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Israël-Palestine : comment les réseaux sociaux ont été utilisés et manipulés

Les géants de la tech sont accusés d’avoir censuré des contenus palestiniens, de ne pas avoir étouffé la désinformation et d’avoir permis des incitations à la violence
Les réseaux sociaux ont été accusés de censure, de désinformation et de manipulation lors des récentes violences en Israël et Palestine (MEE/illustration de Mohamad Elaasar)
Les réseaux sociaux ont été accusés de censure, de désinformation et de manipulation lors des récentes violences en Israël et Palestine (MEE/illustration de Mohamad Elaasar)

Lors de la récente recrudescence des violences en Israël et dans les territoires palestiniens occupés, les réseaux sociaux se sont avérés une épée à double tranchant.

Un cessez-le-feu est entré en vigueur ce vendredi à 2 h, mais pas avant une escalade dévastatrice au cours de laquelle les frappes aériennes israéliennes sur Gaza ont tué au moins 248 Palestiniens, dont 66 enfants, et les roquettes tirées depuis l’enclave palestinienne assiégée ont fait 12 morts en Israël.

Au cours des deux dernières semaines, la sphère numérique s’est retrouvée au centre de l’attention. Elle a offert un espace pour documenter directement et sans filtre les réalités sur le terrain, un moyen de faire circuler l’information sous différentes formes et formats, ainsi qu’une plateforme permettant d’amplifier les messages et gestes de solidarité. 

Cependant, s’il y a de bons usages, on a également constaté des abus.

Les géants de la tech sont accusés d’avoir censuré des contenus palestiniens, de ne pas avoir étouffé la désinformation et d’avoir permis des incitations à la violence. Les plateformes ont également été manipulées et utilisées comme vecteur de propagande étatique.

Middle East Eye revient sur cinq façons dont les plateformes de communication numérique ont été exploitées alors que les tensions montaient en Israël, à Gaza, en Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est occupée

1. Censure des Palestiniens 

La violence et la brutalité des derniers jours se sont accompagnées d’exemples répétés de restrictions et de suppressions de contenus sur les réseaux sociaux.

Tout a commencé avec la campagne de résistance contre l’expulsion imminente de six familles dans le quartier de Sheikh Jarrah à Jérusalem-Est occupée – catalyseur de la répression des manifestants par les forces israéliennes – qui s’est retrouvée au cœur des accusations de censure. 

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Middle East Eye a rapporté le 7 mai que des inquiétudes avaient été soulevées à propos de contenus supprimés et de suspensions de compte sur les réseaux sociaux en lien avec le quartier. 

Mona al-Kurd, journaliste et habitante de Sheikh Jarrah menacée d’être chassée de sa maison de famille, a vu son compte Instagram suspendu temporairement alors qu’elle documentait les abus quotidiens. Son frère Mohammed al-Kurd a également vu son contenu supprimé au motif de « discours de haine », alors même qu’il affirme s’être contenté de filmer les violences policières sans autre commentaire. 

Les habitants de Sheikh Jarrah se sont plaints que leurs stories sur Instagram suscitaient moins d’engagement et moins de vues pour des raisons inexpliquées. Pendant ce temps, sur Facebook – société-mère d’Instagram –, le groupe « Save Sheikh Jarrah » comptant plus de 130 000 membres, a été temporairement désactivé parce qu’il allait « à l’encontre des standards de la communauté ».

Des questions se sont également posées concernant Twitter, lorsque le compte de la journaliste palestinienne Mariam Barghouti a été suspendu alors qu’elle couvrait une manifestation de solidarité avec Sheikh Jarrah en Cisjordanie occupée. Twitter a plus tard affirmé à VICE que la décision avait été prise par accident – tout en omettant de préciser quelle disposition de ses conditions Barghouti avait été suspectée d’enfreindre. 

« Les restrictions et la censure ont un grand impact sur la capacité des gens à communiquer, à se structurer et à partager des informations », a déclaré à MEE Marwa Fatafta, gestionnaire des politiques pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Access Now, ONG de défense des droits numériques.

« Lorsque vous ne pouvez pas accéder à votre compte ou que votre contenu est supprimé, cela porte clairement atteinte à votre capacité à exercer votre droit à la liberté d’expression sur internet. » 

Un dessin d’un artiste palestinien vivant à Gaza sur les allégations de censure des réseaux sociaux sur fond de bombardement israélien (document fourni/Marwa Alhelo)
Un dessin d’un artiste palestinien vivant à Gaza sur les allégations de censure des réseaux sociaux sur fond de bombardement israélien (document fourni/Marwa Alhelo)

Ces restrictions ne concernaient pas uniquement l’activisme autour de Sheikh Jarrah. Lorsque la police israélienne a fait irruption à la mosquée al-Aqsa pour réprimer brutalement les fidèles priant lors des derniers jours du Ramadan, des allégations de censure ont émergé. 

