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Comment l’Organisation des moudjahidine du peuple est passée de la liste noire du terrorisme aux couloirs du Congrès américain

Qualifié de « secte » par ses détracteurs, le MeK, groupe d’opposition iranien, est aujourd’hui encensé par les plus hauts responsables américains comme une alternative au gouvernement de la République islamique
Montage présentant le conseiller à la sécurité nationale, John Bolton (à gauche), et l’avocat personnel du président américain et ancien maire de New York, Rudy Giuliani, avec en arrière-plan le Congrès américain et le logo et le drapeau du MeK (MEE/AFP)
Par Ali Harb à WASHINGTON, D.C., États-Unis

Dès que Maryam Radjavi, dont le visage apparaît sur un écran géant, a fini de parler, le ciel au-dessus de centaines de ses partisans aux États-Unis s’est rempli de confettis rouges, blancs et verts – les couleurs du drapeau iranien.

Vêtue d’un costume bleu foncé lustré et d’un foulard assorti noué autour de son cou – une façon modeste de porter le hijab, passée de mode il y a plusieurs décennies au Moyen-Orient –, Maryam Radjavi, dirigeante de l’Organisation des moudjahidine du peuple iranien (Moudjahidine e-Khalq, MeK), venait d’accuser le gouvernement iranien « de terrorisme et de belligérance ».

« Iran Maryam, Maryam Iran », ont réagi les manifestants, brandissant des affiches de celle qu’ils admirent – à la limite de la dévotion religieuse.

Vêtus de jaune, les partisans du MeK étaient pleins d’entrain mais disciplinés et se tenaient en rang, telle une formation militaire, pour regarder l’écran devant le bâtiment du département d’État américain à Washington.

Ils ont agité des drapeaux iraniens antérieurs à la Révolution islamique, sur lesquels figure un lion en or brandissant une épée au lieu du nom de Dieu en arabe qui orne aujourd’hui l’emblème du pays.

Ses détracteurs décrivent ce groupe d’opposition iranien comme une « secte totalitaire » et s’inquiètent de son poids croissant dans les couloirs du pouvoir à Washington. Il y a sept ans à peine, le département d’État américain classait le MeK en tant qu’organisation terroriste – et sa très mauvaise réputation est une chose dont Maryam Rajavi et ses partisans sont parfaitement conscients. 

Lors de cette manifestation le 21 juin dernier, Radjavi l’a même reconnu, accusant les détracteurs du MeK de se ranger du côté du gouvernement iranien et de mener une « campagne de diabolisation honteuse » à l’encontre du groupe. Cet effort, a-t-elle déclaré en farsi dans la vidéo, qui était accompagnée de sous-titres anglais, « cherche à perpétuer le discours selon lequel le peuple iranien est mieux loti avec le régime théocratique des mollahs ».

Dans son bref discours par vidéo, Maryam Radjavi a également remercié ses « amis » aux États-Unis – parmi lesquels figurent aujourd’hui des élus, des sénateurs, des ex-généraux, d’anciens ambassadeurs et des responsables politiques de tous bords.

En fait, deux des bras droits du président américain Donald Trump ont été rémunérés par le MeK : le conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, et l’avocat personnel du président, Rudy Giuliani, ont tous deux facturé des honoraires salés pour prendre la parole lors de manifestations organisées par le MeK au cours des dernières années.

« États-Unis, États-Unis, agissez ; les mollahs doivent être davantage sanctionnés ! », scandaient les manifestants (MEE/Ali Harb)
« États-Unis, États-Unis, agissez ; les mollahs doivent être davantage sanctionnés ! », scandaient les manifestants (MEE/Ali Harb)

De leur côté, les manifestants du MeK, devant le bâtiment même qui qualifiait leur organisation de groupe terroriste en 1997, demandaient au gouvernement américain : « États-Unis, États-Unis, agissez ; les mollahs doivent être davantage sanctionnés ! ». On pouvait aussi voir dans la foule des ballons dorés où figurait l’inscription « #Libérez l’Iran ».

