Élections israéliennes : Benyamin Netanyahou revendique la victoire
Le tweet a sonné comme un soulagement. « Merci », a simplement écrit Benyamin Netanyahou, accompagné d’un cœur, peu après l’annonce des premiers résultats. Son parti, le Likoud, caracole en tête, loin devant ses adversaires – une victoire inespérée pour le Premier ministre le plus pérenne de l’histoire du pays.
Après son échec à former un gouvernement à l’issue des deux précédentes élections, en avril et septembre dernier, après sa mise en examen en novembre dans trois affaires différentes pour corruption, fraude et abus de confiance, le chef du gouvernement semblait vaciller, torpillé par l’un de ses anciens alliés, Avigdor Lieberman, qui faisait échec à sa coalition à droite.
Les résultats du scrutin de lundi viennent donc le conforter, comme une revanche des Likoudniks, les fidèles soutiens du « roi Bibi ».
C’est un camouflet pour les juges, à quinze jours de l’ouverture de son procès, un sévère revers pour ceux qui, comme son adversaire Benny Gantz, ancien chef de l’armée israélienne, et ses colistiers de la droite et du centre, ont construit leur carrière politique sur l’anti-Netanyahou.
Le taux de participation est sans appel : 71%, du jamais vu depuis 1999. Ainsi, même après quatorze ans au pouvoir, Benyamin Netanyahou est indéboulonnable – pour l’instant.
Son parti, le Likoud, remporte une légère avance : 36 députés contre 33 pour la liste Bleu Blanc de Gantz. Avec ses soutiens des partis ultra-orthodoxes, qui ont remporté 16 sièges, et les 6 parlementaires de Yamina, le parti d’extrême droite, Benyamin Netanyahou est à trois sièges de la majorité absolue.
Se heurtera-t-il alors aux mêmes écueils que les fois précédentes, incapable de former une coalition ? L’écart creusé entre le Likoud et son rival Bleu Blanc envoie un message clair de la part de l’électorat : après trois élections, le dirigeant que veulent les Israéliens est Benyamin Netanyahou.
Reste à voir désormais avec qui il peut concrétiser ce projet. Avigdor Lieberman, son ancien allié, en perte de vitesse après avoir fait obstacle, par deux fois, à une coalition à droite ?
Quel avenir pour les principes de la liste Bleu Blanc, qui, sous couvert de ne pas siéger dans un gouvernement dirigé par un homme mis en examen, vient en réalité de rater son référendum contre Netanyahou ? Le Premier ministre l’a assuré dans la nuit à ses électeurs : après quelques heures de sommeil, il formera un « un large gouvernement national ».
La victoire de la droite, soudain confortée par les urnes, éclipse l’autre surprise du scrutin. La Liste unifiée, qui rassemble les députés des partis arabes, reste non seulement la troisième force politique du pays, mais elle réalise une percée éclatante, créditée pour l’instant de 15 parlementaires, deux de plus que lors du précédent scrutin.
La minorité palestinienne, constituée de ceux qui sont restés lors de la « Nakba » en 1948, à la création d’Israël, et qui représente 20 % de la population, est de moins en moins aphone ; la campagne contre l’abstention et le boycott de la Knesset semble avoir fonctionné.
À droite, toute !
Devant ses soutiens scandant « Bibi, roi d’Israël », le Premier ministre a remercié ses électeurs : « Ils ont fait notre oraison funèbre, mais nous avons triomphé ! », a-t-il exulté, sourire aux lèvres, annonçant « la plus grande victoire de [s]a vie ». Elle est « encore plus douce car elle est survenue envers et contre tout », a-t-il lancé.
Un triomphe que le chef du gouvernement, fin stratège, a arraché grâce à un mélange de persévérance forcenée et d’idéologie.
Jusqu’au bout, il a jeté ses dernières forces dans la bataille, comme le rappelle cette vidéo de campagne, diffusée quelques jours avant le scrutin. On y voit Benyamin Netanyahou, en doudoune matelassée, proposer à des Israéliens de les relayer dans leur travail de livreur à vélo ou de serveuse, le temps qu’ils aillent glisser leur bulletin dans l’urne.
Meetings, messages alarmistes, fausses rumeurs… Comme à chaque fois, il est allé grappiller des voix par tous les moyens.
En parallèle, le Premier ministre a multiplié les coups politiques. Fin janvier, il était debout aux côtés de Donald Trump, à Washington, pour présenter le plan américain, largement favorable à la droite israélienne, qui lamine les espoirs des Palestiniens d’accéder un jour à l’autodétermination et raie définitivement leur rêve d’État indépendant avec Jérusalem pour capitale.
Une image forte qui a consacré la victoire de son idéologie, celle des colons israéliens qui réclament, entre autres, l’annexion à Israël de la vallée du Jourdain et des blocs de colonies, illégale aux yeux du droit international.
Les Israéliens l’ont aussi vu avec le président russe, Vladimir Poutine, pour négocier la libération d’une détenue israélienne, ou encore annoncer des rapprochements avec des États arabes officiellement sans relations diplomatiques avec Israël…
Sur tous les fronts, il a engrangé des victoires symboliques, pour faire oublier ses ennuis judiciaires mais aussi marteler un message à la droite israélienne nationaliste : avec moi, vos intérêts sont protégés, vous êtes entendus auprès des plus grands de ce monde.
Sale campagne
En face, grignotant les terrains de la droite en promettant aussi l’annexion d’une partie des territoires palestiniens mais en s’alliant avec la gauche, la liste Bleu Blanc n’a pas réussi à imposer un contre-modèle qui séduise les Israéliens.
« Je partage votre sentiment de déception et de douleur », a ainsi commenté sobrement lundi soir leur dirigeant, Benny Gantz. « Nous nous attendions à un autre résultat. »
Ses alliés naturels, la coalition Travaillistes-Gesher-Meretz, ressort laminée, avec sept députés seulement. Forts de leur réussite, les députés arabes ont fustigé l’« attitude raciste » de Bleu Blanc envers eux pour expliquer l’échec de la liste de Benny Gantz.
En septembre dernier, la Liste unifiée avait apporté son soutien à un gouvernement mené par l’ex-chef d’état-major, tout en s’abstenant d’y participer. Mais cette fois-ci, courtisant les électeurs de droite, le rival de Netanyahou avait fait comprendre qu’il entendait se passer d’un tel soutien.
Même troisième force politique, les députés arabes pourraient se retrouver marginalisés, avec une droite aussi renforcée.
En glissant son bulletin dans l’urne lundi, le président israélien Reuven Rivlin, pourtant membre du Likoud, a avoué ressentir « un sentiment de profonde honte » devant le spectacle de la politique israélienne ces dernières semaines. Diffusion d’enregistrements clandestins critiquant Benny Gantz ou les électeurs du Likoud, rumeurs, divisions… Le chef de l’État a dénoncé une campagne « sale et lamentable ».
Pas davantage que les précédentes, rétorqueront les Palestiniens en Israël, habituellement les premières cibles des attaques des candidats qui se disputent les faveurs de l’électorat de droite. Eux craignent le pire si Benyamin Netanyahou reste au pouvoir, confortablement ancré dans son socle qui mélange extrême droite et religieux.
Les Palestiniens des territoires occupés ont également fustigé cette victoire par la voix du secrétaire général de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) Saëb Erakat, qui a déclaré dans un communiqué que les sondages de sortie des urnes montraient que « la colonisation, l’annexion et l’apartheid [avaient] gagné ».
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