Le Qatar est-il prêt à accueillir la Coupe du monde ?
Le 18 décembre est une date importante pour le Qatar. C’est la fête nationale du pays, qui célèbre l’unification de la petite péninsule du Golfe en 1878, lorsque le fondateur Jassim ben Mohammed al-Thani a réuni pour la première fois les tribus locales au sein d’une seule et même entité.
À cette occasion, les habitants décorent leur voiture et leur maison de drapeaux, tandis qu’un feu d’artifice grandiose et une parade ont lieu le long de la promenade de la Corniche à Doha, la capitale.
En 2021, c’est également à cette date que s’est déroulée la finale de la Coupe arabe de la FIFA, le tournoi de football que le Qatar a accueilli ces trois dernières semaines en préparation de la Coupe du monde prévue fin 2022 la première édition de la compétition quadriennale organisée au Moyen-Orient.
Dans moins d’un an, la journée commémorative coïncidera avec la finale de la Coupe du monde, un événement qui placera le Qatar au centre de ce qui sera probablement l’un des événements sportifs les plus importants et les plus suivis de l’histoire.
Selon les estimations de la FIFA, l’instance dirigeante du football mondial, plus de 3,5 milliards de personnes ont suivi la dernière Coupe du monde, organisée en Russie en 2018, et 1,1 milliard de spectateurs ont regardé la finale entre la France et la Croatie.
Une ville conçue pour les voitures
Mais un autre événement mondial d’envergure s’est tenu le 18 décembre : la Journée internationale des migrants organisée par l’ONU, en souvenir de la date à laquelle l’Assemblée générale de l’ONU a adopté, en 1990, une convention visant à promouvoir et à protéger les droits de la main-d’œuvre immigrée croissante de la planète.
Les travailleurs étrangers représentent près de 90 % des 2,9 millions d’habitants du Qatar.
La plupart des stades et une grande partie des infrastructures nécessaires à l’organisation du tournoi ayant été construits depuis l’attribution du titre à l’émirat riche en gaz en 2010, ce Mondial n’aurait tout simplement pas pu exister sans le labeur de ses travailleurs immigrés, qui y ont parfois laissé leur vie.
De larges pans de la capitale sont en chantier. Les ouvriers installent des canalisations, achèvent de nouveaux bâtiments et élargissent des routes et des voies piétonnes
À un peu moins d’un an du terme de la toute première Coupe du monde organisée dans un pays arabe, le Qatar est-il prêt ?
Qu’il s’agisse des transports, des conditions de travail des immigrés, des droits des homosexuels ou de l’ambiance dans les stades, Middle East Eye s’est rendu à Doha pour faire un point d’étape dans l’État du Golfe.
En se promenant dans le centre de Doha, on a souvent l’impression que la Coupe du monde est une perspective bien plus lointaine.
De larges pans de la capitale sont en chantier. Les ouvriers installent des canalisations, achèvent de nouveaux bâtiments et élargissent des routes et des voies piétonnes. L’air est chargé d’un brouillard sablonneux et il est difficile de se déplacer dans la ville.
Décider où marcher relève d’un choix cornélien : faut-il slalomer entre les tas de briques et de béton qui encombrent le trottoir ou s’aventurer sur la chaussée, à la merci des voitures qui frôlent les piétons à une allure effroyable ?
Doha est une ville conçue pour les voitures. Mais il est difficile d’imaginer qu’une telle situation soit convenable – ou tolérée – lors d’une Coupe du monde où plus d’un million de supporteurs sont attendus.
« Il y a de nombreux projets d’infrastructure initiés au Qatar. Tous ces travaux routiers seront terminés en été », indique à MEE Fatma al-Nuaimi, directrice de la communication du comité suprême d’organisation de la Coupe du monde 2022 au Qatar en charge des projets et du patrimoine.
Elle insiste sur le fait que la plupart des travaux sont déjà terminés : les principales voies rapides ont été modernisées et élargies, tandis que des zones telles que la promenade de la Corniche ont été améliorées pour les piétons.
« Des solutions innovantes »
Cependant, les travaux et les fermetures de routes créent souvent des embouteillages qui neutralisent complètement la circulation. Pour les chauffeurs de taxi qui ont tenté de transporter des passagers vers les stades de la Coupe arabe et de les raccompagner, la situation est frustrante.
