L’idéologie suprémaciste qui empêche Israël et l’Occident de comprendre la lutte palestinienne
Vendredi dernier, Khairy Alqam, un Palestinien du quartier de Bab al-Amoud à Jérusalem, a tué sept Israéliens lors d’une attaque à l’arme à feu dans la colonie de Neve Yaakov à Jérusalem-Est occupée. Le lendemain, au moins trois attaques de moindre ampleur ont été menées par des Palestiniens à Jérusalem, Jéricho et Naplouse, en Cisjordanie occupée.
Cette escalade est intervenue un jour après que l’armée d’occupation israélienne eut tué neuf Palestiniens lors d’un raid dans la ville cisjordanienne de Jénine, tandis qu’un dixième a succombé à ses blessures dimanche.
Selon le président américain Joe Biden, l’État d’apartheid, dirigé par des fascistes comme Itamar Ben-Gvir et Bezalel Smotrich, représente le « monde civilisé »
Au cours du week-end, un autre Palestinien a été tué par un colon israélien en Cisjordanie, et un autre lundi, portant à 33 le nombre de Palestiniens tués par des Israéliens depuis le début de l’année.
L’escalade, en particulier l’attaque contre la colonie de Neve Yaakov, suggère que le conflit entre l’occupation illégale et le peuple palestinien est entré dans une nouvelle ère, en raison d’une combinaison de raisons politiques et opérationnelles.
Depuis 2002, Israël a envahi toutes les régions de Cisjordanie. Il a effacé les classifications des accords d’Oslo pour les zones A (sous contrôle de l’Autorité palestinienne), B (contrôle conjoint israélo-palestinien) et C (sous contrôle israélien). L’armée israélienne contrôle les déplacements quotidiens et tous les aspects de la vie des Palestiniens. L’ONG israélienne de défense des droits de l’homme B’tselem a dénombré environ 174 check-points militaires en Cisjordanie en 2019.
« Combattants individuels »
L’espoir d’établir un État palestinien s’est évanoui après l’échec des pourparlers de Camp David en 2000, lorsque le président américain de l’époque, Bill Clinton, les dirigeants israéliens et leurs homologues palestiniens s’étaient rencontrés pour négocier un accord sur le statut final ; le cadre résultant de ces négociations n’était pas conforme aux droits des Palestiniens.
La lutte des Palestiniens pour la liberté et la fin de l’occupation en Cisjordanie a aussi radicalement changé. Israël a affaibli l’Autorité palestinienne (AP) en ne tenant pas bon nombre de ses promesses, dont la plus importante était la construction d’une nation souveraine.
La plupart des Palestiniens considèrent l’AP comme un outil au service de l’occupation dans la mesure où elle maintient la coordination avec les appareils sécuritaires israéliens. Dans le même temps, Israël et l’AP ont affaibli les factions de la résistance palestinienne. Cette situation – le contrôle de la vie des Palestiniens, l’anéantissement de leurs espoirs, l’affaiblissement de l’AP et la pression sur les factions palestiniennes – a conduit au phénomène des « combattants individuels ».
Selon le Shin Bet, l’agence de sécurité israélienne, en 2021, les Palestiniens ont mené 1 570 attaques qui ont tué 25 Israéliens. L’année 2022 a vu 1 933 attaques, qui ont causé la mort de 29 Israéliens. Dans la plupart des cas, les agresseurs étaient des individus.
Israël a échoué et échouera à mettre un terme à ce phénomène tant qu’il refusera d’accepter et de comprendre la raison pour laquelle il se produit. Comme toujours, après l’attaque de la colonie de Neve Yaakov, le gouvernement israélien a annoncé un plan de punition collective des Palestiniens et d’armement des colons en Cisjordanie, au lieu de s’occuper du vrai problème, à savoir l’occupation.
Les politiciens israéliens ne comprennent pas la leçon à tirer. Tant que durera l’occupation et qu’aucun espoir ne se présentera pour les Palestiniens, la résistance et les turbulences continueront.
