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Les Émirats rétablissent l’exemption de visa pour les Ukrainiens

La décision prise il y a deux jours de supprimer l’exemption de visa avait été accueillie avec colère au moment où les Nations unies rapportaient que le nombre de personnes ayant fui l’Ukraine avait dépassé le million
Pour les Ukrainiens arrivés avant le 3 mars 2022, les Émirats offrent désormais la possibilité de rester dans le pays jusqu’à un an (AFP/Geoffroy Van Der Hasselt)
Pour les Ukrainiens arrivés avant le 3 mars 2022, les Émirats offrent désormais la possibilité de rester dans le pays jusqu’à un an (AFP/Geoffroy Van Der Hasselt)

Les Émirats arabes unis (EAU) ont annoncé jeudi 3 mars qu’ils restauraient les exemptions de visa pour les Ukrainiens souhaitant entrer sur leur territoire, deux jours après avoir dit qu’ils suspendaient cet avantage.

Dans un communiqué, le ministère des Affaires étrangères des EAU a déclaré : « Les ressortissants ukrainiens continuent d’être éligibles à un visa à leur arrivée aux Émirats arabes unis. Les EAU fournissent également des services essentiels aux ressortissants ukrainiens qui ont besoin d’assistance, en coordination avec l’ambassade d’Ukraine aux EAU. »

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Concrètement, pour les Ukrainiens arrivés avant le 3 mars 2022, les Émirats offrent désormais la possibilité de rester dans le pays jusqu’à un an sans encourir d’amende.

Ceux qui sont arrivés après le 3 mars n’auront une entrée sans visa que pendant 30 jours, ce qui était la politique avant la suppression de la dérogation.

La décision prise il y a deux jours de supprimer l’exemption de visa avait été accueillie avec colère au moment où les Nations unies rapportaient que le nombre de personnes ayant fui l’Ukraine avait dépassé le million.

La nouvelle avait été annoncée sur la page Facebook de l’ambassade d’Ukraine aux Émirats le 1er mars, six jours seulement après le début de l’invasion russe.

« À compter du 1er mars 2022, les Émirats arabes unis suspendront temporairement le protocole d’accord entre le cabinet des ministres de l’Ukraine et le gouvernement des Émirats arabes unis sur l’annulation mutuelle des exigences de visa », pouvait-on lire sur Facebook.

« Profonde amitié » avec Moscou

Environ 15 000 Ukrainiens travaillent et vivent aux Émirats, dont la population est composée d’environ 90 % d’expatriés. Quelque 250 000 Ukrainiens visitent les Émirats arabes unis en tant que touristes chaque année, selon le gouvernement de Kiev.

Environ 40 000 ressortissants russes vivent aux Émirats arabes unis, selon son agence de presse officielle WAM. Les citoyens russes peuvent obtenir un visa touristique de 90 jours à leur arrivée aux EAU.

Le président russe Vladimir Poutine présente un Faucon gerfaut au cheikh Mohammed ben Zayed al-Nahyane, prince héritier d’Abou Dabi, lors de leur rencontre aux Émirats arabes unis, le 15 octobre 2019 (AFP/Alexeï Nikolsky)
Le président russe Vladimir Poutine présente un Faucon gerfaut au cheikh Mohammed ben Zayed al-Nahyane, prince héritier d’Abou Dabi, lors de leur rencontre aux Émirats arabes unis, le 15 octobre 2019 (AFP/Alexeï Nikolsky)

Dimanche, les Émirats ont montré leur réticence à condamner l’invasion russe qui, selon le gouvernement de Kiev, a entraîné la mort de centaines de civils et de soldats ukrainiens. L’ONU annonce qu’au 1er mars, quelque 600 000 Ukrainiens avaient fui le pays.

Les EAU « estiment que prendre parti ne ferait que conduire à plus de violence », a tweeté Anwar Gargash, conseiller diplomatique du président Khalifa ben Zayed Al-Nahyane.

Il a fait cette remarque après l’abstention des EAU lors du vote vendredi d’un projet de résolution du Conseil de sécurité de l’ONU déplorant l’invasion de l’Ukraine par Moscou. Celui-ci n’a pas été adopté à cause du veto de la Russie.

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« Les Émirats arabes unis sont fermes concernant l’ONU, le droit international et la souveraineté des États, rejetant les solutions militaires », affirme Gargash. « Dans la crise ukrainienne, notre priorité est d’encourager toutes les parties à recourir à l’action diplomatique et à négocier pour trouver une solution politique. »

Quelques heures avant que la Russie ne déclenche sa grande offensive contre l’Ukraine la semaine dernière, les EAU soulignaient leur « profonde amitié » avec Moscou.

