Guerre en Ukraine : des milliers d’étudiants arabes bloqués sous les bombardements
À la suite de l’invasion russe de l’Ukraine, des milliers d’étudiants du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord doivent se démener pour trouver un moyen de quitter le pays.
Cependant, peu après le début de l’offensive, qui a déjà fait des dizaines de morts et suscité des condamnations internationales, l’Ukraine a fermé son espace aérien, empêchant ainsi le départ des étudiants.
Le Maroc possède le deuxième plus grand contingent d’étudiants étrangers en Ukraine, avec 8 000 étudiants, selon le ministère ukrainien de l’Éducation. L’Inde occupe la première position.
« Des amis marocains qui se trouvent en Ukraine en ce moment ont très peur et attendent que le consulat leur vienne en aide »
– Amine Mouhcine, étudiant marocain
L’Égypte compte 3 500 étudiants en Ukraine, tandis que des Libanais, des Irakiens et des Palestiniens fréquentent également les universités du pays.
La Tunisie a déclaré pour sa part qu’elle prévoyait d’évacuer ses étudiants en Ukraine via la Pologne et la Roumanie. Le ministre de la Santé a déclaré que beaucoup étaient déjà arrivés à Bucarest et que le pays avait envoyé un avion pour l’évacuation.
Omar Bentabjaoute, un étudiant marocain installé à Kharkiv, une ville ukrainienne proche de la frontière avec la Russie où des explosions ont été signalées jeudi, décrit une atmosphère chaotique.
« C’est la panique dehors. Tout le monde court. Certains vont chercher de l’argent dans les banques. D’autres se pressent pour obtenir de l’essence », raconte le jeune homme à Middle East Eye.
« J’ai été réveillé par une explosion à 5 h 50 du matin […] Nous avons de l’eau par intermittence et nous avons brièvement perdu internet. »
S’exprimant depuis une station de métro de Kharkiv transformée en abri anti-bombes, un autre étudiant marocain explique que la guerre était « inattendue » et est venue « de nulle part ».
« C’est arrivé très soudainement. Personne n’a vu venir la guerre. Les gens paniquent et ont peur de ce qui va se passer. Moi aussi, je suis en panique. Espérons que tout ira bien », confie-t-il à MEE.
En début de semaine, des responsables marocains ont confirmé que le royaume avait lancé une série de vols de rapatriement entre Kiev et Rabat pour ramener des ressortissants installés en Ukraine.
Cependant, des centaines d’étudiants marocains sont toujours sur place et les médias locaux rapportent que les prix élevés des vols les empêchent de partir.
La semaine dernière, Amine Mouhcine, un étudiant marocain en aviation, a payé plusieurs milliers de dollars pour se procurer un billet d’avion et rentrer chez lui.
Amine confie à MEE que quitter l’Ukraine a été un choix difficile, mais qu’il ne se sentait « plus en sécurité » dans le pays.
« Le consulat m’a dit que la situation se détériorait et que les banques fermeraient si la Russie envahissait le pays », explique-t-il.
« Des amis marocains qui se trouvent en Ukraine en ce moment ont très peur et attendent que le consulat leur vienne en aide. »
« Je retournerai au Liban dès que possible »
L’Égypte a pour sa part exhorté ses citoyens vivant en Ukraine à rester chez eux, précisant qu’elle évaluait les possibilités d’évacuation après la fermeture de l’espace aérien ukrainien. Elle a également demandé aux ressortissants égyptiens d’enregistrer leurs coordonnées auprès de l’ambassade.
Avant le lancement de l’invasion russe de l’Ukraine jeudi, des familles d’étudiants vivant en Ukraine ont organisé des manifestations en Égypte, au Maroc et au Liban pour demander à leur gouvernement de rapatrier leurs proches.
L’ambassade d’Irak en Ukraine est depuis lundi en contact avec les 27 universités qui accueillent des étudiants irakiens pour leur assurer un départ d’urgence en cas d’aggravation de la situation sécuritaire, selon Ahmed al-Sahaf, porte-parole du ministère des Affaires étrangères.
« L’ambassade a demandé à ces universités et instituts en Ukraine de lui fournir des informations détaillées sur le nombre d’étudiants irakiens qui y étudient et leur situation », a-t-il déclaré, d’après l’agence de presse Iraqi News Agency.
Plusieurs étudiants libanais interrogés par MEE ne peuvent pas partir en raison du prix élevé des billets.
Ghada est une étudiante libanaise en médecine bloquée à Ivano-Frankivsk, une ville de l’ouest de l’Ukraine où des explosions ont été signalées. Elle s’est installée en Ukraine en 2018, un an avant la crise économique qui a paralysé le Liban.
La jeune femme de 23 ans explique qu’elle n’a pas les moyens de partir : ni elle ni ses parents ne peuvent réunir la somme nécessaire pour acheter un billet d’avion.
« Même si j’avais l’argent pour acheter un billet et rentrer au Liban, je ne pourrais pas, car je dois rembourser des dettes à mon propriétaire pour récupérer mon passeport », explique-t-elle à MEE.
« Mais je veux rester ici car j’ai beaucoup de problèmes au Liban. Je ne peux rien faire là-bas. »
Ali Sadaka, un étudiant en médecine dentaire vivant à Kharkiv, affirme qu’il devra emprunter de l’argent pour financer son départ.
« Quand j’aurai de l’argent, je retournerai temporairement au Liban dès que possible », indique-t-il.
« Quand j’ai demandé à ma professeure si je devais rester ou partir, elle m’a parlé comme si j’étais son fils et m’a dit de partir. »
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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