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Guerre Israël-Palestine : les malades du cancer en grande souffrance faute de traitement à Gaza

À Gaza, les Palestiniens atteints de maladies graves souffrent énormément et leur état de santé se détériore chaque jour en raison de l’absence de soins et de médicaments liée à la guerre et au siège imposé par Israël
Une Palestinienne atteinte d’un cancer arrive en Turquie après son évacuation de Gaza, le 16 novembre (AFP)
Par Aseel Mousa à GAZA, Palestine occupée

Sans le moindre signe avant-coureur et bien qu’il soit sportif, une leucémie a été diagnostiquée à Ahmed al-Yaqoubi, Palestinien de Gaza, en février 2021.

Ce diagnostic a marqué un tournant dans la vie de ce jeune homme de 28 ans, et alors que son système immunitaire s’affaiblissait, Yaqoubi est passé d’une vie normale à la nécessité de recevoir deux transfusions par semaine. 

En raison de la gravité de sa maladie, il a été transféré de l’hôpital al-Rantisi à Gaza à l’hôpital an-Najah de Naplouse, en Cisjordanie occupée

« Après une biopsie et des examens exhaustifs, il est apparu que le type de leucémie dont je souffrais était un SMD [syndrome myélodysplasique], une forme rare de leucémie nécessitant une transplantation de moelle osseuse », explique Yaqoubi à Middle East Eye.

Les médecins de l’hôpital Ichilov de Tel Aviv ont jugé sa maladie inhabituelle car elle affecte généralement des individus de plus de 65 ans ou ceux qui sont exposés à de forts rayonnements chimiques. 

« Lors du transfert à l’hôpital Dar al-Salam, quatre patients ont succombé le jour même de leur évacuation »

- Dr Sobhi Sukeyk, directeur d’hôpital

Depuis son diagnostic, il passe d’un hôpital à l’autre et est retenu aux check-points, ce qui le fatigue encore davantage.

Depuis le début de la guerre à Gaza le 7 octobre et le siège imposé par Israël à la bande côtière, Ahmed al-Yaqoubi n’est plus en mesure de recevoir ses médicaments, essentiels pour son espérance de vie. 

Au moins 26 hôpitaux dans l’enclave assiégée ne sont plus en service depuis le début des bombardements israéliens. Ceci, en plus de la coupure par Israël de l’approvisionnement en aide, en eau, en nourriture, en carburant et en électricité à Gaza depuis le 9 octobre, fait que de nombreux Palestiniens atteints de maladies graves souffrent. 

« J’ai échappé à la mort »

Les autorités israéliennes étaient conscientes de la gravité de l’état de Yaqoubi, mais assurer un traitement n’était pas moins un processus difficile.

Après le diagnostic, il a été contraint d’attendre pendant quatre heures au check-point de Qalandiya près de Ramallah, alors qu’il tentait de rejoindre Tel Aviv pour être soigné. 

« J’étais extrêmement fatigué et épuisé, et il s’avère qu’il y avait un problème avec mon permis de transit de Naplouse à Tel Aviv. L’attente était une horreur et je pouvais à peine reprendre mon souffle. »

En avril 2021, il a appris qu’il avait contracté le covid et une fois guéri, il a dû subir une greffe de moelle osseuse.

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Même après son rétablissement, obtenir un permis pour être soigné en Cisjordanie occupée était compliqué. 

« Je quittais mon domicile à 7 heures du matin et je n’arrivais pas à l’hôpital avant 16 heures l’après-midi… j’étais en retard à mes rendez-vous et il n’y avait aucune considération pour les patients. Les forces d’occupation procèdent à des fouilles de manière extrêmement dure », rapporte-t-il. 

À mesure que sa maladie progressait, Ahmed al-Yaqoubi est passé de 86 à 40 kilos. Sa chimiothérapie a également endommagé ses nerfs. 