« Ils veulent accueillir ces tournois, mais il n’y a aucune organisation », déplore à MEE un chauffeur Uber d’origine bangladaise. « Où sont la signalisation et les messages qui nous indiquent les routes à éviter et le meilleur endroit pour déposer les gens près des stades ? »
Les organisateurs tablent sur une utilisation accrue des transports publics à l’occasion du Mondial, afin d’éviter les embouteillages dans le plus petit pays hôte de l’histoire.
Les vacances scolaires seront également avancées, ce qui permettra aux jeunes d’assister aux matchs et réduira le nombre de voitures sur les routes.
« Tous les Qataris ont l’habitude d’avoir leur propre voiture, mais nous avons lancé une campagne publique visant à changer les mentalités et à les inciter à utiliser davantage les transports publics », explique Fatma al-Nuaimi.
Dans cette optique, le métro de Doha a été inauguré en 2019. Celui-ci est destiné à devenir le principal moyen de transport des supporteurs en 2022. Lors de la Coupe arabe, le réseau souterrain a fonctionné sans heurts, à l’exception de quelques longues files d’attente inévitables après les matchs.
La taille du Qatar, plus proche de celle d’une ville hôte des Jeux olympiques que d’une nation hôte de la Coupe du monde, pose non seulement des problèmes de transport, mais aussi d’hébergement.
Au total, le Qatar ambitionne de proposer 130 000 chambres et solutions d’hébergement pendant le tournoi, dont 60 000 seront des villas et des appartements gérés par Accor, la plus grande société hôtelière d’Europe
Loger plus d’un million de supporteurs dans un pays de moins de trois millions d’habitants est tout sauf une mince affaire.
« Nous ne voulons pas construire des hôtels qui seront ensuite inutiles, ni dépasser la capacité dont le pays a besoin », soutient Fatma al-Nuaimi. « Nous avons donc trouvé des solutions innovantes. »
Elle évoque pour MEE des hôtels flottants temporaires, notamment des navires de croisière pouvant accueillir 4 000 chambres. Elle met également en avant le concept de « glamping » dans le désert, offrant aux supporteurs un avant-goût du mode de vie nomade traditionnel de la région.
Au total, le Qatar ambitionne de proposer 130 000 chambres et solutions d’hébergement pendant le tournoi, dont 60 000 seront des villas et des appartements gérés par Accor, la plus grande société hôtelière d’Europe.
Dans un pays qui compte moins de 30 000 chambres d’hôtel, les hôtels flottants, appartements et autres approches « innovantes » seront d’une importance cruciale.
Selon un responsable du gouvernement qatari interrogé par MEE sous couvert d’anonymat, la petite taille de l’État présentera des avantages pour la Coupe du monde, puisque cela réduira la nécessité de prendre des vols et permettra aux supporteurs d’assister plus facilement à plusieurs matchs.
La distance la plus longue entre deux stades, du stade Al-Bayt (al-Khor), au stade al-Janoub (al-Wakrah), est de 70 km, soit 50 minutes en voiture. Sept des huit sites se trouvent à moins d’une demi-heure de route du centre de Doha, ce qui garantit que la capitale sera remplie de supporteurs de toutes les sélections en lice.
« Les supporteurs arriveront à différents moments tout au long du tournoi. Nous n’avons pas d’inquiétude majeure concernant l’hébergement et le transport. Tout a été soigneusement planifié et la Coupe arabe [a permis] de procéder à des tests et de tirer des enseignements », assure le responsable.
La situation des travailleurs immigrés suscite des préoccupations
La préparation du Qatar à l’organisation du plus grand tournoi de football questionne non seulement les infrastructures et la planification, mais aussi les droits et les libertés civiles des personnes vivant à l’intérieur de ses frontières.
L’organisation d’un des événements sportifs les plus suivis au monde s’accompagne d’une surveillance accrue, et pour la nation du Golfe, les projecteurs se sont braqués sur deux questions : les droits des travailleurs immigrés et ceux de la communauté LGBTQI+.
