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Amnesty International vient s’ajouter aux organisations qui qualifient Israël d’« État d’apartheid »

L’organisation de défense des droits de l’homme affirme que « le système israélien de ségrégation et de discrimination institutionnalisées à l’égard des Palestiniens » constitue un système d’apartheid
Une Palestinienne à la grille de sa maison dans la rue al-Shuhada, qui est en grande partie fermée aux Palestiniens, à Hébron, en Cisjordanie occupée, le 9 novembre 2021 (AFP)
Par MEE

Ce mardi, Amnesty International a publié un rapport qui qualifie Israël d’État d’apartheid. Elle vient donc s’ajouter à la liste des organisations de défense des droits de l’homme qui utilisent ce qualificatif pour désigner le traitement discriminatoire par Israël des Palestiniens.

Ce rapport de 280 pages, qui se fonde sur des recherches menées entre 2017 et 2021, énonce que depuis 1948, Israël a mené des politiques qui « bénéficient aux Israéliens juifs tout en restreignant les droits des Palestiniens ».

« Le système israélien de ségrégation et de discrimination institutionnalisées à l’égard des Palestiniens, en tant que groupe racial, dans tous les domaines sous son contrôle équivaut à un système d’apartheid et à une sérieuse violation des obligations d’Israël en matière de droits de l’homme », estime Amnesty.

« Cette ségrégation est systémique et très institutionnalisée via les lois, les politiques et les pratiques, toutes destinées à empêcher les Palestiniens de revendiquer et de bénéficier de droits égaux avec les Israéliens de confession juive. » Elle concerne à la fois les citoyens palestiniens d’Israël, qui représentent 20 % de la population israélienne, et les cinq millions de Palestiniens qui vivent sous occupation israélienne.

« Cette ségrégation est systémique et très institutionnalisée via les lois, les politiques et les pratiques, toutes destinées à empêcher les Palestiniens de revendiquer et de bénéficier de droits égaux avec les Israéliens de confession juive »

- Amnesty International

L’apartheid est un terme juridique défini par le droit international : il désigne l’oppression systématique perpétrée par un groupe ethnique sur un autre.

Dans son rapport, Amnesty appelle le Conseil de sécurité de l’ONU à « imposer des sanctions ciblées (telles que les gels d’actifs) à l’égard des responsables israéliens les plus impliqués dans le crime d’apartheid ainsi qu’un embargo total sur les armes à destination d’Israël ».

« Cet embargo devrait couvrir la fourniture directe et indirecte, la vente ou le transfert – y compris le transit et le transbordement – de toutes les armes, munitions et autre matériel militaire et de sécurité, en plus de la formation et autres types d’aide militaire et de sécurité », détaille le rapport.

Avant sa publication, Israël a exhorté l’organisation à ne pas publier cette étude lundi et accusé ses conclusions d’être « fausses, biaisées et antisémites ».

Le ministre israélien des Affaires étrangères Yaïr Lapid a déclaré qu’Amnesty « n’est qu’une organisation radicale de plus qui se fait l’écho de la propagande, sans vérifier sérieusement les faits », l’accusant de propager « les mêmes mensonges que les organisations terroristes ».

« Israël n’est pas parfait, mais nous sommes une démocratie engagée à respecter le droit international, ouverte à la critique, avec une presse libre et un système judiciaire fort et indépendant », insiste Lapid dans son communiqué.

L’organisation a également été attaquée par de nombreux groupes pro-Israël, y compris l’Anti-Defamation League (ADL) et l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC), pour qui le rapport est un « effort malavisé et rétrograde pour calomnier Israël ». 

Reconnaissance plus large de l’apartheid israélien

Ce rapport est le dernier en date corroborant un certain nombre de rapports similaires d’organisations, tant israéliennes qu’internationales, de défense des droits de l’homme qui accusent également Israël d’apartheid.

En janvier 2021, l’importante organisation israélienne de défense des droits de l’homme B’Tselem avait qualifié le pays d’État « d’apartheid », expliquant qu’Israël avait adopté le principe du « diviser pour mieux régner » sur les Palestiniens qui ont des droits « amoindris » par rapport aux citoyens juifs.

