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Six façons de dire « Aïd moubarak »

Des millions de musulmans du monde entier marquent la fin du Ramadan par des repas, des festivités et les vœux de l’Aïd
Des fidèles musulmans se pressent devant la mosquée Jama Masjid de Delhi, en Inde, le 2 avril 2022 (AFP/Sajjad Hussain)
Des fidèles musulmans se pressent devant la mosquée Jama Masjid de Delhi, en Inde, le 2 avril 2022 (AFP/Sajjad Hussain)

L’Aïd al-Fitr marque la fin du Ramadan, un mois consacré aux prières, à la contemplation et, bien sûr, au jeûne.

Des millions de musulmans le célèbrent par des festivités qui durent souvent trois jours.

Maintenant que les restrictions liées au coronavirus ont été assouplies, les fidèles peuvent à nouveau se réunir à cette occasion pour déguster des mets spéciaux, penser aux êtres chers décédés et s’échanger des cadeaux.

À partir du premier jour de shawwal, le mois islamique qui suit le Ramadan, les musulmans ne sont pas autorisés à jeûner. À la place, ils commencent leur journée en s’acquittant de la zakat al-fitr, un don de charité destiné aux plus démunis, puis se réunissent pour les prières communes tôt le matin, généralement habillés de vêtements neufs ou des plus beaux qu’ils possèdent.

La plupart des fidèles se saluent ensuite en se souhaitant une bonne fête de l’Aïd. Au Moyen-Orient, vous entendrez peut-être « Aïd saïd », qui signifie « Bonne fête ». On peut également entendre « Koul aam wa intoum bikheir », qui signifie « Que je vous trouve en bonne santé chaque année », ou le traditionnel « Aïd moubarak » pour se souhaiter une fête bénie.

Ces deux mots sont la salutation la plus courante prononcée par de nombreux musulmans, qu’ils soient arabophones ou non, mais certaines communautés musulmanes l’ont adaptée pour refléter leur langue et leur culture.

Voici six façons alternatives de partager les vœux à l’occasion de l’Aïd et des célébrations qui l’accompagnent :

Malais – Selamat hari raya

Des musulmans malaisiens rompent leur jeûne pendant le mois sacré du Ramadan avec en toile de fond de la ligne d’horizon de Kuala Lumpur (AFP/Manan Vatsyayana)
Des musulmans malaisiens rompent leur jeûne pendant le mois sacré du Ramadan avec en toile de fond la ligne d’horizon de Kuala Lumpur (AFP/Manan Vatsyayana)

Après avoir effectué les prières de l’Aïd dans une mosquée commune ou dans un grand espace extérieur comme une place publique ou un parc, les musulmans se disent « Selamat hari raya », qui signifie « Bonne fête » en malais. Cette langue est parlée par les Malais en Malaisie, à Singapour, en Indonésie et à Brunei.

Cette salutation est généralement suivie des mots « Maaf zahir dan batin », qui signifie « J’implore ton pardon » et est adressée aux amis et aux proches les plus âgés. De petites enveloppes remplies d’argent, appelées sampoul douit raya et traditionnellement de couleur verte, sont ensuite remises aux enfants pour qu’ils puissent s’acheter des bonbons ou des petits jouets.

Durant ce jour, les familles revêtent souvent des vêtements traditionnels de couleurs assorties en signe d’unité familiale. Il est courant de voir une famille multigénérationnelle habillée de différentes nuances de la même couleur ; ils posent pour une photo qu’ils publient et ajoutent à leur album photo.

Ils se réunissent pour partager un repas composé de mets tels que du ketupat – boulettes à base de riz –, des kue nastar – tartes à l’ananas –, du lemang – riz gluant cuit avec du lait de coco à l’intérieur de tiges de bambou vides – et du rendang – curry épicé à base de viande et de noix de coco, cuit lentement. 

La Malaisie compte aujourd’hui un peu plus de 16 millions de musulmans. L’islam est arrivé lentement dans la péninsule entre le XIIIe et le XVIIe siècle par l’intermédiaire de marchands arabes et indiens.

Aux alentours du XVe siècle, Malacca avait mis en place une politique de libre-échange et était devenue un lieu d’accueil attractif pour les milliers de commerçants qui traversaient le détroit de Malacca pour transporter des épices, de l’or et des soies entre la Chine et l’Afrique de l’Est.