Sur Instagram, le hashtag « al-Aqsa » a été temporairement caché en raison de signalements selon lesquelles certains contenus étaient « susceptibles de ne pas satisfaire les règles de la communauté d’Instagram », d’après une notification reçue par les utilisateurs. 

Facebook, qui détient Instagram, a mis les suppressions de contenu sur le compte d’un « problème technique à l’échelle mondiale qui n’était pas lié à un sujet particulier ».

Cependant, il apparaît que les hashtags ont été bloqués car le système de modération de contenu de la plateforme avait associé par erreur al-Aqsa (troisième site le plus sacré de l’islam) avec une organisation terroriste, selon des documents de communication interne consultés par BuzzFeed.  

Des Palestiniens courent se mettre à l’abri après des tirs de gaz lacrymogènes dans le complexe de la mosquée al-Aqsa par la police israélienne, le 10 mai 2021 (AFP/Ahmed Gharabli) 
Des Palestiniens courent se mettre à l’abri après des tirs de gaz lacrymogènes dans le complexe de la mosquée al-Aqsa par la police israélienne, le 10 mai 2021 (AFP/Ahmed Gharabli) 

De nombreuses organisations estiment que toute censure de la part des géants des réseaux sociaux pourrait s’apparenter à la destruction de preuves dans la documentation de crimes de guerre, ce que surveille actuellement la Cour pénale internationale en lien avec les récentes violences.  

Outre le « bug », un autre motif possible au retrait de certains contenus serait l’utilisation du terme « sioniste ».  

Selon un article de The Intercept, la politique de Facebook consistant à supprimer tout contenu qui utilise le terme « sioniste » comme synonyme de « juif » ou de « judaïsme » s’est révélée difficile à mettre en œuvre. Les directives laissent « peu de place à la critique du sionisme », selon un des modérateurs de la plateforme. 

« Cela vient confirmer que la discrimination numérique à laquelle sont exposés les Palestiniens dans l’espace numérique n’est pas un bug technique. Il s’agit au contraire des conséquences d’efforts systématiques des autorités israéliennes pour faire taire les activistes […] »

- Mona Shtya, 7amleh

En dépit des inquiétudes de la part des activistes palestiniens, ce sont les responsables du gouvernement israélien qui ont rencontré la semaine dernière les cadres de Facebook et TikTok. Le ministre de la Justice Benny Gantz a exhorté les réseaux sociaux à supprimer le contenu violent et à réagir rapidement aux appels du cyber bureau d’Israël.  

La cyber-unité israélienne, qui opère au sein du ministère de la Justice, surveille systématiquement le contenu palestinien et le signale aux géants de la tech. Selon un rapport publié par l’organisation de défense des droits numériques palestiniens 7amleh, Facebook accède à 81 % des requêtes de suppression de contenus de cette cyber-unité.  

« Cela vient confirmer que la discrimination numérique à laquelle sont exposés les Palestiniens dans l’espace numérique n’est pas un bug technique », a déclaré Mona Shtya de 7amleh à MEE. « Il s’agit au contraire des conséquences d’efforts systématiques des autorités israéliennes pour faire taire les activistes pour les droits de l’homme et pour influencer les politiques des entreprises de la tech en matière de modération de contenu ».

Une coalition d’organisations pour les droits numériques a appelé Twitter et Facebook à fournir des données détaillées concernant les requêtes soumises par la cyber-unité israélienne et à être transparents sur leur processus de décision relatif au retrait de contenu. 

En outre, une organisation palestinienne de protection des données, deux agences de presse et un traducteur ont déposé plainte contre Facebook, l’accusant de censurer leurs publications et, dans certains cas, de fermer leur compte en violation des politiques mêmes de l’entreprise.

Le document de quatorze pages, envoyé au rapporteur spécial de l’ONU chargé de la promotion et de la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression – et consulté par Middle East Eye – donne à la société 21 jours pour s’expliquer. Dans le cas contraire, des poursuites seront engagées. 

2. Désinformation et fake news 

À travers le monde, des millions de personnes comptent sur les réseaux sociaux pour s’informer sur les violences en Israël et Palestine. Cependant tout le contenu, y compris officiel, n’est pas exact. 

