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Guerre Israël-Palestine : les attaques de colons et les restrictions israéliennes paralysent l’économie en Cisjordanie

Les raids quotidiens des colons et des forces israéliennes, la multiplication des postes de contrôle et la suppression des permis de travail pour les Palestiniens dévastent l’économie locale
Les colons israéliens et l’armée multiplient les raids meurtriers contre des quartiers, villes et villages palestiniens en Cisjordanie. Au moins 229 Palestiniens ont été tués depuis le 7 octobre 2023 (AFP/photo d’archives)
Par Peter Oborne à NAPLOUSE, Cisjordanie occupée

Le désespoir se lit dans les yeux d’Ibrahim Omran.

Les Palestiniens du village de Burin, situé à environ 7 km au sud de Naplouse, en Cisjordanie occupée, vivent dans un état de peur perpétuelle alors que les attaques de colons israéliens et les fermetures d’usines ordonnées par Israël ont un effet dévastateur sur l’économie locale.

« On ne peut pas se déplacer, on ne peut pas travailler, qu’est-ce qu’on peut faire ? » déplore Ibrahim Omran, chef du conseil du village, interrogé par Middle East Eye. 

« Si je veux du lait ou du pain pour mes enfants, comment puis-je m’en procurer ? », s’interroge-t-il.

Depuis le 7 octobre, trois millions de Palestiniens dans toute la Cisjordanie occupée sont plongés dans un état de paralysie profonde depuis qu’Israël a renforcé les restrictions sur le territoire lorsqu’il a lancé son assaut militaire contre la bande de Gaza assiégée.

Alors que les frappes aériennes pleuvaient sur Gaza, les colons israéliens et l’armée ont intensifié leurs raids meurtriers sur des quartiers, villes et villages palestiniens. Au moins 229 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie depuis le début de cette nouvelle phase extrêmement meurtrière du conflit israélo-palestinien.

Ibrahim Omran décrit une atmosphère tendue dans son village : les commerces et les entreprises sont presque toujours fermés et beaucoup d’habitants ont peur de se déplacer de ville en ville et même vers les villages voisins.

« La pauvreté est omniprésente. Pas de nourriture, pas de salaires… j’ai 12 shekels [environ 3 euros] dans ma poche. Le conseil municipal ne peut pas faire payer l’électricité ou l’eau aux habitants parce qu’ils ne peuvent pas payer », affirme-t-il.

Selon Ibrahim Omran, la situation économique a commencé à s’aggraver lorsqu’Israël a cessé de délivrer des permis de travail aux Palestiniens, ce qui a fait perdre leur emploi à environ 500 ouvriers du bâtiment de Burin.

« Dans de nombreux secteurs, les colons nous tirent dessus si on cueille les olives. Parfois, ils attendent qu’on ait travaillé toute la journée, et ce n’est qu’une fois toute la récolte effectuée qu’ils viennent prendre les olives »

- Ibrahim Omran, chef du conseil du village de Burin

La situation s’est encore aggravée lorsqu’Israël a menacé de suspendre les versements à l’Autorité palestinienne (AP), qui exerce une autonomie limitée dans certaines parties de la Cisjordanie occupée.

Le ministre israélien des Finances, l’ultranationaliste Bezalel Smotrich, a proféré cette menace après avoir accusé l’AP de soutenir l’attaque du Hamas contre Israël.

Israël a ensuite déclaré qu’il procéderait aux versements en Cisjordanie occupée, mais qu’il retiendrait les fonds destinés à Gaza, où l’AP aide à couvrir les salaires du secteur public et à payer l’électricité.

Puis les attaques des colons ont commencé. 

Selon Ibrahim Omran, si la violence des colons a gagné en fréquence au fil des ans, la dernière flambée en date a coïncidé avec la saison de la récolte des olives, qui a lieu entre octobre et novembre.

Selon les estimations, les colons ont détruit plus de 3 000 oliviers depuis le 7 octobre, anéantissant ainsi des oliveraies qui étaient transmises de génération en génération en tant qu’héritage ancestral.

Ibrahim Omran, qui se trouve dans un bâtiment municipal surplombant Burin et les colonies israéliennes illégales de Yitzhar, Har Brakha et Giv’at Ronen, affirme que les attaques de colons n’auraient pas été possibles sans l’aide de l’armée israélienne.

« Les colons organisent des attaques sous la supervision de l’armée. Ils coupent, brûlent ou pulvérisent des produits chimiques sur les arbres pour les tuer. Ils nous empêchent de cueillir des olives dans les deux tiers du village qui se trouvent dans la zone C [les 60 % de la Cisjordanie totalement administrés par Israël] », souligne-t-il.

« Dans de nombreux secteurs, les colons nous tirent dessus si on cueille les olives. Parfois, ils attendent qu’on ait travaillé toute la journée, et ce n’est qu’une fois toute la récolte effectuée qu’ils viennent prendre les olives. »

Plonger les Palestiniens dans la pauvreté

Dans le village de Jamma’in, à environ 6 km au sud-ouest de Burin, le directeur d’une entreprise locale de production d’huile d’olive indique que sa production a baissé de 40 % en raison des attaques de colons israéliens et des restrictions imposées par Israël.

En parallèle, le chômage a grimpé en flèche, car les quelque 150 000 journaliers qui se rendaient quotidiennement en Israël se sont vu suspendre leur permis. 

Les salaires en Israël étant en moyenne deux fois plus élevés que les salaires locaux, les journaliers palestiniens apportaient à l’économie locale de précieuses liquidités. Aujourd’hui, ils viennent gonfler le taux de chômage en pleine explosion, alors que le prix de la main d’œuvre journalière locale chute.

Mamummad Saqfezhait, qui dirigeait un cabinet d’avocats d’affaires prospère avec sept employés, a dû réduire les heures de travail de son personnel à un seul jour par semaine, le système judiciaire palestinien étant suspendu depuis le 7 octobre, parce que « les routes sont fermées en raison des check-points et de la violence des colons ».

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Pour ne rien arranger, le système bancaire est gelé. Murad Najar, géomètre, explique que « tous les chèques sont retournés », exhibant comme preuve une liasse de chèques refusés de la Banque de Palestine qu’il sort de son portefeuille.

« Au cours du dernier mois, mes revenus ont été nuls. Je ne peux pas payer mes employés. Je n’ai même pas de quoi payer ma facture d’électricité. »

Selon les Nations unies, l’économie palestinienne, dont la valeur était estimée à 20,4 milliards de dollars avant le début de la guerre, a chuté de 4 % et devrait encore s’effondrer de 4 % ce mois-ci.

Si la guerre se prolonge pendant un troisième mois, l’ONU prévoit un recul de 12 %, ce qui précipiterait 600 000 personnes dans la pauvreté. 

S’il juge la hausse du taux de chômage préoccupante, Ayman Shakaa, directeur d’un centre social à Naplouse, estime que les horreurs qui se produisent à Gaza sont bien plus dévastatrices.

« Personne ici en Cisjordanie ne se plaint parce que la situation à Gaza est bien pire », confie-t-il à MEE. « On ne peut pas crier qu’on ne peut pas manger alors que des gens sont massacrés. »

Le bilan des Palestiniens tués à Gaza a dépassé les 14 500 morts, dont une grande majorité de femmes et d’enfants. 

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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