Outre Giuliani et Bolton, des législateurs des deux principaux partis politiques américains ont chanté les louanges du MeK en tant que mouvement en faveur de la démocratie, en dépit de son passé mouvementé.

« C’est ridicule qu’ils aient pu obtenir l’influence qu’ils ont aux États-Unis », a déclaré à MEE Barbara Slavin, directrice de la Future of Iran Initiative de l’Atlantic Council, un think tank basé à Washington. 

« Je pense que c’est principalement à cause de l’argent… qu’ils paient des lobbyistes pour défendre leur cause », a-t-elle ajouté. « Des personnes très influentes comme John Bolton et Rudy Giuliani ont pris leur parti. »

Giuliani s’est encore présenté sur le podium du MeK ce mois-ci, en tête d’affiche d’une conférence en Albanie, où est maintenant basé le groupe de dissidents. L’ancien maire de la ville de New York a décrit le groupe comme un « gouvernement en exil », affirmant qu’il s’agissait d’une alternative prête à diriger le pays si le gouvernement iranien s’effondrait.

« Nous n’avons pas à nous demander : “Qu’est-ce qui pourrait être pire ?” Nous savons qu’il existe quelque chose de bien meilleur », a déclaré Giuliani, qui a publiquement envisagé et soutenu la perspective d’un changement de régime à Téhéran.

Il a poursuivi en plaisantant sur le fait que Maryam Radjavi avait plus de soutien que lui au Congrès américain – et à en juger par l’influence du groupe sur les détenteurs du pouvoir à Washington, il a peut-être raison.

Soutien bipartite

Au fil des ans, Eliot Engel et Brad Sherman, démocrates haut placés de la Chambre, le membre républicain du Congrès Tom McClintock, le sénateur républicain John Cornyn, les sénateurs démocrates Gary Peters et Jeanne Shaheen, ainsi que le sénateur John McCain aujourd’hui décédé, ont tous assisté à des événements en faveur de l’organisation.

Lors du rassemblement à Washington le mois dernier, des politiciens démocrates comme républicains ont salué la lutte du groupe contre le gouvernement iranien. Depuis son retrait en 2012 de la liste des organisations terroristes étrangères établie par Washington, le MeK a tiré parti de sa capacité à opérer légalement aux États-Unis – et de l’hostilité croissante de ses derniers à l’égard de l’Iran – pour courtiser les législateurs.

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« Taper sur l’Iran est bon sur le plan politique dans certains cercles… S’il existe également un incitatif financier, il devient facile pour beaucoup de législateurs d’y adhérer », a déclaré Ryan Costello, directeur des politiques au National Iranian American Council (NIAC), un lobby basé à Washington.

Le mois dernier, des législateurs clés et d’anciens responsables ont prononcé des messages de soutien lors du rassemblement du MeK à Washington, notamment le sénateur Bob Menendez, le démocrate le plus haut placé au sein de la commission des relations extérieures.

« Merci de continuer à souligner le sort des Iraniens sous un régime oppressif et brutal », a déclaré Menendez dans une déclaration écrite lue au cours de la manifestation. « Je partage votre vision d’un avenir meilleur pour l’Iran et tous les Iraniens. »

Le rassemblement a eu lieu moins de 24 heures après que Trump a ordonné, puis annulé, des frappes militaires contre l’Iran dans un contexte d’escalade des tensions entre les deux pays. Le New York Times avait alors rapporté que John Bolton était l’un des principaux responsables de la Maison-Blanche encourageant l’action militaire.

Bolton, intervenant régulier lors des rassemblements du MeK, partage l’opinion du groupe selon laquelle le régime iranien ne peut être réformé et doit donc être renversé. Lors d’une conférence organisée par le MeK à Paris en 2017, quelques mois avant son arrivée dans l’équipe de Trump, Bolton a annoncé à la foule qu’elle célébrerait la chute du gouvernement iranien avant 2019. 

« Depuis plus de dix ans que je viens à ces événements, je répète que la politique déclarée des États-Unis d’Amérique devrait consister à renverser le régime des mollahs à Téhéran », avait- il déclaré à l’époque. 