Idéologie suprémaciste
Si c’est aussi simple que cela, pourquoi alors le gouvernement israélien et ses alliés occidentaux ne le comprennent-ils pas ? Je pense que les suprématies blanche et juive conduisent à l’incapacité de bien comprendre la question. Les suprémacistes blancs et juifs ne voient pas les Palestiniens comme des « personnes » qui méritent les droits humains fondamentaux. Ils ne croient pas qu’ils méritent le droit à l’autodétermination ou le droit de « résister » pour gagner leur liberté et leur souveraineté.
Dans cette optique, la civilisation n’a rien à voir avec la démocratie, les droits de l’homme ou l’obéissance au droit international. Il s’agit plutôt d’une étiquette qui permet aux États disposant […] de tous types d’armes létales de justifier le meurtre de personnes du « monde non civilisé »
Cette idéologie suprémaciste peut aider à expliquer les politiques et les commentaires des politiciens israéliens et occidentaux. Prenez, par exemple, la déclaration du président américain Joe Biden après avoir appelé le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou vendredi dernier. Il a déclaré que l’attaque contre la colonie de Neve Yaakov était « une attaque contre le monde civilisé ». Selon le président américain, l’État d’apartheid, dirigé par des fascistes comme Itamar Ben-Gvir et Bezalel Smotrich, représente le « monde civilisé ».
Dans cette optique, la civilisation n’a rien à voir avec la démocratie, les droits de l’homme ou l’obéissance au droit international. Il s’agit plutôt d’une étiquette qui permet aux États disposant d’avions de guerre, d’armes nucléaires et de tous types d’armes létales de justifier le meurtre de personnes du « monde non civilisé » – et cette impunité généralisée est accordée parce que le reste du monde « civilisé » les protégera au sein du Conseil de sécurité de l’ONU.
La suprématie juive est ancrée dans le discours politique israélien. Elle a même été légalisée via l’adoption de la loi controversée sur « la citoyenneté », qui fait des Palestiniens des citoyens de seconde zone. Netanyahou, le politicien ayant occupé le plus longtemps le poste de Premier ministre dans l’histoire d’Israël, a insisté sur le fait que son pays est « l’État-nation du peuple juif – et seulement lui », et non celui de tous ses citoyens.
Pas égaux aux juifs
Prenez par exemple les opinions et les politiques fascistes du ministre israélien de la Sécurité, Itamar Ben-Gvir, selon qui les Palestiniens qui ne « croient » pas en Israël devraient être expulsés de leur patrie. À moins d’être suprématiste, personne ne penserait qu’un être humain qui se respecte puisse « croire » en son occupant et oppresseur.
Un autre exemple est celui de Bezalel Smotrich, qui a menacé d’expulser les membres arabes de la Knesset et d’autres musulmans qui « n’acceptent pas la domination juive ». Autrement dit, en tant que Palestinien, vous devez soit accepter la suprématie juive soit être expulsé de chez vous.
Le problème avec ces déclarations et cette idéologie n’est pas simplement d’ordre rhétorique. C’est la base des actions qui empêchent toute possibilité de voir le conflit tel qu’il est. C’est le motif qui pousse à essayer d’arrêter les attaques en traitant les Palestiniens comme des « sujets » qui peuvent être réduits au silence par le biais de punitions collectives et de récompenses ou pressions économiques.
Si l’Occident et les politiciens fascistes qui gouvernent Israël – et pourraient le gouverner encore à l’avenir – ne voient pas les Palestiniens comme un peuple égal aux juifs, qui méritent de vivre dans la dignité et ont le droit à l’autodétermination, ils ne pourront pas résoudre le conflit.
Ils ne feront qu’enflammer la violence à Jérusalem, en Cisjordanie, à Gaza et partout ailleurs dans la Palestine historique.
- Feras Abu Helal est le rédacteur en chef du site d’information Arabi 21.
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Traduit de l’anglais (original).
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