L’approche de Doha vis-à-vis de ces deux questions a fait la une des journaux au cours de la décennie qui a suivi l’attribution du Mondial au petit émirat, et les autorités continueront d’être mises à l’épreuve au cours des douze prochains mois.
La situation des travailleurs immigrés préoccupe depuis longtemps les observateurs.
Au Qatar, de nombreux ouvriers ont subi des retards de salaire, tandis que ces derniers se sont vu imposer la kafala, un système abusif qui les lie à leurs employeurs.
De la même manière, les conditions de travail et de vie des immigrés ont fait l’objet de vives condamnations. Des décès liés à des environnements de travail dangereux, qui n’ont fait l’objet d’aucune enquête, ont également été signalés.
L’attention internationale portée à ces questions a incité les autorités qataries à réagir ces dernières années en annonçant de vastes réformes du droit du travail.
Parmi ces mesures figure la fin du système de kafala, la mise en place d’un salaire minimum, l’interdiction de la confiscation des passeports par les employeurs et la limitation des heures de travail en plein air pendant les mois d’été, où les températures peuvent régulièrement dépasser les 40 °C.
« La Coupe du monde nous a réveillés » , affirme le responsable qatari à MEE. « Il y a dix ans, certains logements destinés aux travailleurs invités étaient inacceptables. Nous serions les premiers à le reconnaître. »
« La Coupe du monde nous a réveillés. Il y a dix ans, certains logements destinés aux travailleurs invités étaient inacceptables. Nous serions les premiers à le reconnaître »
- Un responsable qatari à MEE
Du côté de Fatma al-Nuaimi, le son de cloche est le même. « Cette Coupe du monde nous sert de catalyseur. Il y a eu beaucoup d’améliorations au cours de la dernière décennie en ce qui concerne le bien-être des travailleurs. »
La mise en œuvre de ces réformes demeure néanmoins problématique. D’après de nombreux travailleurs immigrés interrogés par MEE, ces nouvelles politiques ne sont pas toujours suivies par les entreprises.
Deux travailleurs, l’un dans le secteur de la construction et l’autre dans celui de l’hôtellerie, affirment que leur passeport est actuellement détenu par leur employeur, ce qui est illégal en vertu de la nouvelle réglementation qatarie.
Un employé d’un hôtel indique que pour qu’il puisse toucher le salaire minimum, son employeur l’oblige à effectuer des heures supplémentaires pour lesquelles il n’est pas rémunéré. Il ajoute qu’il a tenté de quitter son emploi, mais que son employeur a refusé de lui fournir une lettre de recommandation adéquate.
Un camp hautement sécurisé
Les responsables qataris interrogés par MEE concèdent que les choses ne changeront pas du jour au lendemain et qu’il faudra du temps pour que les entreprises de toutes tailles s’alignent. Ils soulignent également que le gouvernement a simplifié les voies permettant aux travailleurs de faire part de leurs plaintes.
Informés de l’existence de ces systèmes de plaintes, plusieurs travailleurs interrogés par MEE affirment que c’est plus facile à dire qu’à faire et expriment des craintes quant au statut de leur visa s’ils engagent une action en justice.
Plusieurs travailleurs immigrés estiment que de nombreuses réformes sont bénéfiques, notamment l’interdiction de travailler à l’extérieur pendant les heures les plus chaudes de l’été. Beaucoup se montrent élogieux envers le gouvernement qatari, notamment en ce qui concerne la gratuité et l’accessibilité des soins de santé.
MEE a été autorisé visiter « Labour City », un camp d’immigrés qui abrite 70 000 travailleurs à la périphérie de Doha. Les chambres et les espaces communs visités par MEE sont propres, bien entretenus et conformes aux politiques gouvernementales.
Le camp est hautement sécurisé, avec des caméras installées partout dans le complexe et plusieurs gardes qui patrouillent à chacune de ses entrées. Le personnel du camp invoque des raisons de sécurité et cherche à nous assurer qu’il n’a « rien à cacher ».
« L’État continue dans une large mesure de laisser tomber les travailleurs immigrés lorsqu’ils ont le courage de demander réparation pour les abus dont ils sont victimes »
- Hiba Zayadin, HRW
Si MEE n’a relevé aucune infraction à Labour City, les témoignages de plusieurs travailleurs à travers le pays laissent entendre que la réalité sur place n’a pas toujours reflété les réformes annoncées.
