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Un Belge victime de la « diplomatie des otages » pratiquée par le régime iranien

Les autorités iraniennes maîtrisent à la perfection une technique qui consiste à forcer l’échange de ressortissants occidentaux arrêtés et condamnés en Iran contre des agents iraniens ou des sommes d’argent. Le Belge Olivier Vandecasteele l’expérimente à ses dépens
Manifestation en solidarité avec le ressortissant belge détenu en Iran, Olivier Vandecasteele, à Bruxelles le 22 janvier 2023 (AFP/Kenzo Tribouillard)
Manifestation en solidarité avec le ressortissant belge détenu en Iran, Olivier Vandecasteele, à Bruxelles le 22 janvier 2023 (AFP/Kenzo Tribouillard)

Depuis près d’un an, les proches d’un travailleur humanitaire belge, Olivier Vandecasteele (42 ans), vivent un cauchemar. Celui-ci a été arrêté le 24 février 2022 en Iran et, pendant des mois, aucune information claire n’a filtré sur les raisons de son arrestation.

Mais les contacts que la Belgique a rapidement pris en toute discrétion avec le régime iranien ont levé les doutes : Olivier Vandecasteele ne pourra recouvrer la liberté qu’à une seule condition, celle d’être échangé contre un diplomate iranien purgeant une peine de prison de vingt ans en Belgique après une condamnation à Anvers en 2021 pour participation à une entreprise terroriste.

Bruxelles a bien dû se rendre à l’évidence : le sort funeste réservé par l’Iran au travailleur humanitaire belge fait partie d’une stratégie souvent appliquée par le régime ces dernières années, surnommée « diplomatie des otages » par les observateurs de la scène politique iranienne.

Le procédé est simple : après l’arrestation et la condamnation d’étrangers (souvent des doubles nationaux également iraniens, mais pas toujours), l’Iran négocie leur libération contre soit le retour sur le sol national d’agents emprisonnés ailleurs, soit le déblocage d’avoirs iraniens saisis.

De nombreux précédents

Le régime iranien recourt depuis longtemps à cette diplomatie qui, en réalité, s’apparente à du chantage. Et il s’y tient car elle donne des résultats. Par exemple, en 2009, une étudiante française, Clotilde Reiss, était échangée contre Ali Vakili Rad, un Iranien qui purgeait une peine pour l’assassinat de l’ancien Premier ministre Chapour Bakhtiar.

En 2016, l’Iran a libéré cinq otages américains dans le cadre d’un accord qui prévoyait, en contrepartie, le dégel de près de 2 milliards de dollars d’actifs bloqués et la libération de sept agents iraniens. En 2020, le chercheur français Roland Marchal était libéré contre le retour en Iran, la veille, de Jalal Rohollahnejad, un ingénieur iranien détenu en France et dont les États-Unis réclamaient l’extradition.

Le régime iranien recourt depuis longtemps à cette diplomatie qui, en réalité, s’apparente à du chantage. Et il s’y tient car elle donne des résultats

L’universitaire australo-britannique Kylie Moore-Gilbert a été libérée la même année en échange de trois Iraniens condamnés pour des attentats en 2012 visant des diplomates israéliens à Bangkok. Ces exemples ne sont pas exhaustifs, loin de là.

Et d’autres Occidentaux croupissent toujours dans les geôles du régime iranien en attendant un hypothétique accord d’échange avec leur pays. C’est le cas de sept Français, dont la chercheuse franco-iranienne Fariba Adelkhah arrêtée à l’aéroport de Téhéran en 2019, ou encore le Franco-Irlandais Bernard Phelan, arrêté en Iran le 3 octobre dernier et actuellement en grève de la faim et de la soif dans sa prison.

Une quinzaine d’autres cas existent, dont plusieurs Américains, et certains exemples dramatiques se révèlent très inquiétants, tel celui de l’Irano-Suédois Ahmadreza Djalali, condamné à mort en 2017 pour espionnage et implication dans la mort de deux scientifiques nucléaires.

Un traité promptement négocié

En ce qui concerne Olivier Vandecasteele, Téhéran a fait comprendre à Bruxelles que son sort était inextricablement lié à celui d’Assadollah Assadi, un diplomate iranien arrêté en 2018 par la police belge.

