Tunisie : le président met en garde Youssef Chahed
« Le chef du gouvernement, s’il ne parvient pas à réunir autour de son gouvernement le plus large soutien n’a qu’à démissionner ou se présenter devant l’Assemblée des représentants du peuple [ARP] pour solliciter le renouvellement de sa confiance », a déclaré Béji Caïd Essebsi (BCE), le chef de l’État tunisien, dans un entretien accordé dimanche soir à la chaîne Nessma TV.
Le fils du président, Hafedh Caïd Essebsi, qui dirige le parti au pouvoir Nidaa Tounes, a appelé au limogeage du Premier ministre Youssef Chahed en mai en raison de l'échec de son gouvernement à relancer l'économie. Son appel a été soutenu par l'UGTT (la centrale syndicale), qui a rejeté les réformes économiques proposées par le Premier ministre.
Chahed, nommé par BCE en 2016, a accusé le fils du président de détruire Nidaa Tounes, estimant par ailleurs que la crise dans le parti avait affecté les institutions de l'État.
Depuis trois mois, des partis politiques dont une branche du parti présidentiel Nidaa Tounes et la puissante UGTT réclament le départ de Youssef Chahed au nom des difficultés économiques du pays. Ce lundi, après l'intervention de BCE à la télévision, plusieurs hauts responsables, des responsables syndicaux et du patronat se sont réunis au Palais présidentiel.
Béji Caïd Essebsi s’est, par exemple, dit « surpris » de la rapidité du limogeage de l’ex-ministre de l’Intérieur
Le ministre tunisien des Droits de l'homme, Mehdi ben Gharbia, a annoncé samedi sa démission tout en affirmant son soutien au chef du gouvernement et en dénonçant les appels persistants au départ du Premier ministre Youssef Chahed. « J'ai rencontré le chef du gouvernement et je lui ai présenté ma démission », a précisé le ministre chargé aussi des relations avec les instances constitutionnelles et la société civile, dans une vidéo publiée sur sa page officielle.
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Le président tunisien a donc profité de cet entretien télévisé, dimanche soir, pour régler ses comptes avec son Premier ministre. Béji Caïd Essebsi s’est, par exemple, dit « surpris » de la rapidité du limogeage de l’ex-ministre de l’Intérieur, Lotfi Brahem à un moment où la Tunisie fait face à la menace islamiste armée.
« Faute de concorde avec les forces politiques et sociales significatives, et face à la dégradation de la situation politique qui va de mal en pis, nous ne pouvons assister en spectateur à cette mauvaise passe, fort préjudiciable pour la Tunisie. Cela ne peut durer encore plus longtemps. Il faut que ça change », a asséné Caïd Essebsi.
Selon le président tunisien, la crise qui s’éternise au sein de son parti, Nidaa Tounes, est une opération de « sabotage »
Évoquant les ambitions présidentielles de Youssef Chahed, BCE tire une salve bien visée en parlant de la présidentielle de 2019 : « Tous y pensent et s’y préparent. Ils se voient présidents. Celui qui croit pouvoir l’emporter en 2019 doit avoir déjà fait ses preuves. Il n’accèdera pas au pouvoir s’il n’a pas déjà réussi en 2017 et 2018 ».
Selon le président tunisien, la crise qui s’éternise au sein de son parti, Nidaa Tounes, est une opération de « sabotage ». Qui en est l’auteur ? « Il m’écoute en ce moment et il se reconnaîtra ! ».
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Sept ans après la révolution, la Tunisie a vu un retour de la croissance en 2017 après des années de marasme. Mais elle peine à apaiser un climat politique et social tendu, alimenté par des tiraillements politiques, une inflation qui s'amplifie (8 % attendus en 2018) et un chômage persistant autour de 15 %. Le FMI s'attend à une croissance d'environ 2,4 % en 2018.
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