Les assassinats israéliens ont fait de ce Palestinien un combattant de la Tanière des lions
Pendant des mois, l’assassinat ciblé de trois combattants de la résistance palestinienne en février 2022 a trotté dans l’esprit de Hussam Aslim.
Puis en août, Israël a tué Ibrahim al-Nabulsi, combattant de la résistance populaire, et c’est cela qui a finalement convaincu cet ouvrier du bâtiment.
« Il a reçu sa dernière paye et a démissionné de son emploi. Puis il a acheté son arme avec l’argent », raconte à Middle East Eye la mère de Hussam, qui préfère taire son nom.
Le jeune homme de 24 ans a décidé de marcher sur les traces de Nabulsi et des trois hommes tués en février (Adham Mabrouka, Ashraf Mubaslat et Mohammed al-Dakhil) qui avaient formé une cellule dans la ville de Naplouse en Cisjordanie occupée, laquelle est devenue plus tard le groupe armé « Tanière des lions ».
« Il savait que je voulais célébrer son anniversaire le 15 septembre 2022 », poursuit sa mère.
« Alors, il a attendu jusque-là et m’a permis de le célébrer. Après, il a quitté la maison et n’est jamais rentré. »
Le 22 février dernier, Hussam Aslim, devenu un membre important de la Tanière des lions, a lui-même été la cible d’une opération israélienne.
Il a été tué aux côtés de Mohammed Abu Bakr (23 ans) lors d’un raid violent en plein jour dans la vieille ville de Jérusalem. Le bâtiment dans lequel tous deux se trouvaient a été assiégé pendant plusieurs heures et frappé par plusieurs missiles. Neuf autres Palestiniens, dont trois personnes âgées et un adolescent, ont été tués dans cette attaque qui a duré cinq heures et plus d’une centaine d’autres ont été blessés.
Lors de ce raid, pendant les violents affrontements armés, un enregistrement attribué à Aslim a été partagé sur internet. On peut l’entendre dire qu’il combattra jusqu’au bout et ne se rendra pas.
« Pardonnez-nous, je vous aime tous et j’aime ma mère. Nous n’abandonnerons pas nos armes. Je mourrai en martyr. Continuez à porter les armes après nous », peut-on entendre dans l’enregistrement.
Sa mère raconte à MEE la dernière fois où elle a vu son fils.
« On s’est tenu la main et on s’est baladés dans les allées de la vieille ville. Deux jours plus tard, il m’a appelé et je lui ai dit : “J’ai senti quelque chose de fort quand je t’ai tenu la main et que j’ai marché avec toi, je veux revivre ce jour-là” », rapporte-t-elle.
« Maintenant il est parti et nous ne revivrons jamais ce jour. »
Poussé à résister
En début d’année dernière, Hussam Aslim travaillait dans le secteur du bâtiment avec son père, gagnant un bon salaire d’environ 10 000 shekels (2 570 euros) par projet.
Mais l’horreur qu’il a ressentie face aux assassinats ciblés de Mabrouka, Mubaslat et Dakhil le 8 février 2022 lui a donné l’envie de laisser tout cela derrière lui et d’entrer en résistance contre l’occupation.
Ce jour-là, un mardi matin comme les autres dans le quartier de Makhfiya à Naplouse, des soldats israéliens, dissimulés dans des véhicules palestiniens, ont intercepté une voiture transportant les trois combattants palestiniens.
Puis ils sont sortis et ont arrosé le véhicule de plus de 80 balles à bout portant.
C’était la première fois depuis des années que les forces israéliennes menaient une opération précise d’assassinats ciblés au cœur d’une ville administrée par l’Autorité palestinienne (AP), indicateur d’une nouvelle stratégie plus agressive en territoire occupé.
Cela a marqué un tournant pour Aslim, qui a commencé à réfléchir à changer le cours de sa vie, selon sa mère.
