Héritage de Barack Obama au Moyen-Orient : six choses à retenir de ses mémoires
L’ancien président américain Barack Obama a publié le premier tome de ses mémoires présidentielles, qui racontent le début de sa vie politique : sa première campagne pour le Congrès puis pour la présidence, et ses premières années tumultueuses à la Maison-Blanche.
Le Moyen-Orient en particulier a énormément changé pendant la présidence d’Obama : soulèvements du Printemps arabe en 2011, escalade du conflit en Syrie, en Libye et au Yémen et essor du groupe État islamique.
Middle East Eye a parcouru Une Terre promise à la recherche de nouveaux détails intéressants en rapport avec le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.
« Campagne de chuchotements » de personnalités pro-israéliennes
En campagne pour décrocher la nomination démocrate à la présidentielle en 2007-2008, Obama s’est retrouvé visé par des lobbyistes qui estimaient qu’il ne soutenait pas suffisamment Israël.
« J’ai été la cible de certains d’entre eux pendant ma campagne présidentielle, car des sympathisants juifs avaient signalé qu’ils devaient démentir des allégations dans leurs synagogues et dans des chaînes d’e-mails selon lesquelles je ne soutenais pas assez Israël – voire que j’étais hostile à son endroit », écrit-il.
« Ils ont imputé ces campagnes de chuchotements non pas à une quelconque position particulière de ma part [mon soutien à une solution à deux États et mon opposition aux colonies israéliennes étaient identiques aux positions des autres candidats] mais plutôt aux craintes que j’avais exprimées pour les Palestiniens lambda ; mon amitié avec certains détracteurs de la politique israélienne, notamment Rachid Khalidi, un activiste et universitaire du Moyen-Orient ; et le fait que, comme l’a formulé sans ambages Ben [Rhodes], ‘’tu es un Noir avec un nom musulman qui a vécu dans le même quartier que Louis Farrakhan et a fréquenté l’église de Jeremiah Wright’’. »
Il ajoute que l’influence de l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) était telle que ceux « qui critiquaient trop vivement la politique israélienne risquaient d’être étiquetés comme ‘’anti-Israël’’ [voire antisémites] et confrontés à un opposant bien financé à l’élection suivante. »
Biden s’est opposé à l’opération visant à tuer Oussama ben Laden
Joe Biden, alors vice-président de Barack Obama et aujourd’hui président élu des États-Unis, s’est opposé à l’opération au Pakistan en 2011 qui a tué le dirigeant d’al-Qaïda Oussama ben Laden.
Il écrit que Biden « est intervenu contre ce raid, faisant valoir que, étant donné les conséquences colossales d’un échec, je devrais reporter toute décision jusqu’à ce que la communauté du renseignement soit plus certaine de la présence de ben Laden dans le complexe ».
Biden avait formulé une critique similaire plus tôt lors de la campagne d’Obama à la primaire démocrate, lorsque ce dernier a assuré que s’il localisait Ben Laden sur le territoire pakistanais et que le gouvernement pakistanais était « réticent ou incapable de le capturer ou de le tuer », alors il « tenterait le coup ».
« Ma déclaration a mis les deux camps à Washington dans tous leurs états, Joe Biden, président de la commission des Affaires étrangères au Sénat, et le candidat républicain à la présidentielle John McCain étaient tous deux d’avis que je n’étais pas prêt à être président », écrit-il.
La relation avec l’Arabie saoudite a pris le pas sur la défense du mouvement démocratique à Bahreïn
À propos du soulèvement du Printemps arabe à Bahreïn, alors qu’un grand mouvement pro-démocratie réclamait des réformes dans ce petit royaume du Golfe, Obama écrit que le risque de nuire aux relations avec l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis ou Bahreïn était trop important pour adopter une position ferme contre l’intervention militaire saoudienne.
Il fait valoir que la relation étroite avec le gouvernement de Bahreïn permettait aux États-Unis de « faire secrètement pression » en faveur de réformes.
« Toutefois, l’establishment au pouvoir à Bahreïn considérait les manifestants comme des ennemis influencés par les Iraniens qui devaient être maîtrisés », écrit-il.