La désinformation concernant ce qui se passe à Gaza se retrouve au plus haut sommet de l’État : le porte-parole arabophone officiel du Premier ministre israélien, Ofir Gendelman, a ainsi partagé une vidéo qui montrait selon lui que le Hamas tirait des roquettes sur Israël. Ces images dataient en fait de 2018 et montraient des missiles tirés dans le gouvernorat de Deraa en Syrie.  

Ce tweet avait été initialement étiqueté comme un « média manipulé » par Twitter, avant sa suppression par Gendelman. 

Le compte Twitter officiel de l’armée israélienne a également fait circuler de fausses informations. Le compte @IDF (Israel Defense Forces) a partagé une vidéo supposée montrer le Hamas en train de dissimuler des lanceurs de missiles dans des quartiers civils. Cependant, les images montrent en fait une arme factice utilisée par Israël lors d’un exercice d’entraînement au nord-ouest du pays.  

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Cette vidéo a été retweetée par le compte Twitter vérifié « Stop Antisemites », qui s’est plus tard excusé pour l’erreur. Dans ses excuses, il a insisté de manière provocante à étiqueter les images comme venant d’un « quartier à majorité musulmane », ce qui ressemble à une tentative claire de relier une arme israélienne aux Palestiniens. 

« La désinformation et les fake news font partie intégrante de la propagande des autorités israéliennes », déclare Mona Shtya. « Ce type d’information affecte la conscience des gens et les mouvements politiques palestiniens. » 

Selon 7amleh, 54 % des participants à un sondage publié dans son rapport « Fake news en Palestine » ont désigné les autorités israéliennes comme la principale source de fausses informations. Le rapport conclut également que les fake news augmentent de 58 % lors des attaques israéliennes contre des Palestiniens.  

Parmi les autres exemples de désinformation circulant sur internet figurent les fausses informations selon lesquelles des Palestiniens ont organisé de fausses funérailles à Gaza afin de s’attirer la compassion de la communauté internationale. 

Cette fausse vidéo, publiée par le conseiller du ministère des Affaires étrangères israélien Dan Poraz, montre un groupe d’adolescents supposément en train de porter un « corps ». Des sirènes retentissent soudainement et les adolescents – y compris le « corps » – se dispersent et fuient. Ces images ont en réalité été tournées l’année dernière en Jordanie par un groupe de jeunes tentant d’échapper aux restrictions liées au COVID-19 en prétendant organiser des funérailles.  

Poraz a partagé cette vidéo avec le hashtag « Pallywood » (combinaison des mots Hollywood et Palestine), un concept très pernicieux défendu par la droite pro-israélienne visant de manière cynique à accuser les Palestiniens de dramatiser leurs souffrances pour s’attirer les faveurs de la communauté internationale. 

Un Palestinien passe à côté du bâtiment Al-Shuruq détruit à Gaza, le 20 mai 2021 (AFP/Mahmud Hams)
Un Palestinien passe à côté du bâtiment Al-Shuruq détruit à Gaza, le 20 mai 2021 (AFP/Mahmud Hams)

Autre exemple d’internautes colportant des fake news pour associer les Gazaouis au « Pallywood » : le partage d’une vidéo censée montrer des Palestiniens en train de dessiner de fausses blessures provoquées par des attaques israéliennes à l’aide de maquillage. Ces images partagées la semaine dernière ont pu en fait être retracées jusqu’en 2018 et ont été tournées dans le cadre d’un reportage sur des artistes palestiniens du maquillage. 

Deux fake news pro-palestiniennes ont également émergé ces dernières semaines. 

Le New York Times a rapporté que des médias arabes avaient à tort associé des images montrant des juifs déchirant leur vêtement en signe de dévotion avec des allégations selon lesquelles ils simulaient des blessures à Jérusalem. Le Times a découvert que cette vidéo avait circulé plusieurs fois plus tôt cette année. 

Dans le même temps, une publication Facebook largement partagée et supposée montrer un journaliste pleurant en filmant des événements à l’extérieur d’al-Aqsa montrait en fait un photographe irakien lors d’un match de foot en 2019.  

3. Propagande israélienne 

Les comptes officiels d’Israël sur les réseaux sociaux, en particulier ceux associés à l’armée, ont été utilisés au cours des deux dernières semaines pour partager des messages de propagande hautement provocateurs, souvent incendiaires. 

Mercredi 12 mai, le compte Instagram de l’armée en hébreu a célébré la destruction d’un immeuble d’habitation à Gaza avec un mème avant-après.  

