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Coup d’État au Soudan : la popularité de Hamdok à rude épreuve après son compromis avec l’armée

Abdallah Hamdok a conclu un accord avec l’armée qui lui a rendu son poste de Premier ministre mais qui porte un coup aux manifestants qui considèrent cela comme une trahison de la révolution
Les manifestants soudanais se rassemblent à Khartoum alors que les chefs de l’armée et le Premier ministre Abdallah Hamdok signent un accord le 21 novembre 2021 (AFP)
Par Mohammed Amin à KHARTOUM, Soudan

La popularité du Premier ministre soudanais Abdallah Hamdok est mise à l’épreuve de la rue après la conclusion d’un accord avec l’armée le réintégrant à son poste après des jours de troubles meurtriers faisant suite au putsch du 25 octobre, lequel avait entraîné une vague de soutien populaire au Premier ministre.

Cette avancée politique survient alors que des manifestations de masse, organisées par les comités de résistance et l’Association des professionnels soudanais (APS), se poursuivaient dimanche pour afficher leur opposition à l’accord et au putsch. 

Les manifestations de dimanche ont cela de notable que de nombreux partis politiques, y compris l’ancienne coalition au pouvoir des Forces de la liberté et du changement (FLC), qui avaient résolument soutenu Hamdok après son éviction, rejettent également cet accord.

Ce dernier, qui inclut la libération des prisonniers politiques et la formation d’un cabinet indépendant de technocrates, devrait connaître des difficultés pour atteindre un consensus politique concernant la formation des institutions de transition, la position de l’armée et même la formation d’un nouveau conseil de souveraineté.

Initiative surprise

La popularité de Hamdok s’était accrue depuis le putsch qui l’avait assigné à résidence, avait limogé son gouvernement et entraîné une vague de protestations de masse au cours desquelles 41 manifestants ont été tués selon des sources médicales. 

« Cette déclaration politique par Hamdok est un énorme revers pour notre révolution… [Son] acceptation de cet accord nous frustre »
- Ahmed al-Imam, manifestant

Des milliers de manifestants ont convergé vers le palais présidentiel de Khartoum et se sont rassemblés dans d’autres villes pour rejeter cet accord considéré comme une trahison de la révolution qui a évincé le dirigeant de longue date Omar el-Béchir en octobre 2019. 

Dimanche soir, le comité central des médecins soudanais annonçait dans un communiqué qu’un adolescent de 16 ans avait été abattu d’une balle dans la tête par les forces de sécurité dans la ville de Omdourman.

Dimanche matin, l’annonce de l’accord avait stupéfait les manifestants qui brandissaient des photos de Hamdok dans les rues, écrivaient son nom sur les murs et scandaient des slogans le remerciant, symboles de leur soutien au cours du mois écoulé.

Près du palais présidentiel, Ahmed al-Imam, manifestant d’une quarantaine d’années, a expliqué à MEE que la déclaration politique s’inscrivait dans le cadre du putsch qui règne sur le Soudan depuis le 25 octobre. 

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« Nous sommes contre le régime militaire et nous pensons que l’acceptation de cette déclaration politique par Hamdok est un énorme revers pour notre révolution », a-t-il estimé. 

« L’acceptation de cet accord par Hamdok nous frustre. »

Mudawi Ibrahim, membre de l’équipe de médiation qui comprend des politiciens, des universitaires et des journalistes, a déclaré que l’accord conclu entre les généraux de l’armée, avec à leur tête le général Abdelfattah al-Burhan, et Hamdok verrait le retour au pouvoir du Premier ministre conformément à la déclaration constitutionnelle et non un décret de l’armée ou du Conseil de souveraineté. 

« Après une réunion entre Hamdok et Burhan, avec notre médiation, Burhan est revenu sur sa décision du 25 octobre qui évinçait le Premier ministre », a déclaré Ibrahim, qui est également un important universitaire, à Middle East Eye. 

