Shou, shinou, ey : les principaux dialectes arabes et ce qui les rend uniques
Fort d’au moins 350 millions de locuteurs, l’arabe est la cinquième langue la plus parlée au monde après l’anglais, le mandarin, l’hindi, l’espagnol et le français.
Cependant, le type d’arabe que vous entendez parler dans les rues du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord peut différer considérablement d’un pays à l’autre.
Par exemple, les différences entre le dialecte maghrébin parlé en Afrique du Nord et le dialecte irakien (mésopotamien) sont si importantes que les locuteurs natifs de chacun d’entre eux peuvent ne pas être capables de distinguer plus de quelques mots chez leurs interlocuteurs.
Compte tenu de ce manque d’intelligibilité mutuelle, on est en droit de se demander pourquoi ces dialectes ne sont pas considérés comme des langues distinctes – une question dont les linguistes continuent de débattre de nos jours.
La réponse est ancrée à la fois dans la politique et dans l’histoire.
Tous les dialectes arabes parlés aujourd’hui, que ce soit en Afrique du Nord ou dans le Golfe, ont une origine commune dans les formes d’arabe parlées dans la péninsule Arabique aux alentours de la formation de l’islam au début du VIIe siècle.
Ces dialectes se sont répandus avec l’avancée des armées musulmanes vers de nouvelles contrées à travers le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord et se sont ensuite développés jusqu’à devenir les formes que nous connaissons à présent.
Une forme particulière, cependant, est toujours commune à tous les Arabes instruits.
L’arabe standard moderne (MSA), également appelé fousha ou arabe littéraire, est un proche parent de l’arabe classique utilisé dans le Coran et est utilisé aujourd’hui dans tous les contextes formels, notamment l’éducation, l’information, les déclarations politiques officielles et les sermons religieux.
C’est ce dialecte qui unit les arabophones, qu’ils soient au Maroc ou à Oman, et lorsque deux locuteurs de pays géographiquement éloignés se rencontrent, leur discussion prendra une tournure plus formelle pour s’assurer d’être compris.
Il existe un certain nombre de raisons pour lesquelles les dialectes diffèrent et, là aussi, le sujet continue d’occuper les linguistes.
Lorsque les arabophones se sont installés dans de nouvelles contrées, leur langue a souvent adopté les caractéristiques des langues déjà parlées dans ces régions. Ainsi, dans les terres autrefois persanes, il y aurait dans l’arabe parlé une influence linguistique persane ; en Afrique du Nord, une influence berbère ; etc.
Les invasions ultérieures des guerriers turciques et iraniens ont également laissé leur empreinte sur la langue, tout comme les efforts colonialistes plus récents des Européens, à l’instar des Français en Algérie et des Britanniques en Égypte.
Le commerce a aussi permis l’introduction de nouveaux mots ; la région du Golfe, en particulier, a adopté des termes utilisés par les marchands venus d’Asie du Sud.
Aujourd’hui, les dialectes régionaux sont un élément clé de l’identité nationale dans le monde arabe et les arabophones peuvent se montrer fiers de leur langue vernaculaire.
Dans cette liste non exhaustive, Middle East Eye se penche sur les cinq principaux dialectes arabes et ce qui les rend uniques.
1. Égyptien
L’égyptien est le dialecte arabe le plus parlé du monde arabe avec près de 100 millions de personnes qui l’utilisent dans la vie quotidienne et des dizaines de millions d’autres à l’extérieur du pays qui le connaissent en raison de la popularité des médias égyptiens.
Sa caractéristique la plus distinctive est l’utilisation du son « g » à la place du son « j » (ج) utilisé en arabe formel. Le mot étoile, prononcé najm en fousha, se prononcera negm en dialectal égyptien.
L’arabe égyptien est peut-être le dialecte arabe le plus largement reconnu en raison de la popularité des films et des émissions de télévision égyptiens.
Ce dialecte a été considérablement influencé par le français et l’anglais – ainsi que par le turc, en raison de siècles de domination ottomane.
Parmi les mots dérivés du français figurent bantalon (pantalon) et kwafir (coiffeur, barbier).
Les mots turcs incluent kobri pour pont et oda pour chambre (en fousha, cette dernière se dit ghourfa).
Le dialecte égyptien est étroitement lié à la variante soudanaise de l’arabe, mais celle-ci a conservé la prononciation formelle de la lettre « j », parmi d’autres différences.
