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Les échanges entre Israël et l’Iran dégénèrent à nouveau alors que la menace du coronavirus s’éloigne

Retour à la normale entre les deux ennemis alors que la présence iranienne, sous pression dans l’ouest de la Syrie, se retrouve considérablement réduite
Un avion de chasse israélien F-15 tire des fusées antimissiles lors d’un spectacle aérien pendant la cérémonie de remise des diplômes des pilotes de l’armée de l’air israélienne, sur la base de Hatzerim, dans le désert du Néguev (AFP)

Après le choc provoqué par le coronavirus, qui a effrayé les dirigeants israéliens et iraniens et les a poussés à parvenir à un accord tacite réduisant le niveau et l’intensité des violences, les relations entre les pays sont revenues à la normale.

Ces derniers jours ont vu reprendre la routine d’affrontements directs et indirects bien établie entre Israël et l’Iran.

Au cours des deux dernières semaines, l’armée de l’air israélienne a repris ses frappes aériennes contre des cibles iraniennes en Syrie.

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Alors qu’Israël garde son silence habituel, les responsables syriens, ses médias et les groupes d’opposition ont rapporté qu’au moins six attaques avaient été enregistrées.

La plus intéressante a été menée contre un complexe iranien, situé à Sfireh, une installation du Centre d’études et de recherche scientifique (CERS).

Les agences de renseignement israéliennes, américaines, britanniques, allemandes et françaises ont toutes déclaré que le CERS était responsable de la recherche et du développement de la technologie et des armes nucléaires, biologiques, chimiques et de missiles, y compris les missiles balistiques et les armes conventionnelles avancées.

Après la destruction par l’armée de l’air israélienne d’un réacteur nucléaire syrien secret en septembre 2007, et depuis que le gouvernement de Bachar al-Assad a été contraint en 2013 par les États-Unis et la communauté internationale de démanteler son arsenal chimique, les laboratoires du CERS et ses centres de production sont aujourd’hui principalement consacrés aux missiles et autres armes conventionnelles de pointe.

Les installations du CERS à Sfireh, Damas, Homs, Hama et Palmyre ont été attaquées et réévaluées à de nombreuses reprises depuis le début de la guerre civile en 2011.

Elles ont été frappées non seulement par l’aviation israélienne, mais aussi par les aviations américaine, britannique et française qui font partie de la coalition internationale.

Il est entendu que la dernière attaque de l’aviation israélienne contre Sfireh ciblait les efforts iraniens visant à améliorer les composants de missiles de la République islamique, à améliorer leur précision et à transférer le savoir-faire et la technologie au Hezbollah au Liban.

Image de l’installation du CERS frappée par Israël en Syrie (ImageSat International)

L’Iran s’est récemment retrouvé à la croisée des chemins.

Une combinaison de plusieurs facteurs a affaibli et ralenti les principaux objectifs stratégiques de l’Iran : s’imposer comme un allié fort et fiable de la Syrie, déployer ses missiles et la milice chiite près de la frontière israélienne, créer un corridor terrestre via l’Irak et la Syrie jusqu’au Hezbollah sur la côte méditerranéenne libanaise.

L’Iran a été considérablement affaibli par la pandémie de coronavirus, qui a tué plus que les 7 000 personnes officiellement recensées.

Pendant ce temps, l’économie de la République islamique, qui souffre déjà des lourdes sanctions américaines, a été frappée par la forte baisse du cours du pétrole, principale source de revenus de l’Iran.

Diminué, mais pas sur la touche

Sur le plan militaire, des renseignements israéliens précis ont permis à l’aviation israélienne de détruire la plupart des chaînes iraniennes d’assemblage de missiles et des composants de précision stockés en Syrie, et l’assassinat par les États-Unis du général Qassem Soleimani a porté un coup sévère au prestige et au leadership militaire de l’Iran.

Sur le terrain, le partenariat de l’Iran avec la Russie en Syrie s’avère compliqué. La Russie, qui aspire à consolider son emprise économique sur l’économie syrienne, continue de jouer un double jeu.

Elle coopère avec le gouvernement Assad et l’Iran contre l’implication militaire turque, mais en même temps permet à l’aviation israélienne de frapper des cibles iraniennes sans même condamner officiellement ces frappes.

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Le résultat de tous ces développements et de toutes ces mesures est très visible.

L’Iran a réduit la présence de sa force al-Qods, des milices chiites et du Hezbollah sur le sol syrien, passant d’un pic de 25 000 personnes à quelques milliers.

Sous la pression militaire israélienne, l’Iran déplace ses bases et ses entrepôts des régions de Damas, Homs et Hama en direction de l’est vers le désert syrien, près de la frontière avec l’Irak, espérant tenir son arsenal militaire hors de la portée israélienne.

Des sources de renseignement israéliennes et américaines ont fait savoir que Téhéran revoyait et peaufinait sa stratégie. L’Iran n’est toutefois pas inactif. Le mois dernier, il a lancé avec succès son premier satellite militaire, une réalisation technologique impressionnante.

Des hackers iraniens, un mot clé pour ses renseignements, ont lancé il y a deux semaines une cyberattaque inhabituelle contre les installations d’eau civiles israéliennes via des serveurs américains.

L’attaque n’a pas causé beaucoup de dégâts mais les responsables israéliens la prennent très au sérieux.

La visite surprise d’une journée, mercredi 13 mai, du secrétaire d’État américain Mike Pompeo en Israël, et ses rencontres avec le Premier ministre Benyamin Netanyahou et le chef du Mossad Yossi Cohen, avaient pour objectif d’aborder la cyberattaque iranienne et ses ramifications.

Des sources israéliennes et américaines ont déclaré à Middle East Eye que malgré les difficultés auxquelles l’Iran est confronté, son objectif stratégique reste le même

On s’attend maintenant à ce qu’Israël, qui, avec les États-Unis, s’est servi de la cyberguerre contre les installations nucléaires iraniennes à plusieurs reprises, se venge bientôt.

Pourtant, des sources israéliennes et américaines ont déclaré à Middle East Eye que malgré les difficultés auxquelles l’Iran est confronté sur les fronts national, régional et international, son objectif stratégique reste le même.

Connu pour sa planification à long terme et sa patience, l’Iran n’a pas l’intention d’abandonner ses aspirations militaires et diplomatiques à devenir une puissance régionale.

Il est prématuré de le reléguer sur le banc de touche. Il est plus probable que les échanges de coups entre Israël et l’Iran en Syrie et au Liban se poursuivront. D’autres viendront.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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