectuel. Il a apporté une nouvelle traduction, différente de celle d’André Chouraqui, et a subi une campagne de dénigrement menée par ceux pour qui il était inadmissible d’écrire sur le vin, l’ivresse, le kamasutra, puis traduire le livre sacré ! », se souvient Saïd Khatibi.
Sofiane Hadjadj, co-directeur des éditions Barzakh, à Alger, en est aussi convaincu : « Contrairement à Mohammed Arkoun, qui avait une vision plus réflexive sur l’islam, qui s’adressait à un public plus universitaire, Malek Chebel parlait au grand public. » Après les attentats de janvier 2015, ses livres L'islam pour les nuls et Le Coran pour les nuls s'étaient arrachés dans les librairies. « Et il fait beaucoup de bien à l’islam en essayant de témoigner de ce qu’est cette religion dans sa profondeur, dans son humanisme, dans un contexte devenu, au fil des ans, de plus en plus hostile », témoigne-t-il.
« Un musulman en dialogue permanent avec son entourage, parfois polémiste, qui croyait en un islam pluriel sans se faire d’illusions sur un possible retour à ‘’l’islam des lumières’’, voilà ce qu’il était, résume Saïd Khatibi. Il voulait juste voir ‘’un nouveau musulman’’ capable d’aller au-delà des lectures mécaniques des textes fondamentaux de l’islam. »
« Encore un auteur algérien qui meurt dans son exil français sans être traduit en arabe en Algérie », regrette toutefois l'écrivain et éditeur algérien Bachir Mefti, dont la maison d'édition traduit des philosophes du monde entier.
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