« La grande majorité des travailleurs immigrés au Qatar continuent de subir des abus de la part de leur employeur », affirme à MEE Hiba Zayadin, chercheuse spécialiste de la région MENA pour Human Rights Watch.
« Les employeurs continuent d’échapper à toute responsabilité pour leurs violations des lois et réglementations nationales en matière de droit du travail, et l’État continue dans une large mesure de laisser tomber les travailleurs immigrés lorsqu’ils ont le courage de demander réparation pour les abus dont ils sont victimes. »
Selon elle, une réelle amélioration ne se produira que lorsque le système de kafala sera « intégralement démantelé » et que les travailleurs seront autorisés à se syndiquer et à dénoncer les abus qu’ils subissent.
Sept ans de prison
En ce qui concerne les droits de la communauté LGBTQI+, l’approche du Qatar semble davantage rhétorique que réformatrice.
En novembre, le latéral gauche australien Josh Cavallo, le seul footballeur ouvertement gay évoluant dans un championnat de première division, a déclaré qu’il avait peur de se rendre au Mondial en raison du bilan du Qatar en matière de droits des homosexuels.
« Savoir que [La Coupe du monde a lieu] dans un pays qui ne soutient pas les homosexuels et menace leur vie, ça me fait peur et ça me pousse à m’interroger : est-ce que ma vie est plus importante que d’accomplir quelque chose de grand dans ma carrière ? », a confié le défenseur d’Adelaide United.
Au Qatar, les relations sexuelles entre adultes consentants de même sexe dans la sphère privée sont considérées comme une infraction pénale passible de sept ans de prison.
« Tout le monde est le bienvenu, indépendamment des questions d’origine ethnique, de religion, de sexe ou d’orientation sexuelle », tempère Fatma al-Nuaimi, qui assure que les supporteurs et les footballeurs n’ont rien à craindre.
Nasser al-Khater, directeur général du comité suprême d’organisation du Mondial, a accordé des propos similaires à CNN en novembre.
Il a précisé que les manifestations publiques d’affection étaient généralement mal perçues dans la culture qatarie, qu’il s’agisse de couples homosexuels ou hétérosexuels.
« Alors que le gouvernement a assuré aux visiteurs potentiels qu’il accueillerait les touristes issus de la communauté LGBTQI+, les Qataris issus de cette communauté n’ont pas la possibilité d’exprimer ouvertement leur sexualité », nuance Hiba Zayadin, de HRW.
« La liberté d’expression et la non-discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre doivent être garanties pour tous les Qataris, pas seulement pour les spectateurs et les touristes qui afflueront au Qatar pour la Coupe du monde. »
Interrogée quant à savoir si la Coupe du monde donnera lieu à des réformes pour les Qataris issus de la communauté LGBTQI+, Fatma al-Nuaimi emploie un ton moins assuré.
« Tout le monde a des croyances et des points de vue différents en ce qui concerne des sujets sensibles sur le plan sociétal », indique-t-elle. « Ce que nous demandons aux gens et à toutes ces communautés, c’est de respecter la culture et la tradition du pays lui-même et de nous accepter comme ils nous demandent de les accepter. »
Des critiques ressenties comme une injustice
La question des droits des homosexuels est un sujet brûlant au Qatar depuis fin novembre, à la suite des critiques formulées par l’ancien footballeur égyptien Mohamed Aboutrika sur la chaîne qatarie beIN Sports contre la campagne Rainbow Laces de la Premier League anglaise, consistant à porter des lacets arc-en-ciel pour soutenir la communauté LGBTQI+.
« C’est une idéologie dangereuse et elle devient vicieuse, les gens n’en ont plus honte », s’est-il insurgé. « Ils vous diront que l’homosexualité relève des “droits de l’homme”. Non, ce ne sont pas les droits de l’homme, c’est une atteinte à l’humanité. »
Ces commentaires ont été vivement condamnés sur les réseaux sociaux. Interrogé par MEE, un Égyptien de 55 ans résidant à Doha estime que ces propos sont inopportuns et ne rendent pas service au pays hôte de la Coupe du monde.
