Le Royaume-Uni « possède déjà un terrain pour une ambassade à Jérusalem »
Le gouvernement britannique possède déjà un terrain à Jérusalem-Ouest destiné à une nouvelle ambassade en Israël à en croire une note d’information envoyée aux députés conservateurs pro-Israël et consultée par Middle East Eye.
Le lobby Conservative Friends of Israel (CFI) fait circuler cette note dans le cadre d’une campagne en soutien à la décision controversée de la Première ministre Liz Truss, annoncée en septembre, de réexaminer l’emplacement de l’ambassade britannique.
James Gurd, directeur de CFI, a envoyé cette note aux députés plaidant en faveur d’une ambassade à Jérusalem samedi dernier, à la veille du congrès du parti conservateur qui se tient cette semaine à Birmingham, ainsi qu’une « suggestion de réponse sur ce dossier » que les députés peuvent envoyer à leurs électeurs.
MEE a consulté ces deux documents.
Selon la note d’information, déplacer l’ambassade britannique de son emplacement actuel à Tel Aviv à Jérusalem serait « une décision bureaucratique reconnaissant la réalité du terrain ».
Elle précise par ailleurs : « Il est entendu que le gouvernement britannique possède déjà un terrain à Jérusalem-Ouest pour la construction d’une ambassade là-bas » – une révélation qui laisse entendre que Liz Truss pourrait mettre en œuvre cette décision dès qu’elle en aura le feu vert.
« Une grande sioniste »
Quant à la réponse sur le dossier – une proposition de lettre que les députés peuvent envoyer à leurs électeurs inquiets –, elle estime que le déménagement de l’ambassade à Jérusalem « rectifierait une anomalie historique ».
On peut lire : « La coutume établie veut que les pays souverains choisissent leur capitale pour y accueillir les ambassades et autres représentations diplomatiques. Israël ne doit pas faire exception à cet égard. »
« Je comprends l’importance et la caractère sensible de l’emplacement de l’ambassade britannique en Israël et je m’engage à réexaminer le sujet »
- Liz Truss
« Soutenir Israël et promouvoir le conservatisme au Royaume-Uni », tel est le double objectif de Conservative Friends of Israel.
Le groupe se dit actif à tout niveau du parti conservateur et compterait environ 80 % de députés conservateurs parmi ses membres.
Dimanche, Liz Truss et d’autres ministres ont assisté à un événement organisé par CFI afin de marquer l’ouverture du congrès du parti. La Première ministre a déclaré au public qu’elle était « une grande sioniste et une grande partisane d’Israël ».
Dans la revue annuelle de CFI, Informed, dont la date de publication a été choisie pour coïncider avec le congrès, Liz Truss a écrit : « Je comprends l’importance et la caractère sensible de l’emplacement de l’ambassade britannique en Israël et je m’engage à réexaminer le sujet pour être sûre d’opérer sur les meilleures bases possibles en Israël ».
S’exprimant dimanche à l’événement organisé par CFI, le président du parti conservateur Jake Berry est allé plus loin : il a semblé anticiper le résultat de l’examen de Truss lorsqu’il a promis un « engagement indéfectible, en tant que président du parti, pour continuer à construire une relation forte avec l’État d’Israël et de le soutenir dans son combat pour sa sécurité et pour que la capitale à Jérusalem abrite [la] nouvelle ambassade [britannique] ».
« Compatible avec la solution à deux États »
Robert Jenrick, ministre de la Santé, a également fait allusion au terrain détenu par le gouvernement britannique susceptible d’accueillir une ambassade.
Jenrick a déclaré : « Nous disposons d’un site à Jérusalem attendant le feu vert. Il est temps de prendre nos responsabilités, de construire cette ambassade et de reconnaître que la véritable capitale de l’État d’Israël est évidemment Jérusalem. »
« Je salue la décision de la Première ministre Liz Truss de réexaminer l’emplacement de l’ambassade britannique à Jérusalem », peut-on lire également dans la « réponse sur le dossier » de CFI.
« Il est temps de prendre nos responsabilités, de construire cette ambassade et de reconnaître que la véritable capitale de l’État d’Israël est évidemment Jérusalem »
- Robert Jenrick, ministre de la Santé
Un porte-parole de CFI a nié tout lobbying de l’organisation sur les députés conservateurs en faveur de cette décision, ce que suggérait MEE.
Il a déclaré : « C’est une courte note d’information comme on en envoie sur n’importe quel sujet. »
Le président de CFI, Eric Pickles, assure à MEE : « Déplacer l’ambassade est parfaitement compatible avec la solution à deux États et ne décide en rien des frontières définitives. C’est une décision très modérée. »
En décidant de réexaminer le site de l’ambassade, Truss fait faire une embardée spectaculaire à la politique de longue date du gouvernement britannique qui a tenu face sous tous les Premiers ministres, de Margaret Thatcher à Boris Johnson.
L’ancienne Première ministre britannique Theresa May a condamné sans équivoque cette initiative, estimant dans une déclaration de décembre 2017 en réaction à la décision du gouvernement américain de déplacer son ambassade à Jérusalem : « Nous pensons que c’est inutile en termes de perspectives de paix dans la région… En phase avec les résolutions du Conseil de sécurité, nous considérons Jérusalem-Est comme faisant partie des territoires palestiniens occupés. »
Sa position était encore réaffirmée par le gouvernement britannique en décembre 2021.
« La position du Royaume-Uni sur le statut de Jérusalem est claire et parfaitement établie : elle doit être fixée par un accord négocié entre Israéliens et Palestiniens », a déclaré le coordinateur politique du Royaume-Uni à l’ONU dans un discours, ajoutant que le Royaume-Uni « s’oppose à toute action unilatérale à Jérusalem sans accord sur le statut définitif et continue de soutenir le statu quo historique ».
« Un renversement abrupt de la politique britannique depuis 1967 »
Avi Shlaim, professeur émérite de Relations internationales à l’Université d’Oxford, soutient cette position de longue date du gouvernement britannique. La semaine dernière, il a écrit à MEE : « Déplacer l’ambassade à Jérusalem violerait un tas de résolutions de l’ONU et s’apparenterait à un renversement abrupt de la politique britannique depuis 1967. »
Avi Shlaim a ajouté que « cette politique, s’inscrivant dans un large consensus international, veut que toutes les ambassades restent à Tel Aviv jusqu’à ce qu’un accord de paix global soit convenu entre Israël et les Palestiniens, avec Jérusalem comme capitale partagée des deux États ».
La note d’information de CFI conteste cela, déclarant que déplacer l’ambassade à Jérusalem « n’empêcherait pas les Palestiniens d’établir leur capitale à Jérusalem-Est à l’avenir, et cela ne changerait pas la position de longue date du Royaume-Uni selon laquelle le futur statut de la ville est un problème qui doit être négocié entre Israéliens et Palestiniens dans des négociations bilatérales ».
Elle stipule également : « Sous toute solution à deux États réaliste, Jérusalem-Ouest resterait sous le contrôle israélien – c’est acté depuis longtemps dans les négociations de paix entre Israéliens et palestiniens au fil des décennies. »
Par ailleurs, elle fait observer que les États-Unis ont reconnu Jérusalem comme la capitale d’Israël tout comme « Taïwan, Nauru, le Honduras, le Guatemala et le Kosovo ».
Le Premier ministre de l’Autorité palestinienne (AP) Mohammed Shtayyeh a déclaré lundi dernier que déplacer l’ambassade « encouragerait » la « puissance occupante » et « saperait » l’éventualité d’une solution à deux États.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].