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Plusieurs enquêtes en France et en Suisse visent une agence suisse accusée d’espionnage

Au moins trois enquêtes visent Mario Brero, patron d’ALP Services, pour avoir envoyé entre 2017 et 2020 aux services de renseignement d’Abou Dabi les noms d’un millier d’Européens et de plus de 400 organisations supposément liées aux Frères musulmans
 La militante française féministe et antiraciste Rokhaya Diallo a déposé plainte en août 2023. Le parquet de Paris a confié il y a quelques mois une enquête préliminaire à la Brigade de répression de la délinquance aux personnes (Joël Saget/AFP)
La militante française féministe et antiraciste Rokhaya Diallo a déposé plainte en août 2023. Le parquet de Paris a confié il y a quelques mois une enquête préliminaire à la Brigade de répression de la délinquance aux personnes (Joël Saget/AFP)
Par AFP

L’affaire a commencé en 2023 lorsque le site d’investigation Mediapart a publié une série d’articles, en partenariat avec le consortium européen European Investigative Collaborations (EIC), accusant Mario Brero et ALP Services d’œuvrer pour le compte des renseignements émiratis.

Au menu, selon le site, transmission d’informations à un agent du renseignement émirati, diffusion d’informations pour nuire à des adversaires des Émirats, publication de faux articles attaquant le Qatar et les mouvements liés aux Frères musulmans.

Les Frères musulmans sont désignés par les Émirats, comme par de nombreux pays de la région, comme une organisation terroriste.

D’après Mediapart, l’officine privée suisse aurait notamment envoyé entre 2017 et 2020 aux services de renseignement d’Abou Dabi les noms d’un millier d’Européens et de plus de 400 organisations supposément liées aux Frères musulmans dans dix-huit pays européens, dont plus de 200 personnes et 120 organisations en France, en les qualifiant, souvent à tort, d’islamistes proches des Frères musulmans.

De Benoît Hamon à Rokhaya Diallo

En France, cette liste aurait notamment contenu d’après Mediapart l’ancien candidat socialiste à la présidentielle Benoît Hamon, l’adjointe au maire de Marseille et ancienne sénatrice Samia Ghali, le parti La France insoumise (LFI, gauche radicale) de Jean-Luc Mélenchon, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ou l’autrice et militante antiraciste Rokhaya Diallo

Cette dernière a déposé plainte en août, et d’après deux sources proches du dossier à l’AFP lundi, le parquet de Paris a confié il y a quelques mois une enquête préliminaire à la Brigade de répression de la délinquance aux personnes (BRDP).

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« La justice doit investiguer sur de telles méthodes. Outre qu’elles impliquent une utilisation illégale de données personnelles, elles associent injustement Rokhaya Diallo à un groupe [Frères musulmans] avec lequel elle n’a strictement aucun lien », provoquant « préjudice réputationnel » et « harcèlement » s’inquiète son avocat, Me Vincent Brengarth.

Une autre plainte a été déposée mi-janvier à Paris par Mediapart et par un de ses journalistes, a annoncé le site d’investigation à l’AFP.

D’après une source proche du dossier, la BRDP est également saisie de cette plainte visant, d’après la nouvelle présidente de Mediapart Carine Fouteau, à « dénoncer le fichage que nous estimons illicite […] de l’un[e] de nos journalistes, assimilé[e] à tort à un[e] communicant[e] des Frères musulmans et, ce faisant, livré[e] en pâture aux services secrets émiratis ».

« Ce fichage porte indûment atteinte à sa sécurité et à sa réputation, ainsi qu’à celles du journal », selon elle.

Une « traque »

« Mediapart a, dans le cadre de sa plainte, fourni au parquet de Paris un document interne d’ALP Services qui liste les Français dont les noms ont été transmis aux autorités des EAU », a précisé Carine Fouteau, disant Mediapart « sur le principe, prêt à coopérer avec la justice afin de contribuer à la manifestation de la vérité et éviter, quel que soit le pays, que de tels faits ne se reproduisent. »

À Créteil, près de Paris, après une autre plainte déposée par Sihem Souid, l’une des principales lobbyistes du Qatar en France, une autre enquête préliminaire a été ouverte fin octobre 2023, a indiqué le parquet de Créteil à l’AFP.

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« J’ai été horrifiée d’apprendre que les EAU avaient supervisé une opération de déstabilisation, en ayant recours à une société de renseignement et d’espionnage pour s’attaquer, à travers ma personne, au Qatar », a indiqué Sihem Souid à l’AFP, dénonçant une « traque de [sa] vie privée ».

Son avocate Me Céline Astolfe a demandé la désignation d’un juge d’instruction pour faire la lumière « sur les commanditaires, les exécutants et les objectifs » face à des « pratiques d’une violence et gravité inouïes ».

En Suisse, enfin, une autre source proche du dossier a indiqué à l’AFP que le ministère public de la Confédération enquêtait depuis décembre sur Mario Brero, une proche et ALP Services, après des signalements de plusieurs administrations et des plaintes de l’islamologue Tariq Ramadan et de la ministre écologiste belge du Climat et de l’Environnement, Zakia Khattabi.

Le cabinet de cette dernière a indiqué à l’AFP que la ministre dément tout lien avec l’organisation islamiste des Frères musulmans, dénonçant des « allégations fantaisistes et mensongères ».

Sollicités par l’AFP, l’avocat de Mario Brero n’a pas réagi dans l’immédiat, pas plus que les autorités émiraties. 

Mario Brero avait déjà été condamné en 2014 en France pour un recueil illégal d’informations sur l’époux de l’ancienne patronne du groupe nucléaire français Areva, Anne Lauvergeon.

Par Guillaume Daudin.

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