Ghana – Ni ti yuun’ palli

Une femme prie chez elle à Accra, au Ghana, le 13 mai 2021 pendant la prière de l’Aïd Al-Fitr (AFP/Nipah Dennis)
Une femme prie chez elle à Accra, au Ghana, le 13 mai 2021 pendant la prière de l’Aïd al-Fitr (AFP/Nipah Dennis)

Au Ghana, les musulmans appartenant aux Akan, le plus grand groupe ethnique du pays, se saluent en se disant « Ni ti youn’ palli », qui signifie « Bonne saison de l’Aïd ». Les fidèles d’Accra, la capitale, sont susceptibles de se rendre à la mosquée centrale de Kumasi ou à la mosquée nationale du Ghana, un édifice plus récent de style turc, financé par la Turquie

En haoussa, un dialecte parlé par les habitants du nord du Ghana, les mots « Barka da sallah » – « Prières bénies de l’Aïd » – sont prononcés pour célébrer l’Aïd après la fin des prières à la mosquée. Les enfants se voient aussi offrir de l’argent de poche pour profiter de la période festive.

Sur la table ghanéenne de l’Aïd, on peut retrouver des spécialités telles que le riz wolof, un riz épicé cuit dans du bouillon de viande et de la sauce tomate, ou le waakye, un plat simple à base de riz et de haricots, servi sur des feuilles de plantain et apprécié avec différents condiments. 

Les célébrations se poursuivent au cours de la journée avec des matchs de football, des spectacles musicaux et des festivités de rue.

Dans ce pays qui abrite aujourd’hui plus de cinq millions de musulmans, l’islam est principalement entré par le biais du commerce au XVe siècle. Les règles commerciales de l’islam telles que les lois sur les contrats ainsi que les vastes réseaux commerciaux auraient attiré les marchands. 

La magnifique mosquée de Larabanga, fondée en 1421 dans la savane du centre du Ghana, est un vestige des premiers temps de l’islam.

Albanais – Gëzuar Bajramin

Cette photo aérienne prise le 13 mai 2021 montre des musulmans albanais priant à Tirana à l’occasion de l’Aïd al-Fitr (AFP/Gent Shkullaku)
Cette photo aérienne prise le 13 mai 2021 montre des musulmans albanais priant à Tirana à l’occasion de l’Aïd al-Fitr (AFP/Gent Shkullaku)

Les fidèles se rassemblent sur la place Skanderbeg de Tirana, la capitale du pays, et se disent « Gëzuar bajramin » afin de s’adresser leurs vœux de bonheur pour la fête. 

Le mot bajramin, d’origine turque, vient de bayram, signifiant « fête ». En Turquie, la salutation « Bayram koutlou olsun » est prononcée pour transmettre le même message.

Les enfants se voient offrir de nouveaux vêtements et de l’argent pour fêter l’occasion et s’affairent eux aussi à accumuler et à dévorer des friandises. Le premier jour est généralement passé à la maison, à déguster des plats traditionnels comme le börek, une pâte feuilletée fourrée au fromage et aux épinards. Les deuxième et troisième jours, les fidèles rendent visite à la famille et aux amis.

L’Albanie est l’un des trois pays européens à majorité musulmane, avec un peu plus d’1,7 million de musulmans selon les estimations. Les deux autres pays avec cette particularité sont la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo.

L’islam a été introduit en Albanie sous la domination ottomane au XVe siècle. Quelques centaines d’années plus tard, l’Albanie a accueilli des bektachis, un groupe soufi originaire de Turquie. Leur chef a été exilé de Turquie en 1928 et s’est réfugié à Tirana, où cet ordre religieux a doucement gagné en importance.

Néanmoins, le culte religieux a été interdit en Albanie sous toutes ses formes pendant une période de 50 ans. Sous le régime communiste d’Enver Hoxha, la religion a été mise hors la loi. Déclarant le pays athée en 1967, le dirigeant a détruit ou reconverti les mosquées, églises et monastères du pays. Les personnes prises à exhiber des symboles religieux finissaient en prison.

Le jeûne demeurait toutefois une pratique invisible et de nombreux musulmans albanais ont tenu à la conserver.

Quelques années après la mort d’Enver Hoxha, en 1991, l’interdiction de la pratique religieuse a été levée. L’année suivante, l’Albanie a rejoint l’Organisation de la coopération islamique (OCI).

Kurde : Jazhnt piroz

Un repas organisé dans le sud-est de la Turquie par le parti pro-kurde HDP pendant le mois de jeûne musulman du Ramadan, en 2017 (AFP/Ilyas Akengin)
Un repas organisé dans le sud-est de la Turquie par le parti pro-kurde HDP pendant le mois de jeûne musulman du Ramadan, en 2017 (AFP/Ilyas Akengin)

« Jazhnt piroz » signifie « Bonne fête de l’Aïd » en sorani, le dialecte parlé par les Kurdes d’Irak et d’Iran. Le kurde serait la quatrième langue la plus parlée au Moyen-Orient, après l’arabe, le turc et le farsi. 

Après les prières traditionnelles du matin, les mets de l’Aïd sont dégustés en famille. L’une des spécialités est la koulicha, un biscuit fourré à la pâte de dattes, similaire au maamoul, mais souvent cuit en forme de croissant ou de spirale appétissante. Des vendeurs de rue proposent des petits jouets et des ballons de baudruche aux enfants qui souhaitent dépenser une partie de leur argent de poche de l’Aïd.