Le compte Twitter @IDF a également partagé à plusieurs reprises des images de bâtiments bombardés par l’armée israélienne à Gaza, notamment un bâtiment qui abritait des journalistes d’Al Jazeera, d’Associated Press et de Middle East Eye. Ces images sont presque toujours accompagnées d’affirmations selon lesquelles les bâtiments abritaient des activités de renseignement militaire du Hamas, sans qu’aucune preuve ne vienne les étayer. 

Le 13 mai, l’armée israélienne a annoncé sur Twitter que ses forces terrestres avaient commencé à procéder « à des attaques dans la bande de Gaza » dans le cadre d’une campagne plus large au cours de laquelle elle a informé les médias internationaux qu’une invasion terrestre était en cours. Toutefois, les médias israéliens ont rapporté par la suite que le tweet et les partages d’informations avaient comme objectif délibéré de faire croire aux combattants du Hamas qu’une invasion était en cours et de les exposer en plus grand nombre. 

En raison de ce recours à la tromperie sur les réseaux sociaux, nombreux sont ceux qui accusent l’armée israélienne de faire un mauvais usage de ses plateformes officielles et de « live-tweeter des crimes de guerre ». 

« Je trouve inacceptable que l’armée israélienne utilise les réseaux sociaux pour menacer les gens et diffuser de la désinformation alors qu’elle est activement engagée dans des actes relevant de crimes de guerre », déplore Marwa Fatafta.

Les activistes des droits numériques ont établi une comparaison entre le traitement des comptes officiels israéliens par les sociétés de réseaux sociaux et leur gestion des comptes palestiniens. 

« Cela témoigne de l’application discriminatoire des conditions d’utilisation des plateformes à leurs utilisateurs : elles censurent les activistes tout en permettant aux pages gérées par les États de les utiliser et d’en abuser pour servir leurs propres objectifs politiques et militaires. »

De nombreux observateurs ont également souligné les différences entre les comptes en hébreu et en anglais de l’armée israélienne. Sur le compte Instagram en hébreu de l’armée, les stories ont tendance à être agressives et militaristes et comprennent souvent des images de bâtiments bombardés à Gaza, avec l’heure et la localisation. Pendant ce temps, sur le compte anglophone, le contenu est souvent plus défensif et présente Israël comme une victime des récentes violences à l’aide d’infographies et de présentations colorées. 

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Dans un post publié sur son compte Instagram anglophone, l’armée israélienne a repris une méthode de partage d’information populaire auprès de la génération Y en créant une succession de vignettes et de bulles pour simplifier une série d’événements. La galerie indiquait – au mépris des faits établis – que le Hamas était seul responsable de tous les décès de civils survenus récemment en Israël et à Gaza. 

Dans le même temps, des officiers de l’armée israélienne ont exploité l’application chinoise de partage de vidéos TikTok en reprenant des chorégraphies en vogue pour attirer un public plus jeune. 

Plusieurs soldats ont notamment participé au « Jalebi Baby Challenge », dans lequel les utilisateurs indiquent leur choix préféré entre deux émojis. Presque à chaque fois, les soldats terminent la vidéo en choisissant un drapeau israélien plutôt qu’un drapeau palestinien. Sur une vidéo, des militaires israéliennes choisissent l’émoji excréments plutôt que le drapeau palestinien et font un doigt d’honneur à la Palestine. Dans un autre exemple ayant fait l’objet de moqueries, une militaire oppose par erreur Israël au drapeau du Soudan. 

Au-delà de l’armée, les messages de propagande sont également très présents sur d’autres comptes officiels israéliens. 

Mardi, le compte Twitter arabophone officiel d’Israël a suscité l’indignation en publiant des versets du Coran accompagnés d’une photo de Gaza sous les bombes. Ce post a été qualifié de « sadique et ignoble » par certains détracteurs.  

Le compte Twitter officiel d’Israël publie des versets coraniques semblant justifier le bombardement de la bande de Gaza assiégée (capture d’écran/Twitter)
Le compte Twitter officiel d’Israël publie des versets coraniques semblant justifier le bombardement de la bande de Gaza assiégée (capture d’écran/Twitter)

Dans le même temps, le compte anglophone a faussement accusé la mannequin d’origine palestinienne Bella Hadid de vouloir « jeter les juifs à la mer » lorsque cette dernière s’est jointe au chant pro-palestinien populaire « Du fleuve à la mer, la Palestine sera libre ».  