The National, une publication basée aux Émirats appartenant à un membre de sa famille royale, aurait demandé à son personnel de ne pas faire référence à l’attaque de la Russie contre l’Ukraine comme à une « invasion ».

Les pays du Golfe restent bien silencieux sur l’invasion russe. L’Arabie saoudite n’a pas réagi à l’invasion, pas plus que les Émirats arabes unis, Bahreïn ou Oman.

Le Koweït et le Qatar n’ont fait que dénoncer la violence, s’abstenant de critiquer Moscou. Lundi, le ministre qatari des Affaires étrangères a appelé à une résolution diplomatique du conflit, afin de préserver la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine au sein de ses frontières internationalement reconnues.

Les prix du pétrole s’envolent

Le président russe Vladimir Poutine s’est entretenu mardi 1er mars avec le prince héritier d’Abou Dabi Mohammed ben Zayed (MBZ) sur la nécessité de poursuivre la coordination sur l’OPEP+, alors que les cours du pétrole dépassent une fois de plus les 100 dollars le baril dans le contexte du conflit ukrainien.

Poutine et MBZ ont discuté du « soutien à la stabilité sur le marché mondial de l’énergie », selon un communiqué du Kremlin mardi.

L’OPEP+, alliance de 23 pays qui comprend l’Arabie saoudite, les EAU et la Russie, se réunira mercredi et devrait poursuivre son augmentation progressive de la production, selon l’agence de presse saoudienne (SPA).

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Dimanche, le royaume a réaffirmé son engagement en faveur d’un accord OPEP+ avec la Russie et ses alliés.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie a fait bondir les prix du pétrole au-dessus de 100 dollars pour la première fois depuis 2014, et l’intensification des sanctions par l’Occident a soulevé des questions quant à savoir si des pays comme l’Arabie saoudite seront prêts à augmenter leur production pour aider à modérer les prix.

Le président américain Joe Biden a tenté de faire pression sur l’Arabie saoudite et les EAU pour qu’ils augmentent la production de pétrole, mais ces derniers ont jusqu’à présent rejeté les appels de l’administration américaine.

De tous les pays de l’OPEP, Riyad et Abou Dabi disposent des plus grandes capacités inutilisées, un volume de production supplémentaire qui peut être facilement et rapidement exporté.

Des experts ont précédemment déclaré à MEE que selon les tendances actuelles du marché, le prix du baril de pétrole pourrait atteindre les 120 dollars, créant un lourd fardeau pour de nombreux pays du monde déjà sous le choc de l’impact économique de la pandémie de covid-19.

Les Émirats, en particulier Dubaï, ont longtemps été considérés comme un aimant pour les investissements russes et une destination de vacances pour l’élite russe

Le commerce entre la Russie et les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) est passé d’environ trois milliards de dollars en 2016 à plus de cinq milliards de dollars en 2021, principalement avec les EAU et l’Arabie saoudite, selon les chiffres officiels.

Les Émirats, en particulier Dubaï, ont longtemps été considérés comme un aimant pour les investissements russes et une destination de vacances pour l’élite russe.

Bien qu’un des principaux alliés des États-Unis au Moyen-Orient, les Émirats arabes unis ont investi des milliards de dollars en Russie par le biais de l’un de leurs fonds souverains. 

Maintenir la participation russe à l’OPEP+

En tant qu’acteurs majeurs sur les marchés de l’énergie, la plupart des États du CCG entretiennent des relations avec la Russie en tant que producteurs. Riyad et Moscou dirigent l’alliance OPEP+, contrôlant strictement la production pour soutenir les prix ces dernières années. 

Les membres arabes de l’OPEP sont dans une situation difficile sur le plan diplomatique, car le maintien de l’accord OPEP+, qui contrôle la production, « est clairement au premier plan de leurs considérations », déclare à l’AFP Ellen Wald, chercheuse principale au think tank Atlantic Council.

« Les pays du Golfe craignent de nuire à cette relation et cherchent à maintenir la participation russe à l’OPEP+… Si la Russie quittait le groupe, tout l’accord s’effondrerait probablement. »

Malgré les appels lancés par certains grands importateurs de pétrole aux producteurs de brut qui veulent accroître l’offre et aider à stabiliser la flambée des prix, Riyad, premier exportateur mondial, ne semble pas vouloir y répondre favorablement.

« Garder le silence sur l’action russe en Ukraine est probablement la meilleure solution pour cela en ce moment », estime Ellen Wald. « Mais cette position pragmatique peut devenir intenable si leur position se retrouve sous pression des dirigeants occidentaux. »

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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