Mudawi Ibrahim a également confirmé la formation d’un cabinet de technocrates en plus de la libération de l’ensemble des prisonniers politiques. 

Déclaration politique

Hamdok et Burhan ont signé la « déclaration politique » au palais présidentiel alors même que des milliers de personnes manifestaient à l’extérieur. 

Selon cet accord, la période de transition se poursuivrait jusqu’aux élections législatives de 2023.

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La déclaration politique englobe le retour de Hamdok, l’adoption de la déclaration constitutionnelle signée en août 2019, la mise en œuvre de l’accord de paix de Djouba, la création d’institution de transition, notamment l’assemblée législative, des commissions, la cour constitutionnelle et la désignation du procureur général et du juge en chef.

Lors d’une cérémonie à Khartoum, Hamdok a souligné que cette déclaration politique pourrait paver la voie à la révolution et à la transition.  

« L’insistance des Soudanais à corriger le cap de la transition est la garantie d’immuniser la transition contre tout revers », a-t-il assuré.  

Burhan a estimé quant à lui que l’accord était le premier pas pour résoudre les crises de la période de transition, ajoutant que la transition serait menée à travers un large dialogue entre les différents partis politiques et l’armée.

Rejet de l’armée

L’ONU a salué cet accord mais réclame la protection de « l’ordre constitutionnel afin de sauvegarder les libertés fondamentales de l’action politique, la liberté d’expression et de rassemblement pacifique ». 

Dans les rues de Khartoum, les manifestants ont assiégé le centre de la capitale dimanche et convergé vers le palais présidentiel, scandant des slogans hostiles à l’armée et brandissant des bannières rejetant le contrôle de l’armée.   

Le porte-parole de l’APS Wali Ali a déclaré à MEE que l’association était déterminée à poursuivre les manifestations réclamant un régime civil total et la fin du régime militaire dans le pays.

« Nous n’avons rien à faire avec les compromis de l’armée et nous refusons tout accord ou partage de pouvoir avec l’armée »
- Wali Ali, porte-parole de l’APS

« Nous n’avons rien à faire avec les compromis de l’armée et nous refusons tout accord ou partage de pouvoir avec l’armée, donc nous continuons à faire pression avec le rejet populaire de ce putsch », a-t-il souligné. 

Le comité de résistance a aussi vivement critiqué la « déclaration politique », la qualifiant d’autoroute vers un régime militaire au Soudan. 

Les Forces de la liberté et du changement ainsi que d’autres partis politiques, tels que le Parti Oumma, rejettent eux aussi la déclaration politique et en ont boycotté la signature. 

Une des cadres des FLC, Bouchra al-Saim, a qualifié l’initiative de Hamdok de « trahison envers les revendications de la révolution ». 

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« Burhan cherchait la reconnaissance à travers le retour de Hamdok. Hamdok a choisi le côté des dirigeants du putsch, ce qui signifie qu’il ne se soucie pas des milliers de Soudanais qui sont dans les rues à manifester contre ce putsch », selon elle.

Un analyste politique soudanais, qui a requis l’anonymat car il n’est pas autorisé à parler à la presse, a prévenu que la situation actuelle ne résoudrait pas la crise politique dans le pays. 

Selon lui, Hamdok a commis un « suicide politique ». 

« Cette médiation et la déclaration politique ne résoudront pas la crise, et la popularité du Premier ministre s’effondrera après ce qui s’est passé, ce qui l’amènera à dépendre de la force de l’armée pour diriger », explique-t-il.

« L’histoire se répète et le partage du pouvoir avec l’armée n’aboutira pas à une transformation démocratique, c’est exactement ce que nous avons connu en août 2019. »

« Il nous faut également revoir la dépendance envers les médiateurs externes, qui s’attachent en fait uniquement à leurs intérêts et pas nécessairement aux revendications des Soudanais. »

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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