Israël se sert du Kurdistan irakien comme rampe de lancement pour attaquer l’Iran
Les récentes révélations selon lesquelles Israël dispose d’une base secrète à Erbil, capitale de la région kurde d’Irak, ne devraient surprendre personne.
L’information a été dévoilée à la suite du lancement par l’Iran de missiles balistiques contre cette base il y a une dizaine de jours, prétendument en représailles à une attaque israélienne contre une usine iranienne de drones militaires à Kermanshah.
Si la découverte de la base israélienne à Erbil a pu prendre certains observateurs au dépourvu, ce fait découle en réalité d’une relation de longue date entre Israël et les Kurdes d’Irak.
Après la fondation d’Israël en 1948, de nombreux juifs kurdes ont commencé à émigrer vers le pays, formant aujourd’hui une population de 300 000 habitants.
Au milieu des années 1960, Israël a envoyé le général de brigade Tzuri Sagi en Iran pour organiser une campagne contre l’Irak, dont les forces avaient porté des coups mortels aux forces israéliennes pendant la guerre de 1948.
Sa mission consistait également à soutenir la lutte pour un Kurdistan indépendant en Irak. Il a ainsi contribué à la constitution et à la formation de l’armée kurde.
Des opérations secrètes
Alors que les Kurdes continuaient de lutter pour leur indépendance vis-à-vis de l’Irak, Israël leur fournissait d’importantes quantités d’armes.
Tzuri Sagi a déclaré un jour qu’il s’identifiait tellement aux Kurdes qu’il était devenu « un patriote kurde ».
Des missions de renseignement et des attaques contre des cibles iraniennes auraient été planifiées et exécutées depuis des bases israéliennes comme celle d’Erbil
Après la révolution iranienne de 1979, les Kurdes ont gagné en importance stratégique aux yeux d’Israël, qui les a considérés comme une force régionale compensatrice susceptible de déstabiliser le nouveau régime à Téhéran.
Cela a alimenté l’inimitié des dirigeants iraniens, qui craignaient que les Kurdes ne permettent aux Israéliens de s’implanter davantage dans la région.
Le Mossad a entretenu un réseau d’espions dans la région kurde d’Irak, ainsi qu’en Azerbaïdjan et dans d’autres sites voisins de l’Iran.
En 2005, Yediot Aharonot a rapporté que d’anciens commandos israéliens formaient des forces kurdes aux techniques « antiterroristes ».
Le journaliste d’investigation américain Seymour Hersh a fait état de telles opérations dans le New Yorker en 2004 : « Des agents des services de renseignement et de l’armée d’Israël opèrent aujourd’hui en toute discrétion au Kurdistan, où ils assurent la formation d’unités de commandos kurdes et – chose encore plus importante encore aux yeux d’Israël – mènent des opérations secrètes à l’intérieur des zones kurdes d’Iran et de Syrie. »
Selon un responsable de la CIA cité dans l’article, « la présence israélienne était largement connue de la communauté américaine du renseignement ».
En parallèle, des missions de renseignement et des attaques contre des cibles iraniennes auraient été planifiées et exécutées depuis des bases israéliennes comme celle d’Erbil. Un général iranien a récemment déclaré à un média yéménite qu’il existait au moins deux autres bases de ce type en Irak.
La possibilité d’une escalade
La découverte de la base israélienne en Irak rappelle les relations étroites qu’entretient Israël avec le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev, grâce auxquelles Israël aurait eu accès à des bases aériennes azerbaïdjanaises situées à la frontière septentrionale de l’Iran.
Selon certaines informations, des F-35 israéliens y sont désormais stationnés. Israël a également fourni à l’Azerbaïdjan des drones meurtriers lors de sa guerre contre l’Arménie en 2020.
L’Iran dispose non seulement d’autres bases de drones et conserve également le savoir-faire nécessaire pour reconstituer les stocks détruits
Pourtant, en dépit des provocations entre Erbil et Kermanshah, de telles attaques ont peu d’impact à long terme. Certes, elles peuvent épuiser les capacités de l’Iran en matière de drones.
Mais l’Iran dispose non seulement d’autres bases de drones et conserve également le savoir-faire nécessaire pour reconstituer les stocks détruits.
Compte tenu du sabotage répété des installations nucléaires iraniennes par Israël, les ingénieurs iraniens ont certainement intégré le principe de redondance à tous les aspects de la planification et de la production militaires.
Si l’attaque d’Israël se voulait un avertissement, l’Iran ne l’écoutera sûrement pas. Il poursuivra ses efforts pour percer les défenses d’Israël, que ce soit par des drones ou d’autres moyens. La récente attaque risque même d’intensifier les hostilités et de déboucher sur une guerre potentielle de plus grande ampleur.
En effet, une erreur de calcul dans un camp ou dans l’autre pourrait entraîner un conflit direct entre Israël et l’Iran, dans lequel les ravages causés par les deux camps pourraient ne connaître aucune limite.
Richard Silverstein est l’auteur du blog « Tikum Olam » qui révèle les excès de la politique de sécurité nationale israélienne. Son travail a été publié dans Haaretz, le Forward, le Seattle Times et le Los Angeles Times. Il a contribué au recueil d’essais A Time to speak out (Verso) dédié à la guerre du Liban de 2006 et est l’auteur d’un autre essai dans le recueil Israel and Palestine: Alternate Perspectives on Statehood (Rowman & Littlefield). Photo de RS : Erika Schultz/Seattle Times.
- Richard Silverstein est l’auteur du blog « Tikum Olam » qui révèle les excès de la politique de sécurité nationale israélienne. Son travail a été publié dans Haaretz, le Forward, le Seattle Times et le Los Angeles Times. Il a contribué au recueil d’essais A Time to speak out (Verso) dédié à la guerre du Liban de 2006 et est l’auteur d’un autre essai dans le recueil Israel and Palestine: Alternate Perspectives on Statehood (Rowman & Littlefield). Photo de RS : Erika Schultz/Seattle Times.
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Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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