Ekrem İmamoğlu remporte le deuxième scrutin municipal à Istanbul
Ekrem İmamoğlu a revendiqué la victoire à l’élection municipale d’Istanbul dimanche, des résultats non officiels publiés par l’agence de presse officielle turque Anadolu montrant qu’il aurait même augmenté sa marge de victoire sur son rival Binali Yıldırım.
« Ce n’est pas seulement un candidat, ni un parti, mais toute la Turquie qui a remporté les élections », a affirmé İmamoğlu, qui appartient au principal parti d’opposition, le CHP, après que son adversaire du parti au pouvoir, le Parti de la justice et du développement (AKP), a reconnu sa défaite.
« Vous ne pouvez pas cacher la réalité en l’enterrant », a-t-il déclaré, évoquant manifestement les élections municipales de mars dont le Conseil électoral supérieur turc a ordonné l’annulation en raison d’irrégularités évoquées dans les plaintes de l’AKP.
İmamoğlu avait gagné en mars de seulement 13 000 voix, soit moins de 0,1 %, dans une ville de plus de 10 millions d’électeurs.
Toutefois, avec 99,4 % des votes comptabilisés, Anadolu a annoncé qu’İmamoğlu était en tête avec 54,03 %, tandis que Yıldırım était à 45,09 %.
« Les démarches [d'Erdoğan] pour renforcer son pouvoir, telles que la transformation de la Turquie en une présidence exécutive, son alliance avec le MHP nationaliste turc et la nouvelle élection à Istanbul, se sont toutes retournées contre lui »
- Galip Dalay, chercheur invité à l’Université d’Oxford
İmamoğlu avait une avance d’environ huit points de pourcentage, soit 700 000 voix, et a battu un record de plus de 35 ans.
İmamoğlu a déclaré que le résultat « ouvrirait une page mutuelle » à Istanbul et s’est engagé à gouverner la ville avec « justice et amour au lieu de l’arrogance et de l’aliénation ».
Il a également déclaré que les électeurs avaient confirmé la tradition de démocratie de la Turquie : « Vous avez donné une leçon à ceux qui auraient tendance à assimiler la Turquie à des pays proches de nous. »
İmamoğlu a terminé son discours en citant le slogan de sa campagne victorieuse : « Tout sera beau ».
Yıldırım, proche allié du président turc Recep Tayyip Erdoğan et ancien Premier ministre, a reconnu sa défaite dans une déclaration en direct.
« Je félicite mon adversaire. Il est en tête », a-t-il déclaré.
Le député de l’AKP Bülent Turan n’a pas été aussi généreux, indiquant que la direction du parti demanderait à certains membres de rendre des comptes pour cet échec : « Le moment est venu de demander des comptes et juger les personnes qui ont attristé notre dirigeant et ses partisans à Istanbul. »
Plus tard, Erdoğan a tweeté : « Je félicite Ekrem İmamoğlu, qui a remporté les élections selon des résultats non officiels. La volonté nationale s’est à nouveau exprimée. J’espère que les résultats des élections seront positifs pour Istanbul. »
Traduction : « Le président turc a subi la plus grande défaite politique de sa carrière alors que son candidat à l’élection municipale d’Istanbul a concédé la défaite lors d’un nouveau scrutin. »
Galip Dalay, spécialiste de la Turquie et chercheur invité à l’Université d’Oxford, a déclaré que ces élections constituaient la plus grande défaite de la carrière politique d’Erdoğan.
« Il a perdu les conservateurs éduqués appartenant à la classe moyenne et aux cols blancs ainsi que les Kurdes », a-t-il indiqué à MEE. « Ses démarches pour renforcer son pouvoir, telles que la transformation de la Turquie en une présidence exécutive, son alliance avec le MHP nationaliste turc et la nouvelle élection à Istanbul, se sont toutes retournées contre lui. Son monopole sur le pouvoir dans les milieux conservateurs s’érode déjà. De nouveaux acteurs émergent.
« Il sera important de voir quelles sont les prochaines initiatives d’Erdoğan. S’il est réellement capable de changer de politique pour améliorer ses relations avec les citoyens de la classe moyenne et les électeurs kurdes, il pourrait conserver sa position. Il est toujours un acteur sur qui compter, même ébranlé », a ajouté Dalay.
Démocratie turque
« Si l’AKP avait accepté le résultat le 31 mars, il n’aurait perdu Istanbul qu’avec une petite marge. Avec la défaite d’aujourd’hui, il a perdu beaucoup plus », a pour sa part commenté Özgür Ünlühisarcıklı, directeur turc du think tank allemand Marshal Fund.
« Si l’AKP avait accepté le résultat le 31 mars, il n’aurait perdu Istanbul qu’avec une petite marge. Avec la défaite d’aujourd’hui, il a perdu beaucoup plus »
- Özgür Ünlühisarcıklı, directeur du Marshal Fund
« Les élections en Turquie sont certes injustes, mais elles sont concurrentielles et l’opposition a de réelles chances de gagner. La démocratie turque est sonnée mais pas K.O. », a-t-il ajouté.
Istanbul, capitale économique et culturelle de la Turquie, est un bastion de l’AKP depuis l’émergence politique d’Erdoğan, lui-même ancien maire de la ville dans les années 1990.
Cette seconde défaite en quelques mois face à İmamoğlu constitue un autre revers majeur pour le parti au pouvoir, qui a également perdu le contrôle de la capitale, Ankara, et d’autres grandes villes, en mars.
Dans un message adressé à Erdoğan, İmamoğlu a déclaré qu’il souhaitait travailler avec le président « de manière synchronisée » et a cité les transports, les réfugiés et la préparation aux tremblements de terre comme des sujets importants.
« J’aimerais vous rendre visite et discuter de notre feuille de route pour la ville », a-t-il déclaré.
Les prochaines élections à l’échelle nationale en Turquie auront lieu en 2023.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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