« BeIN Sports est dans une position difficile. Les organisations de défense des droits de l’homme les critiqueront pour ne pas avoir licencié Aboutrika. Mais les Qataris les critiqueront s’ils le licencient », affirme-t-il, précisant que de nombreux habitants ont pris la défense du consultant.
Pour de nombreux supporteurs et même pour certains entraîneurs, les critiques à l’encontre du bilan du Qatar en matière de droits de l’homme sont ressenties comme une injustice.
« Où était toute cette attention lorsque la Russie a accueilli la dernière Coupe du monde ? La situation des homosexuels là-bas n’est pas bonne du tout », soutenait Ahmed, un supporteur qatari de 31 ans qui assistait au match d’ouverture de la Coupe arabe.
« La vie est ainsi faite. Il y a parfois des jaloux », indique à MEE Madjid Bougherra, ancien joueur et entraîneur de l’équipe algérienne pour la Coupe arabe. C’est la toute première fois qu’un pays arabe se voit confier cette compétition. Peut-être que cela ne plaît pas à certains. »
Le Qatar recrute des joueurs dans le monde entier
Sur le rectangle vert, le Qatar semble rencontrer moins de difficultés.
Pays hôte de la Coupe arabe, les Bordeaux ont fait bonne figure en remportant tous leurs matchs de groupe avant d’écraser les Émirats arabes unis (5-0) en quarts de finale. Ils ont été battus de justesse (1-2) en demi-finale par une équipe d’Algérie privée de ses stars européennes, ce qui ne l’a pas empêchée de remporter la compétition.
Dans moins d’an, la sélection qatarie fera l’objet de toutes les attentions.
L’État du Golfe est le seul pays de l’ère moderne de la Coupe du monde à s’être vu confier l’organisation du tournoi – synonyme de qualification automatique – sans jamais y avoir accédé par le biais des éliminatoires. (L’Italie a obtenu l’organisation de la deuxième Coupe du monde de l’histoire en 1934 sans avoir participé au tournoi inaugural en Uruguay quatre ans plus tôt.)
La sélection abordera toutefois le tournoi en tant que championne d’Asie, après son succès lors de la Coupe d’Asie 2019 aux Émirats arabes unis, un tournoi au cours duquel elle a battu le Japon en finale et remporté ses sept matchs.
Le Qatar a été invité par l’UEFA en tant qu’« équipe fantôme » au cours des qualifications européennes pour la Coupe du monde. L’équipe nationale a également participé à la Copa América 2019 réservée aux nations sud-américaines, ainsi qu’à la Gold Cup 2021, rassemblant les sélections d’Amérique du Nord, d’Amérique centrale et des Caraïbes.
Le pays a également lancé une initiative de naturalisation (un privilège très rarement offert aux ressortissants étrangers dans d’autres professions) à destination de footballeurs recrutés dans le monde entier
Au cours de la dernière décennie, le pays a investi massivement dans l’Aspire Academy à Doha, avec l’ambition de former des footballeurs de haut niveau.
Le pays a également lancé une initiative de naturalisation (un privilège très rarement offert aux ressortissants étrangers dans d’autres professions) à destination de footballeurs recrutés dans le monde entier. Dix des joueurs ayant participé à la Coupe arabe sont nés à l’étranger.
Les progrès sont évidents et les Bordeaux peuvent tout à fait envisager de donner du fil à retordre aux grandes nations en 2022.
L’ambiance assurée par les voisins bruyants
Le petit émirat du Golfe ne jouit pas d’une tradition footballistique historique, que ce soit au niveau mondial ou régional.
Pour beaucoup, la première Coupe du monde dans le monde arabe aurait plutôt dû se tenir au Maroc, en Égypte, en Tunisie ou même en Arabie saoudite, qui se sont qualifiés pour le tournoi à de multiples reprises.
Si les matchs du Qatar ont inévitablement attiré les plus grandes foules lors de la Coupe arabe, l’atmosphère était souvent feutrée et seules de minuscules poches de supporteurs éparpillées dans le stade se faisaient entendre.
Les moments clés au cours des matchs donnaient lieu à des acclamations momentanées.
En revanche, lors des rencontres de sélections telles que l’Algérie, l’Égypte et le Maroc, l’ambiance était électrique, même dans des stades loin d’être pleins.