Puis en avril, Human Rights Watch avait (HRW) publié un rapport indiquant que les politiques de deux poids, deux mesures d’Israël, inscrites dans ses lois, privilégient les Israéliens juifs tout en réprimant les Palestiniens et qu’Israël « a franchi le seuil » de l’apartheid.

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« Au fil du temps, les recherches menées par les organisations palestiniennes de défense des droits de l’homme, et plus récemment par certaines organisations israéliennes, ont contribué à une reconnaissance plus large par la communauté internationale du traitement des Palestiniens par Israël comme un apartheid », indique le rapport d’Amnesty.

Des dizaines de stars hollywoodiennes ont aussi récemment cité le rapport de HRW et pris position en soutien aux droits des Palestiniens.

Toutefois, malgré le nombre croissant d’organisations de défense des droits humains estimant que les politiques israéliennes sont dignes de la qualification d’apartheid, les États-Unis et les autres alliés occidentaux d’Israël gardent le silence.

« Des États, en particulier les alliés occidentaux d’Israël, sont réticents à entendre ces appels et refusent de prendre des mesures significatives contre Israël », note le rapport d’Amnesty.

Une enquête de la Cour pénale internationale (CPI) examine actuellement toutes les atteintes présumées commises par Israël contre les Palestiniens, tout comme celles qui auraient été commises par les groupes militants palestiniens. Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU (OHCHR) a accepté de lancer une enquête après l’offensive israélienne de mai 2021 sur Gaza, laquelle a tué au moins 248 Palestiniens dont plus de 60 enfants. Les roquettes palestiniennes ont tué 12 personnes côté israélien.

Amnesty a appelé la CPI à poursuivre son enquête et à se demander si l’apartheid faisait partie des crimes dont Israël est coupable.

L’organisation de défense des droits humains a également appelé Israël à abroger ou amender sa loi sur l’État-nation, qui a été adoptée malgré les protestations des Palestiniens et d’autres détracteurs. La loi stipule qu’Israël est « l’État-nation du peuple juif » et que « l’exercice du droit à l’autodétermination nationale appartient exclusivement au peuple juif ».

Démolition de maisons et meurtres systématiques

Amnesty base ses conclusions sur le statut de Rome de la CPI, qui définit l’apartheid comme un « régime institutionnalisé d’oppression systématique et de domination d’un groupe racial sur tout autre ».

L’organisation souligne les crimes commis par Israël qui tombent sous cette définition, notamment : le transfert forcé de Palestiniens ; la destruction par Israël de maisons et de terres possédées par des Palestiniens ; l’emprisonnement de milliers de Palestiniens « sans inculpation ni procès » ; et le meurtre et les blessures infligées à des milliers de civils palestiniens, souvent dans des circonstances « qui suggèrent que ces meurtres étaient systématiques ».

Ce rapport survient dans un contexte de campagnes visant à chasser les résidents palestiniens à travers les territoires occupés afin de faire de la place pour les colons israéliens.

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Le mois dernier, des colons israéliens se sont emparés d’un terrain et les forces israéliennes ont démoli la maison de la famille Salhiya dans le quartier de Sheikh Jarrah à Jérusalem-Est occupée, devenu une poudrière l’année dernière à cause de la campagne visant à déplacer les familles palestiniennes.

La violence des colons s’est accrue ces derniers mois, l’ONU a recensé 370 attaques de colons ayant abouti à des dommages aux biens en 2021, sans compter 126 agressions ayant fait des victimes.

De nouvelles pressions se sont exercées sur Israël après la mort d’un octogénaire américano-palestinien peu après avoir été placé en garde à vue par Israël.

Une autopsie a révélé qu’il avait des hématomes à la tête résultant d’un traumatisme crânien et qu’il présentait une hémorragie au niveau des paupières à cause du bandeau étroitement serré sur ses yeux.

« Amnesty International n’a pas connaissance du moindre cas dans lequel un soldat de l’armée israélienne ou un membre de toute autre force de sécurité a été condamné pour avoir volontairement provoqué la mort d’un Palestinien dans les [territoires palestiniens occupés] depuis 1987 », indique le rapport.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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