« Il n’est pas inédit que des gouvernements tentent de salir ceux qui s’expriment ou les accusent de faire l’apologie du terrorisme ou, dans ce cas, de l’antisémitisme. Cela existait déjà avant l’ère des réseaux sociaux », relève Marwa Fatafta.  

Selon la défenseuse des droits numériques, Israël tente, à l’instar d’autres États, de « troller » et harceler les gens pour les réduire au silence. Néanmoins, explique-t-elle, les deux dernières semaines ont démontré le pouvoir des médias numériques de « transmettre la vérité » – lorsqu’ils ne sont pas censurés.   

4. « Lynchages » programmés sur des applications de messagerie

Outre les applications de partage de contenu, les plateformes de messagerie instantanée ont été critiquées pour avoir prétendument contribué à faciliter la violence des civils israéliens.  

La semaine dernière, des messages postés sur Signal et WhatsApp que MEE a pu consulter montraient que des groupes israéliens d’extrême droite avaient discuté en détail de la planification d’attaques violentes contre des citoyens palestiniens d’Israël

« Apportez de tout, des couteaux, de l’essence », indiquait un message dans un groupe de discussion baptisé « The Underground Unit », qui comporte plusieurs centaines de membres. « N’ayez pas peur, nous sommes les élus. »

« Dès que vous voyez un Arabe, poignardez-le », ordonnait un message publié sur WhatsApp dans un groupe baptisé « Israel People Alive Haifa ». « Venez équipés de drapeaux, de battes, de couteaux, d’armes, de poings américains, de planches en bois, de spray au poivre, tout ce qui pourrait les blesser. Nous restaurerons l’honneur du peuple juif. »

Captures d’écran de messages publiés dans des groupes israéliens d’extrême droite incitant à la violence contre les citoyens palestiniens d’Israël (capture d’écran/Twitter)
Captures d’écran de messages publiés dans des groupes israéliens d’extrême droite incitant à la violence contre les citoyens palestiniens d’Israël (capture d’écran/Twitter)

Dans un autre groupe de discussion, également sur WhatsApp, un membre a écrit : « Il nous faut des cocktails Molotov. À la mosquée. Pour les faire trembler. Nous brûlerons leurs maisons, leurs voitures, tout. »

Des messages incitant à la violence contre les Palestiniens ont également été lancés sur Telegram, à la suite de quoi plusieurs utilisateurs de Twitter ont demandé aux applications de messagerie d’intervenir pour protéger des vies. 

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« Si Telegram ne réagit pas rapidement, les messages publiés dans l’espace numérique pour inciter à la violence continueront de la propager dans la rue contre les Palestiniens », soutient Mona Shtaya. 

L’effet de meute a été exacerbé par la diffusion de fausses informations : d’après le New York Times, des messages publiés sur Telegram et WhatsApp indiquaient que des foules de Palestiniens préparaient des assauts contre des citoyens israéliens. Malgré ces avertissements, aucune violence n’a été signalée dans les secteurs mentionnés dans les messages. 

Un journaliste a comparé cette évolution aux événements observés en Inde en 2018, lorsque la diffusion de fausses rumeurs concernant des enlèvements d’enfants et des prélèvements d’organes avait déclenché une vague de lynchages collectifs au cours de laquelle des étrangers avaient été attaqués et tués. 

À la date de dimanche, les 116 suspects inculpés à la suite des violences de la semaine dernière étaient tous palestiniens. 

Fake Reporter, un organisme israélien de surveillance de la désinformation, a déclaré la semaine dernière avoir transmis à la police et aux médias israéliens un dossier détaillé contenant des informations sur des groupes d’extrême droite utilisant WhatsApp et Telegram pour planifier des attaques contre des commerces et des civils palestiniens.

La transmission de ce dossier n’a donné lieu à aucune mesure, tandis que certains médias ont même répondu que cela ne valait pas la peine d’en parler tant que des crimes n’étaient pas perpétrés. 

« L’incitation à la violence contre les Arabes et les Palestiniens sur les réseaux sociaux a augmenté de façon spectaculaire », indique Mona Shtaya. 

« En 2020, nous avons constaté une augmentation de 16 % des propos violents à l’encontre des Arabes par rapport à l’année précédente [2019] ; par ailleurs, un message sur dix concernant les Palestiniens et les Arabes contenait des propos violents », ajoute-t-elle en se référant à l’indice annuel du racisme et de l’incitation à la haine établi par 7amleh.

