« Il n’a jamais fait de mal à personne » : les Palestiniens pleurent un enfant tué par les forces israéliennes
Dans le village palestinien de Bil’in, à la périphérie de Ramallah, des enfants sont réunis, choqués et incrédules, autour de la tombe de leur ami.
Lors des manifestations qui ont eu lieu dans le village le 18 mai dernier contre les bombardements israéliens sur Gaza et les projets d’expulsion de Palestiniens à Jérusalem, les forces israéliennes ont tué leur ami de 16 ans, Islam Wael Burnat, d’une balle dans la tête.
« Serait-ce possible de rouvrir la tombe et de le voir ? », demande un enfant avec innocence. « Peut-être qu’il est encore en vie, peut-être qu’il y a une erreur », ajoute-t-il d’une voix douce.
« Islam est-il vraiment à l’intérieur de cette tombe maintenant ? », demande un autre enfant.
Ces questions traduisent leur rejet de la mort soudaine de leur ami. Il était l’un des enfants les plus heureux du village, disent-ils.
Le meurtre d’Islam Burnat est intervenu alors qu’une grève générale sous le slogan « du fleuve à la mer » a vu descendre dans les rues des milliers de Palestiniens à travers toute la Palestine historique le 18 mai dernier. Le soulèvement populaire actuel fait suite aux tentatives israéliennes de déplacer de force des Palestiniens du quartier de Sheikh Jarrah à Jérusalem-Est.
En Cisjordanie, territoire sous occupation militaire, les forces israéliennes ont tué quatre manifestants le 18 mai, dont trois dans la région de Ramallah.
Vingt-neuf Palestiniens ont été tués en Cisjordanie depuis le début du soulèvement en avril. Islam Burnat était le plus jeune.
« Islam ne s’est pas relevé »
Dans l’après-midi du 18 mai, Islam et d’autres habitants du village se sont rendus dans la zone d’Abou Laymoon, qui risque d’être confisquée par Israël en vue de l’expansion de colonies autour de Bil’in.
Les forces israéliennes sont arrivées dans la zone peu de temps après, déclenchant des affrontements. Les habitants rapportent n’avoir entendu que le bruit des balles réelles, alors que d’habitude, l’armée israélienne utilise des gaz lacrymogènes et des bombes sonores pour disperser les manifestations hebdomadaires à Bil’in.
« J’avais peur et je me tenais à l’arrière en attendant que viennent d’autres personnes du village. Mais soudain, le son des balles a retenti à nouveau et tout le monde s’est jeté au sol », raconte à Middle East Eye l’un des amis d’islam, Abdullah Zaid (14 ans), qui l’avait accompagné à la manifestation.
« Quand nous nous sommes redressés, Islam ne s’est pas relevé. Il y avait une tache de sang sur sa tête. Les jeunes l’ont porté et ont commencé à courir », poursuit l’adolescent.
Moins d’une heure après, Islam était déclaré mort par les médecins.
« Islam était une personne très joyeuse. Il nous faisait toujours rire et passer un bon moment. Il ne souhaitait que le meilleur pour les autres. Il n’a jamais fait de mal à personne », poursuit Zaid.
Janna, la mère de Burnat, est en état de choc. Elle ne peut accepter le fait d’avoir perdu l’un de ses quatre enfants. Elle reste assise dans le salon, fixant le plafond blanc dans un silence complet, tout en fondant en larmes par intermittence.
Wael, le père d’Islam, est également sous le choc, incapable de parler, pleurant constamment la mort de son enfant.
La grand-mère paternelle d’Islam, Intisar Burnat, raconte à MEE que la famille, y compris les enfants, participait collectivement et systématiquement aux manifestations hebdomadaires de Bil’in contre la construction continue de colonies israéliennes et la confiscation de terres du village.
Cette fois, cependant, les membres de la famille n’avaient pas tous pu y assister.
« Janna était occupée par l’entretien de la maison et n’a pas pu rejoindre la manifestation tôt.
« Il ne s’était pas écoulé une heure depuis le début de la manifestation quand nous avons appris qu’Islam avait été blessé. »
Intisar, 75 ans, ne peut s’empêcher de pleurer son petit-fils, qui, raconte-t-elle, l’aidait dans ses tâches, comme prendre soin des moutons et des plantes à proximité de la maison ou faire le ménage.
« Il était très affectueux et ne me quittait jamais. Je ne sais pas comment je pourrai supporter son absence et continuer ma vie sans lui », confie-t-elle. « Mon cœur est comme ravagé par les flammes. »
Le meurtre d’Islam, poursuit Intisar, « a été un très grand choc pour nous ».
« Nous ne nous attendions pas à le perdre avant qu’il ne soit devenu un adulte et n’ait accompli ses rêves », déclare-t-elle, ajoutant qu’il avait promis à sa mère qu’il serait le meilleur à l’école, qu’il obtiendrait son bac et poursuivrait ses études.
« Nous jouions ensemble hier »
Islam se distinguait dans le village pour ses talents de footballeur, indique sa famille. Non seulement il jouait avec ses amis, mais il apprenait également aux autres enfants de la famille à jouer, les divisant en équipes et transformant la cour de la maison en terrain de foot empli d’enfants courant après le ballon.
« Nous jouions ensemble hier, avant qu’il n’aille à la manifestation. Nous nous sommes chamaillés pendant le match et je me suis mis en colère », raconte Nurseen, une proche d’Islam âgée de 11 ans.
« Aujourd’hui, je lui pardonne. Je ne veux plus jamais me fâcher contre lui, quoi qu’il fasse. Je veux seulement qu’il revienne. »
Pendant le mois de Ramadan, Islam a participé à la compétition sportive annuelle du village.
Issa Abu Rahma, l’un des autres camarades de jeu d’Islam, explique à MEE que ce dernier jouait dans une équipe appelée les Martyrs d’al-Aqsa. « Aujourd’hui, Islam est vraiment l’un des martyrs [de la Palestine]. »
Bien qu’il n’ait pas remporté le match du Ramadan, « Islam était très spécial et un très bon joueur », ajoute Abu Rahma, 16 ans.
En février 2021, Islam et sa famille ont déménagé dans une nouvelle maison. Lui et son frère de 10 ans, Mohammad, avaient reçu une chambre et de nouveaux meubles.
« Aujourd’hui, je vais dormir seul dans notre nouvelle chambre. Mon frère, avec qui je jouais et me bagarrais, n’est plus là. L’armée l’a tué », déclare Mohammad à MEE.
Avant de se rendre aux manifestations, Islam avait préparé des frites mais avait refusé de manger avec ses frères et sœurs. « Il nous a dit qu’il ne voulait pas être en retard », explique Mohammad.
« La dernière chose que m’a dite Islam était de ne pas laisser papa et maman pleurer à cause de lui si quelque chose lui arrivait pendant la manifestation.
« Il ne s’attendait pas à être tué. Mais il pensait qu’il pourrait être blessé ou arrêté. »
Traduit de l’anglais (original).
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