« Et si on les tuait ? » : un nouveau livre détaille le programme de restitution et de torture de la CIA
Au cours des premières années de la guerre contre le « terrorisme », lors d’une réunion tenue secrète des haut gradés de la CIA, les hauts responsables du renseignement ont discuté du sort à réserver aux individus faisant l’objet de restitutions et de « techniques d’interrogatoire renforcées ».
Après avoir examiné un certain nombre d’options, comme les maintenir en détention, les envoyer dans un autre pays ou engager des poursuites judiciaires, un haut responsable a lancé : « Et si on les tuait ? »
Les détails de cette réunion ont été révélés lundi lors d’un entretien en ligne avec l’auteure et journaliste Cathy Scott Clark, dont le livre The Forever Prisoner offre un regard approfondi sur le programme de torture controversé de la CIA.
« On entend des révélations de ce genre, que j’ai trouvées quelque peu alarmantes », a-t-elle indiqué dans la discussion organisée par le think tank New America.
Le livre, qui sera publié cette semaine en anglais, se concentre sur le cas d’Abou Zoubaydah, un détenu de Guantánamo qui a été interrogé à l’aide de techniques constituant des actes de torture – il a notamment été soumis au waterboarding à 83 reprises en un mois –, suspendu nu au plafond et privé de sommeil pendant onze jours consécutifs.
Il couvre un certain nombre d’aspects du programme de restitution de la CIA, notamment à travers des entretiens entre l’auteure et plusieurs hauts responsables des services militaires et de renseignement.
« Esprit de meute »
Dans le cadre de son travail sur cet ouvrage, Cathy Scott Clark s’est entretenue avec James Mitchell, l’un des architectes du programme de torture. Elle a également interrogé une autre personne identifiée comme « Gus » dans le livre, qui a orchestré l’ensemble de l’opération de restitution.
« Après avoir rencontré et interviewé tant de personnes ayant participé au programme, j’ai l’impression générale qu’un esprit de meute s’est installé, que tout le monde tirait dans le même sens », a expliqué Cathy Scott Clark. « Et si quelqu’un devait désigner un responsable en cas de poursuites, je ne pense pas qu’il soit possible de désigner quiconque. »
À la suite des attentats du 11 septembre 2001, les États-Unis ont lancé une vaste campagne visant à débusquer les « terroristes » qui avaient planifié les attaques et qui étaient susceptibles de coordonner d’autres attentats sur le sol américain.
Des groupes de la société civile affirment toutefois que de nombreuses pratiques de Washington, notamment les restitutions et les « techniques d’interrogatoire renforcées » – pour lesquelles le Sénat a conclu dans un rapport historique qu’elles équivalaient à des actes de torture –, sont illégales au regard du droit international.
Le mois dernier, des documents récemment déclassifiés ont décrit comment Ammar al-Baluchi, un détenu des prisons secrètes de la CIA en Afghanistan, a été utilisé comme support vivant pour permettre aux interrogateurs en formation de recevoir une certification en matière d’interrogatoires. Les actes de torture qu’il a subis ont entraîné des lésions cérébrales.
« Quelque chose qui a échappé à tout contrôle »
Au cours d’un événement organisé lundi, Cathy Scott Clark a également révélé qu’en dépit des démentis des responsables américains, il existait un lien entre les créateurs du programme de torture de la CIA – tels que James Mitchell – et les violations flagrantes qui se sont produites dans la tristement célèbre prison d’Abou Ghraib, où les détenus ont subi des abus physiques, psychologiques et sexuels, notamment des décharges électriques et des fausses exécutions pratiquées par les forces américaines.
« L’autre élément que j’ai exposé en détail dans le livre est que le programme d’interrogatoire renforcé de la CIA a absolument et indubitablement donné lieu à des violations au sein de l’armée américaine également », a précisé l’auteure.
« Les mêmes personnes […] ont été impliquées dans la mise en place de programmes de formation et de matériel de formation, dans la formation de la CIA, dans la formation des interrogateurs déployés à Guantánamo, dans la formation des interrogateurs à Bagram, puis dans celle des interrogateurs qui sont allés à Abou Ghraib. »
« Jim [Mitchell] peut dire à juste titre “Je n’ai pas élaboré ce qui a mal tourné à Abou Ghraib”, mais il doit endosser la responsabilité d’avoir créé quelque chose qui a échappé à tout contrôle. »
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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