« Telegram et les autres applications ne doivent pas soutenir la violence contre les Palestiniens et doivent prendre des mesures pour empêcher la transmission de messages incitant à la violence, de discours de haine et de racisme [depuis] leur plateforme vers le monde réel. »

5. Armée de trolls soutenue par l’État

Les réseaux sociaux sont souvent utilisés pour mesurer l’opinion publique sur les questions mondiales, à travers les hashtags les plus partagés et les niveaux d’engagement qui servent d’indicateurs informels des sentiments populaires. 

Cependant, ces plateformes sont souvent utilisées de manière plus cynique pour manipuler systématiquement les conversations en ligne. 

La plateforme en ligne israélienne Act.IL a été développée en juin 2017 pour recruter et organiser une armée de milliers de trolls chargés de s’immiscer dans les conversations en ligne portant sur la question israélo-palestinienne et en particulier le mouvement BDS (Boycott, désinvestissement et sanctions). 

« Les gens commencent à ouvrir les yeux face aux horreurs de l’apartheid israélien et ils ne veulent rien avoir à faire avec ça ; aucune application ne pourra changer cela. » 

- Michael Bueckert, Canadiens pour la justice et la paix au Moyen-Orient

Les trolls reçoivent des instructions de la plateforme sur les contenus pro-israéliens et anti-palestiniens à retweeter et à « liker », ainsi que sur les pétitions à signer. Ils reçoivent également des modèles de commentaires qu’ils sont encouragés à copier-coller dans les discussions pertinentes. 

Act.IL a été lancée en partenariat avec le ministère israélien des Affaires stratégiques, dont le ministre a qualifié le dispositif de « dôme de fer de la vérité », en référence au système antimissile israélien. La plateforme reçoit des financements et des directives de l’État israélien. 

L’application est décrite comme un dispositif d’« astroturfing » – une stratégie de relations publiques soutenue par un gouvernement visant à induire en erreur et à donner la fausse impression d’une campagne populaire spontanée.

Michael Bueckert, chercheur et vice-président des Canadiens pour la justice et la paix au Moyen-Orient, gère un compte Twitter qui surveille l’application Act.IL et rend compte de ses activités. 

« L’un des principaux objectifs de l’application est de distancier les activités de ses utilisateurs de l’État israélien ou des lobbies et de faire en sorte que l’activité pro-israélienne sur les réseaux sociaux qu’elle chorégraphie semble spontanée et organique », explique-t-il à MEE

Selon Michael Beuckert, le ministère des Affaires stratégiques a pour politique de travailler avec des organisations de façade « pour dissimuler le rôle de l’État israélien ». Il estime par ailleurs qu’il est raisonnable de croire que le gouvernement joue « un rôle plus important dans le financement continu et les opérations de l’application que ce qui est présenté publiquement ». 

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Dimanche dernier, l’application a organisé une tempête sur Twitter avec les hashtags #RightToSelfDefence (« Droit à la légitime défense ») et #IsraelUnderFire (« Israël attaqué »).  

Au cours des deux dernières semaines, Act.IL a également utilisé son canal Telegram pour envoyer des « missions » à ses utilisateurs afin de diffuser une rhétorique anti-palestinienne. 

Lors de la violente répression exercée par les forces israéliennes contre les fidèles à al-Aqsa plus tôt ce mois-ci, l’application a encouragé les utilisateurs à commenter les mises à jour en temps réel de Reuters, de l’AFP et du Washington Examiner en rejetant la faute sur les groupes palestiniens.  

« Il est inacceptable que des fidèles innocents, des civils et des policiers soient victimes des violentes émeutes fomentées par le Hamas et le Fatah. Le terrorisme n’a pas sa place dans les lieux saints et autour », peut-on lire sous une mise à jour de l’AFP, où les trolls ont été encouragés à relayer des opinions similaires. 

Malgré les efforts coordonnés visant à perturber les conversations en ligne, Michael Bueckert doute de l’impact des dernières activités de l’armée de trolls israélienne.  

« Bien sûr, ils peuvent contribuer à répandre les sujets de discussions relevant de la hasbara [diplomatie publique israélienne] sur les réseaux sociaux et à diffuser largement la désinformation. Cependant, j’ai l’impression que beaucoup de gens ne croient plus à ces vieux arguments », affirme-t-il. « Les gens ne tolèrent plus autant une attitude qui revient généralement à blâmer les victimes. »

« Les gens commencent à ouvrir les yeux face aux horreurs de l’apartheid israélien et ils ne veulent rien avoir à faire avec ça ; aucune application ne pourra changer cela. » 

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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