« De concert avec les Saoudiens et les Émiratis, le régime de Bahreïn allait nous forcer à faire un choix, et tous étions conscients que, le moment venu, nous ne pouvions nous permettre de mettre en péril notre position stratégique au Moyen-Orient en rompant nos relations avec trois pays du Golfe. »
L’avertissement de Mohammed ben Zayed concernant le Printemps arabe
Lors d’une rencontre avec le prince héritier d’Abou Dabi Mohammed ben Zayed, Obama a été « mis en garde » contre un soutien trop prononcé aux mouvements pro-démocratie du Printemps arabe à travers la région à la suite d’un communiqué appelant le président égyptien Hosni Moubarak à démissionner devant les manifestations.
« ‘’Ce message public n’affecte pas Moubarak, voyez-vous, mais cela affecte la région’’, m’a déclaré MBZ. Il a suggéré que, si l’Égypte s’effondrait et que les Frères musulmans prenaient le pouvoir, il y aurait huit autres dirigeants arabes qui allaient tomber, raison pour laquelle il critiquait mon communiqué. »
« ‘’Cela montre’’, disait-il, ‘’que les États-Unis ne sont pas un partenaire sur lequel nous pouvons compter à long terme’’. »
« Sa voix était calme et froide. J’ai réalisé qu’il s’agissait moins d’un appel à l’aide que d’un avertissement. Qu’importe ce qui arrivait à Moubarak, l’ordre ancien n’avait aucune intention de céder le pouvoir sans se battre. »
Les craintes de « guerre civile » ont mené à l’action en Libye
Obama décrit ses discussions avec ses principaux conseillers concernant la façon de réagir aux menaces du président libyen Mouammar Kadhafi d’écraser les forces d’opposition dans la ville de Benghazi.
« ‘’Très bien’’, ai-je dit. ‘’Je ne suis pas encore prêt à prendre une décision. Cependant, d’après ce que j’entends, voilà ce que nous n’allons pas faire – nous n’allons pas participer une zone d’exclusion aérienne bâclées qui ne remplira pas notre objectif.’’ »
« J’ai dit à mon équipe que nous y reviendrions quelques heures plus tard, moment où j’espérais entendre de véritables options pour une intervention efficace, notamment une analyse des coûts, des ressources humaines et des risques. »
« ‘’Soit nous faisons ça bien’’, ai-je dit, ‘’ou alors nous arrêtons de prétendre que nous sommes sérieux à propos de sauver Benghazi, dans l’unique but de nous sentir mieux’’. »
Concernant cette décision de lancer des frappes aériennes contre Kadhafi, il explique qu’il craignait qu’en cas de siège de Benghazi par le dirigeant, « au mieux un conflit prolongé s’en suivrait, peut-être même une guerre civile totale. »
« Au pire des dizaines de milliers de personnes ou plus auraient été affamées, torturées ou abattues d’une balle dans la tête. Et à l’époque, du moins, j’étais peut-être la seule personne au monde qui pouvait empêcher ça », écrit-il.
Les douze épouses du défunt roi Abdallah
Pendant un dîner à Riyad, Obama et le monarque d’Arabie saoudite, le roi Abdallah, décédé en 2015, ont discuté des problèmes de la polygamie.
« Le roi m’a interrogé sur ma famille et je lui ai parlé de la façon dont Michelle et les filles s’adaptaient à la vie à la Maison-Blanche. Il m’a expliqué qu’il avait douze épouses – selon des articles, ce nombre serait plus proche de la trentaine – ainsi que quarante enfants et des dizaines de petits-enfants et arrière-petits-enfants. »
« ‘’Sauf votre respect, Votre Majesté’’, lui ai-je demandé, ‘’comment vous en sortez-vous avec douze épouses ?’’ »
« ‘’Très mal’’, m’a-t-il répondu en secouant la tête avec lassitude. ‘’L’une d’elle est toujours jalouse des autres. C’est plus compliqué que la politique au Moyen-Orient’’. »
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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