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Des pays arabes s’opposent au plan de normalisation de l’Arabie saoudite avec la Syrie

Au moins cinq membres de la Ligue arabe – dont le Maroc, le Koweït, le Qatar et le Yémen – ont refusé de réadmettre la Syrie dans cette instance, rapporte le Wall Street Journal
Le prince héritier Mohammed ben Salmane d’Arabie saoudite au sommet du G20, le 15 novembre 2022, à Nusa Dua, à Bali en Indonésie (AP)
Le prince héritier Mohammed ben Salmane d’Arabie saoudite au sommet du G20, le 15 novembre 2022, à Nusa Dua, à Bali en Indonésie (AP)
Par MEE

Les plans de l’Arabie saoudite visant à faire sortir le président syrien Bachar al-Assad de son isolement avant un sommet de la Ligue arabe que le royaume accueillera en mai ne sont pas du goût de tous les États arabes.

Au moins cinq membres de la Ligue arabe – dont le Maroc, le Koweït, le Qatar et le Yémen – ont refusé de réadmettre la Syrie dans l’instance panarabe, a rapporté mercredi 12 avril le Wall Street Journal, citant des responsables arabes.

Middle East Eye a contacté les ambassades du Maroc, du Koweït, du Qatar et du Yémen aux États-Unis pour commenter ce rapport.

Même l’Égypte, traditionnellement l’un des partenaires les plus proches de l’Arabie saoudite, a exprimé des réserves malgré la réunion récente de hauts diplomates syriens et égyptiens au Caire

Même l’Égypte, traditionnellement l’un des partenaires les plus proches de l’Arabie saoudite, a exprimé des réserves malgré la réunion récente de hauts diplomates syriens et égyptiens au Caire, selon le rapport.

L’information du Wall Street Journal fait suite à un article de MEE selon lequel l’Égypte progresse en privé plus lentement vers la réconciliation avec la Syrie que ce que certains de ses discours publics ne suggèrent.

Un haut responsable du renseignement arabe a précédemment déclaré à MEE que Le Caire hésitait à ramener Damas dans le giron arabe par crainte de sanctions américaines.

« L’Égypte est préoccupée par la position des États-Unis sur Assad. Ils ne bougent pas si vite », a déclaré le responsable à MEE sous couvert d’anonymat.

L’Égypte, par exemple, a été réticente à accepter un accord pour fournir du gaz au Liban via la Syrie en raison des sanctions américaines.

Mandataires iraniens

La Syrie s’est lancée dans une campagne diplomatique à la suite des deux tremblements de terre meurtriers de février. En plus d’un rythme régulier de visites dans les capitales régionales par le ministre des Affaires étrangères du pays, Assad s’est rendu à Oman et aux Émirats arabes unis, mais Damas semble avoir reçu peu de gains tangibles.

Les États-Unis ont assoupli certaines sanctions contre la Syrie pendant 180 jours pour des transactions liées aux efforts de secours après le tremblement de terre, mais le pays n’a pas été en mesure de faire appel à ses voisins riches en énergie et aux investisseurs régionaux pour commencer à financer la reconstruction, qui, selon les estimations de l’ONU, coûtera environ 250 milliards de dollars.

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Pour leur part, les résistants au retour de Damas dans la Ligue arabe sont frustrés qu’Assad n’ait pas bougé sur sa position. Ils veulent le voir s’engager de manière significative avec l’opposition politique syrienne avant que la Syrie ne soit réadmise, selon le Wall Street Journal.

Certains États ont réitéré leurs demandes pour que la Syrie accepte les troupes arabes pour protéger les réfugiés de retour, lutter contre son trafic de drogue florissant et faire plus pour restreindre l’influence de l’Iran dans le pays, a rapporté le même journal.

Mais les analystes et les responsables ont soulevé des questions quant à savoir si Assad pourrait adopter ces politiques, même s’il le voulait.

Bien que ce dernier ait réussi à récupérer la majeure partie du territoire syrien, ses propres troupes sont épuisées et il s’appuie sur des mandataires iraniens.

Le trafic de Captagon, une amphétamine qui crée une dépendance, vers les États plus riches du Golfe est devenu le commerce le plus précieux du pays déchiré par la guerre et une source clé de revenus pour le gouvernement de Damas.

Maher al-Assad, le frère du président syrien qui dirige la tristement célèbre Quatrième division de l’armée arabe syrienne, contrôlerait un vaste réseau commercial de Captagon, tout comme d’autres membres de la famille Assad, selon des enquêtes menées par des organes d’information, dont le New York Times.

Le pari de l’Arabie saoudite

L’article du Wall Street Journal souligne les obstacles potentiels auxquels le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane est confronté alors qu’il cherche à remanier la carte géopolitique de la région, la Syrie devenant la dernière pièce d’échecs du jeu de politique étrangère indépendante de Riyad.

En mars, l’Arabie saoudite a accepté de rétablir ses liens avec l’Iran, l’un des principaux soutiens d’Assad, dans le cadre d’un accord négocié par la Chine.

Quelques semaines plus tard, le royaume a rassemblé les autres États de l’OPEP pour qu’ils procèdent à des réductions « volontaires » de leur production de pétrole, ce qui pourrait retirer un million de barils de brut par jour du marché mondial.

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Les Émirats arabes unis avaient initialement mené des efforts pour relancer les liens avec Damas. L’Arabie saoudite pourrait estimer qu’il est plus difficile de parvenir à un consensus sur la Syrie parmi les États arabes que d’organiser des coupes pétrolières.

Chaque pays a des demandes distinctes. Selon le Wall Street Journal, le Maroc veut voir Assad mettre fin à son soutien au Front Polisario, un mouvement qui se bat contre Rabat pour un Sahara occidental indépendant.

Même le gouvernement yéménite internationalement reconnu, basé à Riyad, a repoussé ses alliés saoudiens, citant le soutien de la Syrie aux rebelles houthis, a déclaré le Wall Street Journal.

L’Arabie saoudite négocie une trêve avec les Houthis alignés sur l’Iran. Cette semaine, l’ambassadeur saoudien Mohammed al-Jaber s’est rendu à Sanaa, la capitale du Yémen tenue par les Houthis, dans le cadre d’une visite historique pour négocier une « solution politique globale » entre les Houthis et le gouvernement renversé.

Bien que l’Arabie saoudite et le Qatar aient fait des progrès pour rétablir leurs liens depuis leur rupture, Doha a publiquement exclu la normalisation avec Damas.

L’article a été publié lors d’une visite du ministre syrien des Affaires étrangères dans la ville portuaire saoudienne de Djeddah pour y rencontrer son homologue saoudien.

Le ministère saoudien des Affaires étrangères a déclaré que les deux hommes discuteraient « des efforts pour parvenir à une solution politique à la crise syrienne qui préserve l’unité, la sécurité et la stabilité de la Syrie ».

Vendredi, le royaume du Golfe devrait accueillir une réunion des ministres régionaux des Affaires étrangères pour discuter du retour de Damas au sein de la Ligue arabe. La Syrie peut revenir dans le groupe avec le soutien d’une majorité simple mais a besoin d’un consensus pour qu’il soit contraignant pour tous les membres.

Traduit de l’anglais (original).

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