L’homme a été condamné trois ans plus tard à vingt de prison par un tribunal d’Anvers. Trois binationaux irano-belges, pris en flagrant délit dans la même affaire par la police belge, ont aussi subi de lourdes condamnations pénales. Invoquant vainement son immunité diplomatique, Assadi ne s’est pas défendu et n’a pas fait appel.

Il était reproché à l’Iranien d’avoir organisé un attentat à la bombe qui aurait dû être perpétré le 30 juin 2018 à Villepinte, dans la banlieue de Paris. Un vaste rassemblement du Conseil national de la résistance iranienne (CNRI), un mouvement radical de l’opposition iranienne essentiellement composé de l’Organisation des moudjahidine du peuple iranien (MeK), devait constituer la cible de cet attentat qui aurait pu faire des dizaines de victimes, sinon plus.

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Dès l’arrestation à Téhéran d’Olivier Vandecasteele, le gouvernement belge n’a pas ménagé ses efforts pour obtenir sa libération. Pour preuve, il a même fait adopter le 30 juillet dernier par le Parlement une loi ratifiant un traité, signé dès le 11 mars entre la Belgique et l’Iran, qui prévoit pour chacun des deux pays la possibilité du transfèrement de prisonniers possédant la nationalité de l’autre pays pour soit purger sa peine dans son propre pays, soit y être amnistié ou gracié. Du cousu main pour clore cette affaire par un échange de prisonniers, pensait le gouvernement belge.

Or, nouveau coup de théâtre, le 8 décembre 2022, la Cour constitutionnelle belge, saisie par des députés belges proches du CNRI, a suspendu l’application de la loi ratifiant le traité entre Bruxelles et Téhéran. Visiblement échaudé, l’Iran a ensuite fait monter la pression sur les autorités belges en donnant jour après jour de nouveaux et inquiétants détails sur les peines subies par leur otage belge.

Il a ainsi été divulgué qu’Olivier Vandecasteele avait en réalité été condamné à diverses peines de prison totalisant 40 ans et à 74 coups de fouet, pour espionnage, collaboration avec les États-Unis contre l’Iran, blanchiment d’argent et trafic de devises.

Des chefs d’inculpation qui paraissent plus que surréalistes pour cet humanitaire qui avait passé six ans dans l’est de l’Iran au chevet des réfugiés afghans. En outre, les conditions de détention du Belge font craindre le pire, lui qui vit à l’isolement total depuis le début de son incarcération. Sa santé, physique comme mentale, serait d’ailleurs des plus précaires.

La Belgique se mobilise

La Belgique est en émoi. La presse belge fait ses grands titres de l’affaire depuis décembre et la famille Vandecasteele remue ciel et terre pour que les autorités belges trouvent le moyen de faire libérer leur proche.

Ce 20 janvier, fait rare, les quotidiens belges francophones se sont joints, avec le soutien d’Amnesty International, pour publier une page commune contenant notamment un portrait de l’otage et la signature en soutien de nombreuses personnalités.

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À Bruxelles, la Cour constitutionnelle s’est donné jusqu’au 8 mars pour statuer sur le fond à propos de la légalité du traité de transfèrement de prisonniers entre la Belgique et l’Iran.

Mais en Belgique, de nombreuses voix s’élèvent pour que les autorités n’attendent pas ce verdict – qui pourrait d’ailleurs se révéler négatif et donc compliquer les choses – et pour qu’elles procèdent rapidement et sans autre forme de procès à l’échange exigé par le régime iranien entre Vandecasteele et Assadi.

L’argument des défenseurs de ce compromis avec l’Iran tient en un constat réaliste : plusieurs grands pays, l’Australie, les États-Unis, la Grande-Bretagne ou la France, ont déjà dans un passé récent procédé sans gloire à de tels échanges pour d’évidentes raisons humanitaires ; il n’y a donc pas à hésiter, il faut que le calvaire d’Olivier Vandecasteele prenne fin.

Ces voix assument ainsi que le prix en sera la libération d’un terroriste et aussi une incitation pour l’Iran à perpétuer sa « diplomatie des otages » puisqu’elle donne des résultats probants.

En Iran, décidément, le régime ne s’embarrasse pas de scrupules. La dure répression contre les manifestants au cours des derniers mois, les récentes pendaisons de quatre d’entre eux et la sinistre « diplomatie des otages » en attestent à suffisance.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Baudouin Loos a fait sa carrière de journaliste au quotidien Le Soir, à Bruxelles, pour lequel il couvre l'actualité au Moyen-Orient et au Maghreb depuis 1990.
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