2. Mésopotamien
L’arabe mésopotamien est parlé en Irak et dans les régions arabophones d’Iran, ainsi que dans certaines parties de la Syrie, du Koweït et du sud-est de la Turquie.
Ce dialecte contient des influences de langues parlées en Mésopotamie dans le passé et aujourd’hui, notamment le sumérien, l’akkadien, le persan, le kurde et le grec.
Ce dialecte a deux variétés principales : le Gelet et le Qeltou, qui sont des manières différentes de dire « j’ai dit » (قلت).
En Irak, le son lourd de la lettre Dad (ض) est remplacé par le son plus léger du dhal (ذ, qui se prononce comme le « the » anglais). Ainsi, pour la phrase « il m’a frappé », les Irakiens diront tharabni plutôt que Darabni.
Selon la région, le son « q » (ق) peut être remplacé par un « g » – une caractéristique partagée avec les dialectes du Golfe.
3. Levantin
Le dialecte levantin, connu en arabe sous le nom de shami, est parlé par 38 millions de personnes de par le monde.
Des variétés de ce dialecte sont parlées dans la région du Levant, qui comprend la Syrie, le Liban, la Jordanie et la Palestine, ainsi qu’au sein des petites communautés arabophones de Chypre et de Turquie.
Chaque variété est presque entièrement intelligible mutuellement, bien qu’avec de légères différences linguistiques.
Parmi les personnes qui étudient l’arabe, nombreuses sont celles qui choisissent d’apprendre le dialecte levantin en raison de sa proximité perçue avec le fousha.
Dans le dialecte levantin, le son « th » (ذ) est généralement remplacé par un « s » ou un « z », mais les différences au niveau de l’accent sont courantes dans la région.
En Palestine, par exemple, le son qaf (ق) traditionnel peut être remplacé par « g » ou « k » et le son « k » (ك) peut être remplacé par « tch » selon la région.
Comme pour les autres variantes de l’arabe, le levantin contient des influences turques, ainsi que des ajouts plus récents de l’anglais et du français.
De nombreux linguistes pensent que ce dialecte comporte un substrat araméen, langue communément parlée au Levant avant l’arrivée de l’islam.
4. Maghrébin
Le dialecte maghrébin parlé dans les États d’Afrique du Nord à l’ouest de l’Égypte a la réputation d’être difficile à comprendre parmi les arabophones de l’Est, mais c’est une affirmation que contestent de nombreux Nord-Africains.
Localement, la variante maghrébine de l’arabe est connue sous le nom de darija, terme qui se traduit par « langue de tous les jours ».
Il est utilisé dans la région du Maghreb, qui comprend le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Libye, le Sahara occidental et la Mauritanie.
Les locuteurs du Maghreb peuvent se comprendre d’un pays à l’autre de la région avec relativement peu de difficultés.
Une caractéristique distinctive de cette famille de dialectes est l’élision des voyelles. Par exemple, « min ayna anta » (d’où viens-tu ?) en fousha devient « mnin nta » en arabe marocain.
Selon l’endroit où il est parlé, le dialecte maghrébin a été considérablement influencé par d’autres langues, telles que le français, l’espagnol, le turc et l’italien.
En Libye, les influences sont en grande partie turques et italiennes, tandis qu’au Maroc, elles sont françaises et espagnoles.
Les langues berbères ont aussi une certaine influence sur l’arabe local en raison de la présence de peuples amazighs dans la région depuis des milliers d’années, avant l’arrivée de l’islam.
5. Golfe
Le dialecte du Golfe, connu en arabe sous le nom de « khaliji », est parlé par près de 7 millions de locuteurs.
Cette variante de l’arabe est utilisée en Arabie saoudite et sur les côtes du Golfe, au Koweït, à Bahreïn, au Qatar, aux Émirats arabes unis, dans le sud de l’Irak et dans le nord d’Oman.
Dans certaines régions, le son « q » (ق) sera remplacé par un « g », tandis que le « k » (ك) est parfois prononcé « ch ».
Influencé par le persan et le turc, le dialecte du Golfe emprunte également du vocabulaire aux régions voisines et contient même quelques mots d’hindi et d’anglais.
Comme pour chaque groupe de dialectes, celui du Golfe varie légèrement dans chaque pays de la région et est facilement intelligible entre arabophones de la péninsule.
Traduit de l’anglais (original).
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