Mais ce n’est que le 9 août 2022, lorsque Nabulsi a été tué dans un autre raid sur Naplouse, qu’Aslim a décidé de rejoindre la résistance.
« Hussam parlait toujours d’Ibrahim et avait accroché sa photo partout. Il l’aimait tellement qu’il avait même sa photo dans sa poche », précise sa mère.
L’histoire d’Aslim est similaire à celle de nombreux jeunes hommes que l’escalade de la violence israélienne contre les Palestiniens en Cisjordanie occupée a motivés à prendre les armes.
L’année dernière a été l’année la plus meurtrière pour les Palestiniens en Cisjordanie occupés depuis la seconde Intifada.
Sur les 220 Palestiniens tués lors d’attaques israéliennes, 167 étaient originaires de Cisjordanie et de Jérusalem-Est. Cette année déjà, 78 Palestiniens ont été tués, soit plus d’un mort par jour.
En 2022, 30 Israéliens ont été tués par des Palestiniens et au moins 13 autres ont été tués jusqu’à présent cette année.
Derniers adieux
En progressant dans les rangs de la Tanière des lions, Hussam Aslim est devenu la cible de l’armée israélienne ainsi que des forces de sécurité de l’AP.
Cette dernière lui a offert des voitures et des appartements, entre autres privilèges, s’il renonçait aux armes, rapporte sa mère.
Ces offres n’ont pas fait flancher Aslim, qui a été poursuivi pendant cinq mois par l’armée israélienne avant d’être tué le mois dernier.
« Je sais que mon fils est un héros et je suis fière de lui. Il n’empêche qu’il me manque »
- La mère de Hussam Aslim
La sœur de Hussam, Lama, a vu ce dernier quelques minutes avant sa mort.
En quittant la ville plus tôt dans la journée, en route pour Jénine, elle a décidé de lui rendre visite.
« J’ai ressenti le désir urgent de le voir », confie-t-elle à MEE.
« Je l’ai vu et je lui ai dit : “Hussam, je t’aime énormément, prends bien soin de toi”. Il m’a répondu : “Ok, aie confiance en Allah” et je suis partie. »
En partant, Lama a repéré des soldats israéliens dans la vieille ville et s’est empressée de mettre en garde son frère.
Il lui a répondu par un message vocal : « Je suis désormais encerclé Lama. Prends soin de toi et dis bonjour à [mon frère] Emad et à [mon beau-frère] Karim. Sois fière de moi, je suis ton frère, un lion. Prends soin de maman et papa, je vous aime énormément. »
Lorsqu’elle a reçu ce message, Lama est rentrée précipitamment à Naplouse. Lorsqu’elle est arrivée, son frère Hussam et l’autre combattant, Mohammed Abu Bakr, étaient déjà morts et leur corps transférés à l’hôpital.
« Je l’ai retrouvé à la morgue, son corps était couvert de sang. Je lui ai dit au revoir et je l’ai tenu longtemps dans mes bras », raconte-t-elle.
Aux funérailles, son père Bassam a accueilli les personnes en deuil et s’est remémoré sa dernière rencontre avec son fils, deux semaines auparavant.
« Je me baladais dans la vieille ville et quelqu’un m’a tapoté sur le dos. Je me suis retourné et c’était Hussam, portant une tenue décontractée », indique Bassam à MEE.
« Je l’ai pris dans mes bras et je l’ai embrassé et nous avons parlé une dizaine de minutes avant qu’il me dise qu’il ne pouvait pas rester plus longtemps et qu’il devait partir. »
Toujours aux funérailles, pleurant ailleurs, sa mère s’est également rappelée la dernière fois qu’elle a entendu son fils lorsqu’il l’a appelée lors du raid et lui a dit qu’il l’aimait.
« Il m’a dit de prier énormément pour lui, puis il a raccroché et n’a jamais plus décroché », ajoute-t-elle.
« Je sais que mon fils est un héros et je suis fière de lui. Il n’empêche qu’il me manque. »
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].