Des manifestants pacifistes ont perturbé le rassemblement du MeK à Washington le mois dernier (MEE/Ali Harb)
Des manifestants pacifistes ont perturbé le rassemblement du MeK à Washington le mois dernier (MEE/Ali Harb)

Lors du rassemblement du mois dernier, plusieurs intervenants ont également souligné que le MeK était le remplaçant idéal du gouvernement à Téhéran. « Nous avons besoin d’un nouveau régime, et ce régime, c’est vous, le MeK », a déclaré à la foule Bill Richardson, ancien gouverneur du Nouveau-Mexique et ambassadeur américain à l’ONU de 1997 à 1998.

L’Organization of Iranian American Communities (OIAC), un lobbby lié au MeK et basé aux États-Unis, n’a pas répondu aux multiples demandes d’interview de MEE pour en savoir plus sur ses efforts aux États-Unis.

Quand on lui a demandé si le MeK avait suffisamment de légitimité pour être une alternative au gouvernement iranien, comme l’ont affirmé certains partisans du groupe, Barbara Slavin, de l’Atlantic Council, a répondu à MEE : « Non, absolument pas. »

Elle a néanmoins ajouté que tous les législateurs qui prenaient la parole lors des manifestations du MeK n’étaient pas nécessairement conscients de l’histoire du groupe ni ne soutenaient l’organisation elle-même. « Ils savent que ce groupe est opposé au régime iranien », explique-t-elle. « Ils ne regardent pas les détails, ils n’examinent pas l’histoire du groupe. »

L’histoire du MeK

Le MeK a vu le jour en Iran en 1965 en tant que mouvement islamiste et socialiste d’ordre idéologique opposé au régime dictatorial du shah Mohammad Reza Pahlavi. Il a rejoint les rangs de la Révolution islamique en 1979, mais s’est heurté au dirigeant du soulèvement, Rouhollah Khomeini, peu après la chute de Pahlavi.

Après avoir fait face à une répression meurtrière de la part des nouvelles autorités iraniennes, le MeK s’est lancé dans une série d’attaques contre des responsables gouvernementaux et des forces de sécurité. Les membres du groupe, menés par le mari de Maryam Radjavi, Massoud Radjavi, se sont exilés et se sont finalement installés en Irak en 1986. Ils ont alors pris le parti de Saddam Hussein dans sa guerre contre leur pays d’origine.

La guerre entre l’Iran et l’Irak a sévi de 1980 à 1988, des centaines de milliers de personnes ont été tuées et les forces irakiennes ont ouvertement utilisé des armes chimiques au combat. Vers la fin de la guerre, les militants du MeK étaient sur la première ligne et ont dirigé une importante incursion sur le territoire iranien, qui a été repoussée par l’armée du pays en 1988.

Après la guerre, le MeK est resté en Irak et, selon certains de ses critiques, dont le National Iranian American Council, le groupe a aidé les forces irakiennes à réprimer brutalement les soulèvements kurdes et chiites au début des années 1990 – accusations rejetées par le MeK.

« L’histoire récente a montré que les États-Unis finissent souvent par soutenir par erreur non seulement les mauvais groupes d’exilés du Moyen-Orient, mais également les moins importants »

- Elizabeth Rubin, New York Magazine

Lors de l’invasion de l’Irak dirigée par les États-Unis en 2003 qui a renversé Saddam Hussein, les forces américaines ont bombardé les bases du MeK dans le pays avant de parvenir à un accord de cessez-le-feu avec le groupe. Massoud Radjavi a disparu cette année-là et on ignore toujours où il se trouve, plaçant Maryam seule à la tête de l’organisation.

À partir de 2009, le gouvernement irakien est devenu plus ouvertement hostile au MeK face à l’influence croissante de l’Iran à Bagdad. En conséquence, les États-Unis se sont efforcés de faire sortir les membres du groupe d’Irak et de fermer leur base principale dans le camp d’Achraf, à la périphérie de la capitale irakienne, où les membres du groupe avaient été confinés après l’invasion américaine.

