Scandales et censure autour de Mort sur le Nil, le dernier film avec Gal Gadot
Un film hollywoodien à gros budget avec un casting de stars, basé sur un roman populaire se déroulant dans l’Égypte pittoresque des années 1930. Tous les ingrédients étaienbt réunis pour en faire un classique.
Au lieu de cela, Mort sur le Nil, la deuxième adaptation par Kenneth Branagh d’un roman policier populaire d’Agatha Christie, est sorti en France le 9 février sans tambour ni trompette après des années de retard et de controverse.
Son interdiction au Koweït – aucune raison officielle n’a été donnée mais l’interdiction semble liée à la présence de l’actrice israélienne Gal Gadot – semble dérisoire au regard des scandales impliquant le casting du film.
L’acteur principal Armie Hammer fait face à des accusations de viol (qu’il nie), le soutien de Gal Gadot à l’armée israélienne est une autre source de controverse, tandis que les acteurs secondaires Russell Brand et Letitia Wright ont suscité la colère pour leurs opinons sur les vaccins contre le covid-19.
Pas d’interview ni de tournée promotionnelle
Dans Mort sur le Nil, Branagh endosse à nouveau le rôle du détective belge Hercule Poirot qui embarque à bord du SS Karnak, bateau à vapeur qui remonte le Nil entre Shellal – un petit village près d’Assouan – et Wadi Halfa à la frontière entre l’Égypte et le Soudan.
La croisière heureuse se transforme en un cauchemar infernal lorsque la lune de miel d’un couple est tragiquement écourtée par un meurtre. Poirot doit alors ramasser les morceaux et interroger les prestigieux suspects à bord.
Branagh a réalisé et joué dans une autre adaptation d’un roman d’Agatha Christie, Le Crime de l’Orient-Express, en 2017.
L’année dernière, Hammer a été accusé de viol, d’agression sexuelle et de maltraitance par plusieurs femmes, qui ont allégué qu’il avait discuté de fantasmes sexuels lugubres allant du cannibalisme à la mutilation. L’acteur a nié toutes ces allégations, les qualifiant de « conneries ».
Au moment où les accusations ont fait surface, Hammer avait déjà filmé toutes ses scènes dans Mort sur le Nil, dans lequel son personnage est impliqué dans une importante intrigue amoureuse.
Filiale de Disney, 20th Century Studios a envisagé d’effacer numériquement la star américaine et de retourner toutes les scènes avec un nouvel acteur. Mais cette option a été jugée trop onéreuse et difficile à réaliser, le reste de ce prestigieux casting travaillant sur d’autres projets.
Il apparaît donc toujours dans le film, sorti sans faire de bruit. Aucun des acteurs, y compris Branagh, n’a fait d’interview ou de tournée promotionnelle pour le film.
Assez de controverses pour « remplir le Nil »
Interrogé sur Hammer lors de la promotion du film Belfast, Branagh a estimé que les allégations étaient « des questions particulièrement graves [qui] sont traitées très sérieusement ».
Certaines des partenaires de Hammer ont également fait sensation depuis que le film est entré en production.
L’actrice Gal Gadot, ex-membre de l’armée israélienne, a été régulièrement critiquée pour son silence perçu sur le traitement des Palestiniens par Israël et son soutien vocal à Israël, y compris lors du bombardement de Gaza en mai 2021.
Gadot a servi dans l’armée israélienne pendant la guerre du Liban de 2006, et pendant la guerre de Gaza de 2014, elle a partagé un message Facebook envoyant « de l’amour et des prières » aux forces militaires israéliennes, en utilisant le hashtag #LoveIDF.
Mort sur le Nil a été interdit au Koweït, peut-être en raison de ces opinions.
Un responsable gouvernemental a confirmé la censure à l’AFP, mais n’en a pas précisé le motif. Le journal koweïtien Al-Qabas a rapporté que cela tenait au soutien marqué de Gadot à l’armée israélienne.
Mais son rôle dans Mort sur le Nil est également sujet à des mèmes et à des moqueries qui ont moins à voir avec ses opinions sur le conflit israélo-palestinien qu’à sa façon de jouer.
Gadot – qui a organisé une reprise très critiquée d’Imagine de John Lennon au début de la pandémie – a inspiré un déluge de mèmes absurdes qui se concentrent sur une réplique spécifique qu’elle prononce dans le film.
Traduction : « C’est fou le nombre de films échouent au test de Gadot [pas assez de champagne pour remplir le Nil]. »
« [Nous avons] assez de champagne pour remplir le Nil », clame Gadot avant de jeter son verre dans le fleuve.
Bizarrement, cette scène a été citée des milliers de fois sur Twitter et relevée avec des scènes provenant d’autres films de Gadot.
Une vidéo virale prétend montrer les acclamations du public au moment où Gadot prononce cette réplique. La publication a été partagée pour la première fois par un Brésilien le 10 février, le jour de la sortie du film dans ce pays.
Traduction : « La réaction du public m’emballe totalement... absolument distrayant !!! »
En effet, il semble que le film rassemble suffisamment d’acteurs controversés pour remplir le Nil.
En plus des allégations contre Hammer, Russell Brand et Letitia Wright ont été sous le feu des projecteurs pour leurs opinions sur le vaccin contre le covid-19.
« Fantasme colonialiste »
Brand se sert de plus en plus de sa chaîne Youtube pour promouvoir le scepticisme à l’égard des vaccins et condamner les obligations vaccinales.
Pendant ce temps, Wright aurait répandu un sentiment « antivax » sur le tournage de Black Panther 2 selon un article du Hollywood Reporter, ce qu’elle nie.
Par ailleurs, elle a partagé une vidéo en ligne faisant de la désinformation sur la pandémie et les vaccins.
« Cette Égypte – dont une grande partie a été recréée en studio dans le Surrey, en Angleterre – a l’aspect brillant et vide de l’un de ces champs de bataille sur les parkings dans lesquels les super-héros ont tendance à se trouver »
- Clarisse Loughrey, critique pour The Independent
Mort sur le Nil a reçu des critiques mitigées : pour certains, sa représentation de l’Égypte s’appuie trop fortement sur des stéréotypes.
Dans The Independent, Clarisse Loughrey sous-entend que Branagh a « tendance à s’appuyer sur le fantasme colonialiste de l’histoire originale de Christie ».
« Il dépeint l’Égypte à la fois comme un lieu d’appréhension – où les épouses sont enterrées vivantes et hurlantes, aux côtés de rois morts – et de simplicité pastorale. Les habitants feront signe de bon cœur alors qu’un bateau de riches touristes, pour la plupart blancs, passe », écrit-elle.
« Cette Égypte – dont une grande partie a été recréée en studio dans le Surrey, en Angleterre – a l’aspect brillant et vide de l’un de ces champs de bataille sur les parkings dans lesquels les super-héros ont tendance à se trouver. »
Le roman de Christie a longtemps été associé à l’orientalisme, les universitaires et les commentateurs l’accusant d’utiliser des stéréotypes et des commentaires désinvoltes pour construire des idées inexactes du Moyen-Orient et de ses habitants.
L’auteure britannique avait une profonde fascination pour l’histoire ancienne du Moyen-Orient, accompagnant régulièrement son mari archéologue Max Mallowan lors de fouilles dans la région.
L’inspiration pour Mort sur le Nil lui est venue lors d’une croisière sur le SS Sudan en 1933, bateau qui transporte encore aujourd’hui ses passagers le long du fleuve en Égypte et a des cabines nommées d’après Christie et Poirot.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].