« La douleur que j’ai endurée est indescriptible. Encore maintenant, je souffre de douleurs nerveuses dans mes membres. Actuellement, j’ai une immunité très faible. »

« J’ai beaucoup souffert, plus tard j’ai appris que mon état était jugé désespéré ; mais grâce à Dieu, j’ai échappé à la mort », ajoute-t-il.

Lutte entre la vie et la mort

Comme beaucoup de patients atteints de cancer, la vie d’Ahmed al-Yaqoubi a énormément changé depuis sa chimiothérapie. 

Aujourd’hui, il ne peut sortir de chez lui sans masque et ne peut s’exposer au soleil car la mélanine de son épiderme a été détruite par les traitements, ce qui accroît le risque de cancer de la peau.

« Même sous traitement, je lutte entre la vie et la mort », résume-t-il.

« Je n’ai plus les médicaments que je prenais pour soulager la douleur et essayer d’empêcher mon système immunitaire de s’attaquer à mon corps »

- Ahmed al-Yaqoubi, malade du cancer

La guerre actuelle a considérablement réduit les chances que les Palestiniens de Gaza obtiennent des soins pour leurs maladies graves.

« C’est devenu catastrophique depuis le début de l’agression israélienne contre Gaza. Je n’ai plus les médicaments que je prenais pour soulager la douleur et essayer d’empêcher mon système immunitaire de s’attaquer à mon corps », explique-t-il.

« En raison de la détérioration de mon état de santé, je dois être examiné à l’hôpital en Cisjordanie une ou deux fois par mois… mon système nerveux a commencé à se détériorer complètement, provoquant des douleurs nerveuses dans mes yeux et à travers mon corps. »

Sans antidouleurs, Yaqoubi a du mal à dormir ne serait-ce qu’une heure par nuit. 

Le docteur Sobhi Sukeyk, directeur de l’hôpital de l’Amitié turco-palestinienne à Gaza, indique que l’établissement ne tourne plus suite aux bombardements israéliens intenses sur l’enclave assiégée. 

« Le 2 novembre, le personnel de l’hôpital et les patients ont été contraints d’évacuer en raison de l’épuisement total du carburant, rendant impossible le fonctionnement des machines pour la préparation des médicaments pour les patients atteints de cancer, et en raison de l’arrêt des systèmes d’eau et d’assainissement », commente-t-il à Middle East Eye.

Les fenêtres et portes de l’hôpital se sont brisées à cause des bombardements, suscitant la panique parmi les patients. L’alimentation en oxygène dans les hôpitaux a également cessé de fonctionner. 

Les patients ont été transférés à l’hôpital Dar al-Salam de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, mais l’hôpital n’est pas équipé pour traiter les patients atteints de cancer et manque d’équipement vital. 

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La plupart des gens atteints de cancer à Gaza ne reçoivent plus de soins ou de médicaments, provoquant une détérioration rapide de leur état de santé alors que les bombardements israéliens font rage.  

« Le nombre total de malades atteints de cancer à Gaza est de 10 000, tous souffrent de douleurs intenses. Cependant, l’hôpital Dar al-Salam accueille actuellement seulement une douzaine de patients atteint d’un cancer, et leur état est extrêmement difficile », explique le Dr Sukeyk. 

« Lors du transfert à l’hôpital Dar al-Salam, quatre patients ont succombé le jour même de leur évacuation », ajoute-t-il. 

Avant l’actuelle campagne de bombardement israélien de Gaza, environ un millier de cancéreux devaient être transférés à l’étranger pour y être soignés.

Mais désormais, le nombre de patients qui nécessitent un traitement médical à l’étranger a explosé. 

« À présent, environ 2 000 malades du cancer doivent être envoyés à l’étranger », poursuit le médecin. 

Néanmoins, à mesure que les frappes aériennes continuent et que le bilan s’alourdit de jour en jour, les milliers de malades atteints d’un cancer ne pourront être soignés que si la communauté internationale intervient pour préserver leur vie, estime le Dr Sukeyk. 

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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