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Guerre Israël-Palestine : la pression sur le gouvernement israélien pour mettre fin à l’offensive contre Gaza augmente-t-elle ?

Après des semaines de conflits, les alliés d’Israël à Berlin, Londres et Washington continuent de lui offrir un soutien indéfectible, malgré des accusations de génocide et un certain malaise parmi les États occidentaux
Manifestation à Londres pour exiger un cessez-le-feu à Gaza, le 15 novembre (AFP/Henry Nicholls)

Après des semaines de bombardements contre Gaza et l’invasion actuelle, l’inaltérable soutien à Israël parmi ses alliés occidentaux demeure inflexible, mais des fissures commencent à apparaître.

Les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne soutiennent toujours pleinement les actes d’Israël à Gaza, malgré le lourd bilan civil. Mais ailleurs, les choses changent.

Le président français Emmanuel Macron, par exemple, a évoqué les avantages d’un cessez-le-feu, tandis que le dirigeant canadien Justin Trudeau appelle Israël à « cesser de tuer des bébés ».

« Cela est dû en grande partie au mouvement de solidarité, aux mouvements populaires et aux manifestations », affirme le militant israélo-palestinien pour les droits de l’homme Ameer Makhoul.

La dernière guerre israélienne contre Gaza a commencé après l’attaque menée par le Hamas qui a tué près de 1 200 Israéliens le 7 octobre.

L’implacable réponse militaire d’Israël a tué plus de 12 300 Palestiniens (dont plus de 5 000 enfants) et détruit une part significative des infrastructures civiles du nord de Gaza.

Au fil des semaines depuis le début de la guerre, des centaines de milliers de manifestants sont descendus dans les rues de nombreuses villes occidentales, exprimant leur soutien à Gaza, condamnant Israël et exigeant un cessez-le-feu.

Les actes d’Israël suscitent la colère manifeste de la communauté internationale, et plusieurs États ont suspendu leurs relations avec le pays.

« La population ouvrira la voie et les dirigeants suivront. Il y aura un point de bascule, il se produira bientôt »

- Diana Buttu, avocate palestinienne

La semaine dernière, le Belize a suspendu ses relations diplomatiques avec Israël, rejoignant la Bolivie, la Colombie, et plusieurs pays d’Amérique latine qui avaient rappelé leurs ambassadeurs.

Outre l’Amérique latine, la Turquie, la Jordanie, le Tchad et Bahreïn auraient tous rappelé leurs ambassadeurs.

Par ailleurs le Congrès national africain au pouvoir en Afrique du Sud a annoncé jeudi qu’il soutiendrait une motion concernant la fermeture de l’ambassade israélienne dans le pays.

Ces initiatives sont importantes, mais Ameer Makhoul explique que le pouvoir de ces pays est limité.

« Parce que le monde repose sur la puissance, et non l’éthique et les valeurs, ils n’ont pas le plus grand pouvoir d’influence », ajoute-t-il. « Ils donnent un élan au mouvement de solidarité. »

Néanmoins, des fissures commencent à apparaître parmi certains des plus forts soutiens à Israël.

Au sein de l’Union européenne, l’Irlande, l’Espagne et la Belgique se démarquent comme des critiques francs des bombardements et de l’invasion de Gaza par Israël, tout en condamnant l’attaque du 7 octobre.

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L’Union européenne requiert l’unanimité des États membres sur les décisions de politique étrangère, ce qui signifie que cette petite fracture pourrait jouer un rôle plus grand dans sa vision du conflit.

L’avocate et analyste palestinienne Diana Buttu observe que si de telles divisions au sein de l’UE en temps de crise mondiale ne sont pas sans précédent, elles restent rares.

« La raison pour laquelle nous constatons une fissure, ou des divisions, au sein de l’UE tient au fait, selon moi, que certains pays ne peuvent pas défendre l’indéfendable », estime-t-elle.

Le ministre israélien des Affaires étrangères Eli Cohen a déclaré lundi dernier que la pression contre son gouvernement devrait s’accroître dans les semaines à venir, ajoutant que son ministère œuvrait à « élargir la fenêtre de légitimité ».

Signe majeur que cette fenêtre se réduit déjà, Emmanuel Macron a déclaré à la BBC qu’il voyait sous un jour favorable un cessez-le-feu, contrairement à ses homologues britanniques et américains.

Après les vives réactions d’Israël, il a réitéré son soutien au « droit d’Israël à se défendre », sans revenir sur les remarques faites à la BBC.

Opinions publiques

Dans l’opinion publique, le soutien à un cessez-le-feu est invariablement majoritaire.

Dernièrement, 68 % des Américains et 76 % des Britanniques disaient soutenir un cessez-le-feu, une opinion corroborée par l’attitude des électeurs vis-à-vis de leurs représentants.

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Le personnel du Congrès américain indique que la vague de personnes appelant leurs représentants pour réclamer un cessez-le-feu a pris par surprise les Démocrates. Un assistant parlementaire démocrate a déclaré au HuffPost qu’il n’avait « jamais vu » une telle déconnexion entre les électeurs et le Congrès.

Au Royaume-Uni, malgré les immenses manifestations et perturbations, la Chambre des Communes a rejeté une motion appelant à un cessez-le-feu à Gaza.

Pendant ce temps au Canada, une pétition parlementaire en ligne réclamant que les dirigeants du pays œuvrent en vue d’un cessez-le-feu a recueilli plus de 250 000 signatures, la plus importante de l’histoire du pays.

« La population ouvrira la voie et les dirigeants suivront », prédit Diana Buttu. Il y aura un point de bascule, il se produira bientôt. »

« Rien d’humanitaire »

Jeudi, le Haut-Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU a mis en garde contre le risque de génocide à Gaza si la guerre devait se poursuivre.

Les organisations de défense des droits de l’homme et des Palestiniens poursuivent déjà en justice le président américain Joe Biden, ainsi que deux membres de son cabinet pour n’avoir « pas respecté l’obligation du pays de prévenir un génocide » et pour avoir permis « les conditions de son développement en fournissant un soutien diplomatique et militaire inconditionnel ».

Tout en refusant le cessez-le-feu, les États-Unis ne s’opposent pas à des « pauses humanitaires » pour envoyer de l’aide à Gaza sans stopper définitivement la campagne d’Israël.

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Ameer Makhoul réfute ce concept : « Les pauses humanitaires sont un abus de langage. Parce qu’elles n’ont rien d’humanitaire. »

Alors que les objectifs d’Israël à Gaza restent ambigus, d’autres encore pourraient commencer à douter de cette guerre.

Par exemple, si l’allégation d’Israël selon laquelle le Hamas utilise des hôpitaux comme QG et cachettes était infirmée, cela remettrait en cause la crédibilité d’Israël, tout comme le soutien occidental inconditionnel qui lui a été offert.

Diana Buttu reconnaît les doutes jetés sur Israël après son raid sur al-Chifa, le plus grand hôpital de Gaza. Cependant, elle s’interroge sur le temps qu’il a fallu pour que des pressions commencent à apparaître.

« S’il faut qu’ils bombardent, envahissent un hôpital [et] hissent le drapeau israélien sur [son] toit pour que les diplomates se réveillent, [cela signifie que] ce sont des gens qui dorment depuis très, très longtemps », déplore-t-elle.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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