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Un an après la mort de Soleimani, des milliers d’Irakiens crient « vengeance » 

Après une veillée à l’aéroport de Bagdad, à l’endroit où ont été tués le général iranien et son bras droit irakien, les partisans du Hachd al-Chaabi ont convergé sur la place Tahrir où ils ont dénoncé « l’occupant américain »

Des milliers de partisans du Hachd al-Chaabi, une coalition de paramilitaires désormais intégrés à l’État irakien, ont attaqué le « grand Satan » américain, le 3 janvier 2020 à Bagdad (AFP)
Des milliers de partisans du Hachd al-Chaabi, une coalition de paramilitaires désormais intégrés à l’État irakien, ont attaqué le « grand Satan » américain, le 3 janvier 2020 à Bagdad (AFP)
Par AFP à BAGDAD, Irak

« Non à l’Amérique ! », « Vengeance ! ». Par milliers, des partisans des paramilitaires irakiens pro-Iran ont marqué dimanche, lors d’une démonstration de force à Bagdad, le premier anniversaire de l’assassinat par les États-Unis du général iranien Qasem Soleimani et de son lieutenant irakien.

Sur la place Tahrir, ces partisans du Hachd al-Chaabi, une coalition de paramilitaires désormais intégrés à l’État irakien, ont attaqué le « grand Satan » américain et celui qu’ils accusent d’être son « agent » en Irak, le Premier ministre Moustafa al-Kazimi.

Les Irakiens portent un faux cercueil du commandant abattu Abou Mahdi al-Mouhandis lors d’une cérémonie au cimetière de Wadi al-Salam où il est enterré, à Nadjaf, le 3 janvier 2021 (AFP)
Les Irakiens portent un faux cercueil du commandant abattu Abou Mahdi al-Mouhandis lors d’une cérémonie au cimetière de Wadi al-Salam où il est enterré, à Nadjaf, le 3 janvier 2021 (AFP)

Le 3 janvier 2020, et sur ordre du président Donald Trump, une attaque au drone a pulvérisé à l’aéroport international de Bagdad les deux véhicules à bord desquels se trouvaient Qasem Soleimani, l’architecte de la stratégie iranienne au Moyen-Orient, et Abou Mehdi al-Mouhandis, le commandant du Hachd al-Chaabi.

Cette frappe avait fait redouter un conflit ouvert entre les États-Unis et la République islamique d’Iran, ennemis depuis 40 ans. Un an plus tard, la situation est toujours aussi explosive en Irak où Washington et Téhéran sont des puissances agissantes.

L’Irak est plus polarisé que jamais, entre des pro-Iran qui n’hésitent plus à menacer l’État et ses dirigeants nommément et des autorités qui n’ont ni le poids politique ni la force militaire de les affronter.

« Kazimi, lâche ! »

Dimanche, après une veillée aux bougies à l’aéroport de Bagdad, à l’endroit même où ont été tués le général iranien et son bras droit irakien, les partisans du Hachd al-Chaabi ont convergé sur la place Tahrir où ils ont honoré leurs « martyrs » et dénoncé « l’occupant américain ».

Tout un symbole. Durant des mois en 2019, les Irakiens ont conspué à Tahrir, depuis le « restaurant turc », un immense bâtiment à l’abandon, le pouvoir irakien et son « parrain » iranien. Dans certaines manifestations de la « révolution d’octobre », des portraits de Soleimani ont même été piétinés.

Un manifestant irakien montre un téléphone portable recouvert d’un portrait d’Abou Mahdi al-Mouhandis (en bas) et de Qasem Soleimani, lors d'un rassemblement à Bagdad, le 3 janvier 2021 (AFP)
Un manifestant irakien montre un téléphone portable recouvert d’un portrait d’Abou Mahdi al-Mouhandis (en bas) et de Qasem Soleimani, lors d'un rassemblement à Bagdad, le 3 janvier 2021 (AFP)

Aujourd’hui, du haut de ce même restaurant, un poster géant de Soleimani et de Mouhandis a recouvert un autre. Celui-ci vantait un musée à venir de la « révolution d’octobre », sous le « haut patronage du Premier ministre Moustafa al-Kazimi ».

L’homme n’est pas présent, mais son nom est scandé. « Kazimi, lâche ! Agent des Américains ! », répètent en chœur les milliers de manifestants vêtus de noir, certains brandissant des pancartes « Go out USA » (Dehors les Américains).

« Nous sommes venus dire non à l’Amérique et à tout autre occupant qui voudrait souiller notre terre », a déclaré à l’AFP Oum Mariam.

« Retour de flamme »

Au sud de Bagdad, dans plusieurs villes dont Najaf où est enterré Abou Mehdi al-Mouhandis, des partisans, certains en pleurs, ont rendu hommage aux deux « martyrs ». 

Près de 3 000 soldats américains sont déployés en Irak. Un vote du Parlement irakien pour expulser ces militaires, annoncé dans le fracas de la frappe du 3 janvier 2020, est resté sans réponse.

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En novembre 2020, les États-Unis ont néanmoins annoncé que 500 soldats se seront retirés d’Irak le 15 janvier pour n’en laisser que 2 500.

Il y a un an, les positions arc-boutées de Washington et de Téhéran avaient fait redouter un conflit ouvert en Irak. Et ce pays retient son souffle jusqu’au départ le 20 janvier de Donald Trump de la Maison-Blanche.

Jeudi, le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif a tweeté qu’en Irak, « des agents provocateurs israéliens préparent des attaques contre des Américains » pour placer « Trump dans une impasse avec un casus belli fabriqué ».

L’Iran a d’ailleurs accusé M. Trump, qui a exercé un mandat de « pression maximale » contre Téhéran durant son mandat, de chercher à fabriquer « un prétexte » pour lancer « une guerre » avant son départ. 

« Attention au piège », a lancé M. Zarif, « tout feu d’artifice connaîtra un sérieux retour de flamme, notamment contre votre meilleur ami [Israël] ».

Des Irakiennes portent des bandeaux indiquant : « Nous sommes les enfants d’al-Mouhandis » et des badges représentant les portraits de Qasem Soleimani (à gauche) à Bagdad le 3 janvier 2021 (AFP)
Des Irakiennes portent des bandeaux indiquant : « Nous sommes les enfants d’al-Mouhandis » et des badges représentant les portraits de Qasem Soleimani (à gauche) à Bagdad le 3 janvier 2021 (AFP)

En Irak, les groupes pro-Iran ont repris leurs attaques à la roquette contre des intérêts américains. Et face à eux, Moustafa al-Kazimi a fait le choix de la diplomatie des petits pas. Car il est incapable de gagner si une confrontation s’imposait, assurent les experts.

À Washington, la fermeté est la même. Évoquant « des spéculations sur de nouvelles attaques contre des Américains en Irak », Donald Trump a prévenu : « si un Américain est tué, je tiendrai l’Iran pour responsable. »

L’Iran avait riposté à l’assassinat de Soleimani en tirant des missiles sur des bases irakiennes abritant des soldats américains. Et il a averti que les auteurs de l’assassinat de son général ne seraient « nulle part en sécurité ».

Salam Faraj, à Bagdad.

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