Le MeK a commencé à se réinstaller en Albanie en 2013. Un an plus tôt, l’ancienne secrétaire d’État américaine Hillary Clinton avait retiré le groupe de la liste noire des organisations terroristes du Département d’État – quinze ans après son ajout – permettant à ses membres de travailler ouvertement aux États-Unis.

Lors du débat sur la légalisation du MeK aux États-Unis, Elizabeth Rubin, collaboratrice du New York Magazine, a averti que le groupe pourrait utiliser son nouveau statut pour faire entrer Washington dans une guerre avec Téhéran.

« Si le groupe est rayé de la liste du terrorisme, il pourra librement faire pression sur le gouvernement américain sous le couvert d’un mouvement de la démocratie iranienne », écrivait-elle en 2011, établissant un parallèle avec l’influence que les exilés irakiens avaient exercée sur la décision américaine d’envahir l’Irak.

« L’histoire récente a montré que les États-Unis finissent souvent par soutenir par erreur non seulement les mauvais groupes d’exilés du Moyen-Orient, mais également les moins importants. »

Liste noire et popularité

Cependant, tout le monde ne voit pas le MeK sous un jour négatif. Des faucons anti-iraniens se sont notamment demandé pourquoi ce groupe s’était retrouvé sur la liste noire des terroristes américains.

Raymond Tanter, professeur de sciences politiques qui a siégé au Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche au début des années 1980, a déclaré qu’il avait étudié l’histoire du groupe et était convaincu qu’il était du « bon côté de la justice ».

Lors d’une interview avec MEE le mois dernier, Tanter a déclaré que l’ancien président Bill Clinton avait placé les dissidents iraniens sur la liste des organisations terroristes étrangères en 1997 pour apaiser Téhéran. « Ils étaient [sur la liste] parce que le gouvernement Clinton voulait faire une faveur à certains des soi-disant “modérés” qui avaient été élus en Iran », affirme-t-il.

« [Le guide suprême Ali] Khamenei émettait des signaux suggérant qu’il était disposé à négocier, mais ces signaux sont devenus très, très creux et rien n’en est ressorti. » Raymond Tanter précise qu’il évite d’utiliser le terme MeK en raison de son affiliation à la liste noire du département d’État, préférant OMPI, qui est l’acronyme d’Organisation des moudjahidine du peuple iranien.

Rudy Giuliani a qualifié le MeK de « gouvernement en exil » le 13 juillet lors d’un événement en Albanie (AFP)
Rudy Giuliani a qualifié le MeK de « gouvernement en exil » le 13 juillet lors d’un événement en Albanie (AFP)

Tanter a déclaré à MEE que le soutien bipartite apporté au groupe résultait principalement des efforts de lobbying déployés par l’Organization of Iranian American Communities. Il explique que l’OIAC est composée d’Irano-Américains de tous les États-Unis, y compris de nombreux cols blancs.

Néanmoins, un soutien dans les couloirs du Congrès ne se traduit pas nécessairement par une influence tangible sur le terrain. Les critiques du MeK affirment que le groupe n’a aucune représentation en Iran, où la population haït le mouvement en raison de son histoire militante.

« Ils n’ont pas d’adeptes en Iran ; en fait, ils sont largement détestés pour avoir pris le parti du régime de Saddam Hussein pendant la guerre Iran-Irak », déclare Barbara Slavin. « Ils n’ont aucune base dans le pays. »

« Ils n’ont pas d’adeptes en Iran ; en fait, ils sont largement détestés pour avoir pris le parti du régime de Saddam Hussein pendant la guerre Iran-Irak »

- Barbara Slavin, Atlantic Council

En l’absence de médias indépendants en Iran et en raison de la nature clandestine des activités du MeK dans le pays, il est difficile de déterminer le niveau de soutien du groupe parmi les Iraniens.

