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L’attaque du Hamas plombe le rapprochement israélo-saoudien

Pour l’influent sénateur républicain Lindsey Graham, ces attaques semblent avoir été « conçues pour bloquer » tout rapprochement car « un accord de paix entre ces deux pays aurait été un cauchemar pour l’Iran et le Hamas »
L’intensité et l’ampleur des violences « rendent désormais difficile de mettre ces dossiers compliqués sous le tapis comme ce fut le cas au moment des accords d’Abraham » (AFP)
L’intensité et l’ampleur des violences « rendent désormais difficile de mettre ces dossiers compliqués sous le tapis comme ce fut le cas au moment des accords d’Abraham » (AFP)
Par AFP à WASHINGTON, États-Unis

L’offensive surprise du Hamas sur Israël samedi 7 octobre a soudainement remis sous les projecteurs la cause palestinienne et sapé les tentatives de normalisation entre Israël et l’Arabie saoudite, parrainés par les États-Unis.

En septembre, à la tribune des Nations unies à New York, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou avait nié la centralité de la question palestinienne. Il avait exalté la normalisation des relations d’Israël avec les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Maroc et le Soudan, dans la dynamique des accords d’Abraham en 2020, comme « l’aube d’une nouvelle ère ».

Il avait aussi affirmé qu’Israël était proche « d’une avancée encore plus spectaculaire, une paix historique » avec l’Arabie saoudite, poids lourd du monde arabe.

Le président américain Joe Biden, désireux de marquer des points sur le front diplomatique avant l’élection présidentielle de 2024, a fortiori s’il se retrouvait face à son prédécesseur Donald Trump sous l’égide duquel ces accords d’Abraham ont été signés, pousse depuis des mois pour ce rapprochement.

« La situation a ramené l’Arabie saoudite à son rôle traditionnel »

Des négociations entre les deux plus anciens alliés des États-Unis au Moyen-Orient, qui partagent une inquiétude envers le développement du programme nucléaire iranien, devaient avoir lieu dans les prochaines semaines.

« La pente à gravir était forte mais elle le devient plus encore » après l’attaque du Hamas sur Israël, estime Brian Katulis, chercheur au Middle East Institute à Washington.

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L’intensité et l’ampleur des violences, qui jettent une lumière crue sur l’étendue des questions non résolues entre Israël et les Palestiniens, « rendent désormais difficile de mettre ces dossiers compliqués sous le tapis comme ce fut le cas au moment des accords d’Abraham », ajoute Brian Katulis.

Le dirigeant de fait de l’Arabie saoudite, le prince héritier Mohammed ben Salmane, a lui aussi fait état récemment de progrès dans le rapprochement avec Israël mais exigé des avancées sur la question palestinienne, considérée comme une priorité par son père, le roi Salmane.

Riyad est d’ailleurs revenu à un discours plus classique dans sa première réaction aux violences en affirmant avoir prévenu de l’existence d’une « situation explosive résultant de la poursuite de l’occupation [israélienne] et de la privation de droits légitimes subie par le peuple palestinien ».

Pour Aziz Alghashian, un spécialiste saoudien des relations israélo-saoudiennes, le royaume s’emploie ainsi à réfuter l’idée qu’il privilégierait la normalisation avec Israël aux dépens de son soutien aux Palestiniens. « La situation a ramené l’Arabie saoudite à son rôle traditionnel », dit-il.

« Netanyahou a ajouté un obstacle dans ces discussions de normalisation en disant qu’il s’agit d’une guerre »

- Aziz Alghashian, un spécialiste saoudien des relations israélo-saoudiennes

« Netanyahou a ajouté un obstacle dans ces discussions de normalisation en disant qu’il s’agit d’une guerre » à la suite de l’attaque du Hamas, estime Aziz Alghashian, qui ne « voit pas comment une normalisation pourrait avoir lieu avec une guerre en toile de fond ».

Le Hamas, soutenu par l’Iran, a pu agir « par peur d’une marginalisation encore plus forte de la cause palestinienne » en cas de reconnaissance d’Israël par l’Arabie saoudite, estime Joost Hiltermann, responsable du Moyen-Orient au sein du groupe de réflexion International Crisis Group (ICG).

Or, la réaction militaire d’Israël, qui s’annonce massive, obligera les États arabes à adopter une ligne plus dure à son égard, compte tenu notamment d’opinions publiques très sensibles à la cause palestinienne.

« On pourrait envisager un scénario de refroidissement des relations avec les Émirats et probablement au moins de retard de toute sorte d’accord possible entre Israël et l’Arabie saoudite », poursuit Joost Hiltermann.

Pour l’influent sénateur républicain Lindsey Graham, ces attaques semblent avoir été « conçues pour bloquer » le rapprochement entre l’Arabie saoudite et Israël car « un accord de paix entre ces deux pays aurait été un cauchemar pour l’Iran et le Hamas ».

Par Shaun Tandon, avec Robbie Corey-Boulet.

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