Le Kurdistan n’est pas un pays indépendant, mais une région géographique où vivent 20 à 25 millions de Kurdes répartis dans des parties de la Turquie, de la Syrie, de l’Irak et de l’Iran actuels.

Chinois : Kaizhai jie kuaile

Des fidèles participent aux prières de l’Aïd al-Fitr, marquant la fin du mois sacré du Ramadan, à la mosquée Niujie de Pékin le 13 mai 2021 (AFP/Noel Celis)
Des fidèles participent aux prières de l’Aïd al-Fitr, marquant la fin du mois sacré du Ramadan, à la mosquée Niujie de Pékin le 13 mai 2021 (AFP/Noel Celis)

La Chine compte environ 28 millions de musulmans selon les estimations. Sur les 56 groupes ethniques différents que l’on trouve dans le pays, dix sont à majorité musulmane.

Les musulmans qui peuvent pratiquer librement leur culte dans certaines régions de Chine allument des bâtonnets d’encens chez eux avant de se rendre à la mosquée pour y effectuer les prières de l’Aïd et se saluent ensuite mutuellement par les mots « Kaizhai jie kuaile », qui signifient « Bonne fête ». La visite des tombes des proches décédés est une coutume qui vise à témoigner du respect aux ancêtres. Après cela, les festivités de la journée peuvent commencer. 

Les familles rentrent chez elles pour déguster les mets favoris de l’Aïd, comme la sangza, des nouilles en pâte de farine frites, empilées en forme de pyramide et servies avec du thé. Les enfants et les familles peuvent assister à des spectacles de rue, entre danse du lion, échassiers et arts martiaux.

Les deux principaux groupes de musulmans chinois sont les Hui, qui seraient les descendants des marchands de la route de la soie, et les Ouïghours, qui seraient d’origine turque. 

La plus grande communauté hui se situe dans le Níngxià, une région autonome du centre-nord de la Chine. La province du Xinjiang, au nord-ouest, abrite les Ouïghours et partage ses frontières avec la Mongolie, la Russie, l’Inde et les pays d’Asie centrale.

L’an dernier, une vidéo montrant des musulmans ouïghours en train de célébrer l’Aïd a été vivement condamnée par la diaspora ouïghoure, qui affirme que les célébrations ont été mises en scène et que les fidèles ont été contraints de danser et de se produire dans des lieux publics. 

Environ 1,8 million d’Ouïghours et de membres d’autres minorités musulmanes seraient détenus dans des camps d’internement dans la région depuis 2017. Ils affirment être punis pour de simples actes pacifiques, telle la pratique des prières quotidiennes musulmanes. Le gouvernement chinois a d’abord démenti, avant de décrire plus tard ces camps comme des internats destinés à déradicaliser les Ouïghours.

Cette politique a été décrite comme une démarche de sinisation de l’islam, dans laquelle l’État régit et restreint la liberté de culte.

Russe – Id moubarak

Les musulmans russes prient à la mosquée centrale de Moscou le 15 juin 2018, lors des célébrations de l’Aïd al-Fitr (AFP/Vassili Maximov)
Des musulmans russes prient à la mosquée centrale de Moscou, le 15 juin 2018, lors des célébrations de l’Aïd al-Fitr (AFP/Vassili Maximov)

Les 20 millions de musulmans de Russie se trouvent principalement à Moscou, dans la République du Tatarstan, dans la République du Bachkortostan, en Tchétchénie et à Saint-Pétersbourg.

Dans la communauté tchétchène, les femmes de la famille passent les quatre derniers jours du Ramadan à nettoyer l’intérieur et l’extérieur de leur maison pour préparer l’Aïd.

Là aussi, les fidèles se parent de leurs plus beaux habits et après la matinée de prières et les salutations (« Id moubarak »), rendent visite aux aînés de la famille et se réunissent ensuite pour déguster les spécialités de l’Aïd qui tapissent la table de fête.

On y trouve généralement de la soupe à l’agneau, du dolma et des manti, des ravioles farcies à la viande. Ce plat serait originaire de Chine, mais ses nombreuses variantes – de par leur taille ou leur garniture – font désormais partie de la cuisine afghane, arménienne, turque et bosnienne. 

C’est un jour de fête, surtout pour les enfants. Leur sac au départ vide se remplit rapidement de friandises offertes par les amis et la famille dans le quartier. Des ballons sont souvent lâchés dans le ciel.

L’islam est présent en Russie depuis le VIIe siècle. Les premiers musulmans sont arrivés à Derbent, dans le sud du Daghestan, quelques années seulement après la mort du prophète Mohammed. Quelques siècles plus tard, en 922, l’islam a été officiellement déclaré religion d’État dans le Khanat bulgare de la Volga, connu aujourd’hui sous le nom de République du Tatarstan, dans l’actuelle Russie.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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