Raymond Tanter a cependant déclaré que la popularité du MeK pouvait être mesurée par l’inquiétude exprimée par le gouvernement iranien à ce sujet. Citant des recherches récentes menées par ses étudiants de l’Université de Georgetown, le professeur a indiqué que le gouvernement iranien mentionnait sans cesse le MeK. « L’attention portée est un indicateur de l’importance du MeK et du CNRI [Conseil national de la résistance iranienne, dominé par le MeK] en Iran », estime-t-il.

Barbara Slavin rejette toutefois cet argument, affirmant que le gouvernement iranien exprimait des inquiétudes à propos du MeK parce qu’il le considérait comme un intermédiaire de l’Arabie saoudite et d’Israël. « Le MeK a commis des actes de terrorisme en Iran ; soyons réalistes à ce sujet », a-t-elle déclaré à MEE.

Un passé violent

Il y a sept ans, NBC News a cité deux responsables américains qui ont affirmé que des membres du MeK formés par Israël étaient à l’origine des assassinats de cinq scientifiques nucléaires iraniens entre 2007 et 2012. Le groupe a démenti les informations à l’époque, dénonçant un « pur mensonge ».

Mais le MeK a été accusé d’être responsable d’une série d’attentats au cours de son histoire.

En 2006, un rapport du département d’État américain a indiqué que le MeK avait mené une série d’attaques meurtrières en Iran, accusant le mouvement d’avoir perpétré un attentat à la bombe à Téhéran en 1981 ayant coûté la vie à plusieurs dizaines de hauts responsables iraniens, dont le chef du système judiciaire Mohammad Beheshti. Le groupe a également ouvertement mené des raids violents contre des ambassades iraniennes à travers le monde en 1992.

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En outre, au cours de l’époque qui a précédé la révolution en Iran, le MéK a commis « des attentats à la bombe et des fusillades contre des militaires américains stationnés en Iran », a écrit l’ancien responsable du département d’État américain Daniel Benjamin dans un édito de Politico en 2016.

Mais ce passé violent est désormais derrière le MeK, a affirmé Kazem Kazerounian, un professeur d’ingénierie à l’Université du Connecticut qui s’est exprimé lors du rassemblement pro-MeK organisé à Washington en juin. Kazerounian a décrit le mouvement comme une « résistance légitime et organisée à la tyrannie du régime iranien ».

« À l’heure actuelle, ils ne sont pas violents ; ils ne sont pas une organisation militaire », a-t-il indiqué à MEE. D’après lui, les membres du groupe sont les « organisateurs clés » des manifestations pacifiques en Iran et la lutte actuelle du MeK contre le gouvernement iranien lui confère de la crédibilité.

« En l’absence de possibilité d’élections démocratiques – que nous aimerions obtenir en réalité dès que ce régime tombera –, la résistance est la base de la légitimité du Conseil national de la résistance iranienne », selon Kazerounian.

Néanmoins, pour un groupe qui défend l’égalité des sexes et qui affirme être la principale faction pro-démocratique iranienne, le MeK ne cache guère ses liens avec le gouvernement ultraconservateur et autocratique saoudien.

Les rassemblements du MeK accueillent souvent des intervenants pro-saoudiens et parfois même des responsables saoudiens. Turki al-Fayçal, prince saoudien mais aussi ancien chef des services de renseignement et diplomate clé, a par exemple pris la parole lors de rassemblements du MeK à Paris en 2016 et 2017, incitant Téhéran à accuser Riyad de soutenir le terrorisme.

Salman al-Ansari, président du Saudi American Public Relation Affairs Committee (SAPRAC), un lobby pro-Riyad à Washington, a également pris la parole lors de la conférence organisée par le MeK le 13 juillet en Albanie. Il a été interrompu à plusieurs reprises par des chants et des acclamations des partisans du groupe alors qu’il s’en prenait à l’Iran en arabe et en farsi.

« Je vous le dis clairement, en tant que citoyen saoudien qui aime son pays, en tant qu’Arabe fier de son arabisme et en tant que musulman honoré par sa religion […], nous sommes tous des Achrafis », a-t-il déclaré en rendant hommage au camp Achraf-3, la base du MeK en Albanie.