Les supporteurs marocains reprennent le clapping rendu célèbre par l’équipe nationale islandaise. Ces applaudissements retentissants ont notamment parcouru les travées climatisées de l’Education City Stadium lors du match contre la Jordanie.
Les supporteurs égyptiens les plus aguerris chantent jusqu’au bout de la nuit, entonnant notamment le célèbre « Ya Trika » en hommage à leur icône en exil, Mohamed Aboutrika.
« Les pays arabes doivent faire preuve de plus de solidarité, et la Coupe arabe sera peut-être la dernière pièce du puzzle »
– Yacine Brahimi, footballeur algérien
Le Qatar a peut-être fourni les installations et les stades dernier cri, mais ce sont les autres pays arabes qui ont assuré l’ambiance durant la compétition. Pour le tournoi beaucoup plus important prévu en 2022, les organisateurs espèrent revoir leurs bruyants voisins régionaux.
« Nous n’avons jamais parlé du Mondial comme d’un tournoi qatari. Nous l’avons toujours décrit comme un événement arabe », soutient le responsable qatari.
Il en veut pour preuve le design des stades : le Lusail Iconic Stadium forme un bol pour symboliser la cuisine et l’hospitalité arabes, le stade Al-Bayt a la forme d’une tente en hommage au mode de vie bédouin, tandis que le stade d’al-Thumama est un gahfiya, un chapeau tissé porté dans tout le Moyen-Orient.
Coopération bienvenue
L’attaquant algérien Yacine Brahimi espère que la Coupe arabe pourra favoriser la solidarité dans la région avant la Coupe du monde.
« Je pense que le sport peut servir de levier pour améliorer les situations et les relations », affirme-t-il à MEE. « Les pays arabes doivent faire preuve de plus de solidarité, et la Coupe arabe sera peut-être la dernière pièce du puzzle. La Coupe du monde – avec les différentes cultures, nationalités, religions et croyances – nous aidera à améliorer l’état des lieux. »
Fatma al-Nuaimi estime que les supporteurs de la région feront le court voyage jusqu’au Qatar, que leur nation soit qualifiée ou non en 2022 (beaucoup ne le seront pas, en raison du nombre limité de places pour les équipes asiatiques et africaines).
« Au Brésil, on [a pu] constater une forte affluence en provenance d’Amérique latine en raison de la proximité géographique du tournoi », explique-t-elle. « Ainsi, en ce qui nous concerne, nous attendrons un public du Moyen-Orient. »
Il y a seulement quatre ans, certains des voisins régionaux du Qatar, à savoir l’Arabie saoudite, Bahreïn, les Émirats arabes unis et l’Égypte, ont rompu tous leurs liens diplomatiques avec Doha, l’accusant de s’ingérer dans leurs affaires intérieures et de soutenir le terrorisme, ce que le Qatar a vigoureusement démenti.
Les liens commerciaux et les déplacements régionaux ont été interrompus et des familles ont été séparées. Alors que le blocus a pris fin en janvier dernier, la coopération entre ces pays sera bienvenue à l’approche de la Coupe du monde.
Le responsable qatari précise que Doha n’a pas refusé l’entrée aux citoyens des pays bloqueurs pendant le conflit et que les supporteurs saoudiens ont pu assister à la Coupe du monde des clubs de la FIFA en 2019, qui a également été organisée dans la ville.
« Lorsque nous avons ouvert le programme de volontariat pour les événements de la FIFA, plus de 250 000 personnes ont manifesté leur intérêt. Les demandes les plus nombreuses provenaient d’Égypte et d’Arabie saoudite – à un moment où le site web était bloqué dans ces pays », explique-t-il.
Lors de la cérémonie d’ouverture de la Coupe arabe, la région dans son ensemble a été célébrée, avec des prestations assurées par des stars en provenance d’Égypte, d’Irak et d’ailleurs, mais aussi une performance acoustique unificatrice reprenant les hymnes nationaux de toutes les nations arabophones du monde.
Les Qataris espèrent que cet esprit – celui du monde arabe au sens large – fera de leur nation un digne pays hôte de la Coupe du monde dans un peu moins d’un an.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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