Le culte des Radjavi 

Les Saoudiens ne sont toutefois pas les seuls responsables étrangers à assister aux événements du MeK.

HRW a attribué au groupe des violations « allant de la détention et à la persécution de membres ordinaires souhaitant quitter l’organisation à de longues périodes d’isolement, des passages à tabac et des actes de torture contre des membres dissidents »

L’ancien Premier ministre canadien Stephen Harper a pris la parole lors de la conférence du groupe qui se tenait ce mois-ci en Albanie, à laquelle se sont joints des dizaines de législateurs et d’anciens ministres du monde entier, notamment l’ancien sénateur américain et candidat à la vice-présidence démocrate Joe Lieberman, ainsi que des députés de tout le Moyen-Orient.

La plupart des intervenants ont dénoncé l’Iran et chanté les louanges de Maryam Radjavi et du MeK.

Pourtant, Radjavi n’a pas toujours été autant vénérée dans les capitales occidentales. En 2003, elle a été brièvement détenue à Paris avec des dizaines de membres du MeK suite à des accusations de terrorisme. Dix ans plus tard, elle a publié un plan en dix points pour le MeK dans lequel elle s’est engagée en faveur d’élections libres, de l’égalité des sexes, de l’abolition de la peine de mort et de la fin du programme nucléaire iranien.

Une disposition du manifeste, portant sur le respect de la propriété privée et d’une économie de libre marché, semblait toutefois répondre aux préoccupations persistantes des partisans occidentaux du MeK quant à l’idéologie communiste du groupe.

Le MeK aurait commencé à exiger de ses membres une « dévotion quasi religieuse envers les Radjavi » dans les années 1980 (AFP)
Le MeK aurait commencé à exiger de ses membres une « dévotion quasi religieuse envers les Radjavi » dans les années 1980 (AFP)

Le rapport du département d’État américain daté de 2006 présente le MeK comme un mélange « de marxisme, de féminisme, de nationalisme et d’islam ». En effet, le logo originel du groupe comporte des symboles communistes, notamment une faucille et une étoile rouge, sous un verset du Coran qui fait l’éloge de ceux qui luttent – les moudjahidine.

Les croyances de gauche du groupe peuvent sembler en faire un étrange compagnon pour des faucons de droite tels que Bolton et Harper. Mais Raymond Tanter, le professeur de sciences politiques, affirme avoir conclu, après des discussions avec de nombreux membres du MeK, que ceux-ci se situaient « à droite » du sénateur américain Bernie Sanders, qui se décrit comme un socialiste démocrate.

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Outre son idéologie, des groupes de défense des droits de l’homme ont décrié le traitement réservé par le MeK à ses propres membres : le mouvement exige un dévouement total aux Radjavi et à l’organisation. En 2005, un rapport publié par Human Rights Watch (HRW) accusait le MeK de demander à ses partisans de divorcer pour se consacrer pleinement au groupe. 

HRW a également attribué au groupe des violations « allant de la détention et à la persécution de membres ordinaires souhaitant quitter l’organisation à de longues périodes d’isolement, des passages à tabac et des actes de torture contre des membres dissidents ».

En 2009, la RAND Corporation, un think tank basé en Californie, a indiqué dans un rapport que le MeK avait commencé, dans les années 1980, à exiger de ses membres « une dévotion quasi religieuse envers les Radjavi ». En outre, le groupe de réflexion a confirmé que le MeK forçait ses partisans à rester célibataires et à couper les ponts avec leurs amis et leurs proches.

Et pour compenser la baisse de popularité liée à son alliance avec Saddam Hussein en Irak, le MeK a commencé à recruter des migrants économiques iraniens au Moyen-Orient sous de faux prétextes, notamment des promesses d’emploi et de visa dans des pays occidentaux, a ajouté le rapport.

En dépit de ces rapports sur ses activités, le MéK reste enveloppée de secret – et son fondement idéologique complexe est difficile à comprendre pleinement, selon Barbara Slavin.

« Pour dire les choses simplement, c’est une secte », conclut-elle.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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