Accord sur le nucléaire iranien : comment surmonter le dernier obstacle
Le responsable de la politique étrangère de l’Union européenne (UE) a annoncé mi-mars que des progrès significatifs avaient été réalisés dans les discussions visant à relancer l’accord sur le nucléaire iranien, mais qu’une pause était nécessaire.
Fin mars, Enrique Mora, le chef de la délégation de l’UE, s’est rendu à Téhéran et à Washington pour rencontrer les négociateurs iraniens et américains sur le nucléaire dans le but de surmonter le différend qui subsiste.
Il y avait deux raisons de faire une pause : l’insistance de l’Iran pour que les États-Unis retirent le corps des Gardiens de la révolution islamique (GRI) de leur liste d’organisations terroristes étrangères, une désignation appliquée sous l’ère Trump, mais aussi la demande de la Russie qui souhaitait que les sanctions occidentales imposées à Moscou en raison de la guerre en Ukraine n’affectent pas ses échanges commerciaux avec Téhéran.
Les alliés des États-Unis dans la région – notamment Israël et l’Arabie saoudite – s’opposent au retrait de cette désignation en soutenant que cette démarche pourrait accroître les menaces régionales émanant de l’Iran, tandis que les républicains du Congrès américain sont également opposés à une telle mesure.
Le gouvernement iranien considère cependant cette question comme une ligne rouge. Cette demande de la Russie aurait été satisfaite après qu’il a été convenu que la coopération russo-iranienne dans le cadre de l’accord sur le nucléaire ne serait pas entravée par les sanctions américaines et européennes contre Moscou.
Des attaques en augmentation de plus de 400 %
L’obstacle restant est donc la suppression de la désignation des GRI en tant qu’organisation terroriste étrangère.
L’envoyé spécial américain Robert Malley a récemment réaffirmé que Washington maintiendrait les sanctions à l’encontre des GRI, même si l’organisation était finalement retirée de la liste.
Deux facteurs pertinents entrent en ligne de compte. Sans la participation des GRI, il ne peut y avoir d’accord avec l’Iran sur les crises régionales. Sur la base de cet argument, le gouvernement Biden pourrait radier les GRI de la liste afin de faciliter le dialogue bilatéral sur les questions régionales.
Le général Kenneth McKenzie, commandant désormais retraité du Commandement central américain et faucon anti-iranien, qui a exécuté l’ordre de tuer le chef de la force al-Qods Qasem Soleimani en janvier 2020, a récemment fait part au Washington Post de la nécessité de « trouver un compromis avec l’Iran pour aller de l’avant ».
Par ailleurs, le porte-parole du département d’État, Ned Price, a récemment constaté qu’après le retrait de l’ancien président américain Donald Trump de l’accord sur le nucléaire en 2018, « le nombre d’attaques menées par des groupes soutenus par l’Iran [avait] augmenté de 400 % » entre 2019 et 2020.
« Cette tendance a été observée dans la foulée de la sortie [de l’accord sur le nucléaire], de la désignation en tant qu’organisation terroriste étrangère et de l’assassinat du général Soleimani », a-t-il déclaré aux journalistes.
L’administration Biden serait toutefois dans une position difficile pour se défendre face aux pressions politiques internes contre cette décision, l’Iran ayant menacé de venger l’assassinat de son général de haut rang. L’assassinat de Qassem Soleimani était une violation manifeste du droit international, contre laquelle l’Iran a rapidement riposté en tirant plus d’une douzaine de missiles balistiques sur deux bases militaires américaines en Irak.
Pour éliminer cet obstacle, l’administration Biden pourrait présenter des excuses au gouvernement iranien à la suite de l’assassinat illégal orchestré par Trump, tandis que Washington et Téhéran pourraient s’engager à adhérer au principe de non-ingérence et de non-recours à la force prévu par la Charte des Nations unies.
Une désescalade acceptée
Néanmoins, les États-Unis et leurs alliés régionaux ont besoin que l’Iran s’engage à contribuer à la désescalade dans la région.
L’Iran a déjà tacitement accepté une désescalade, mais il ne peut lier cette question à l’accord sur le nucléaire, de peur que la campagne anti-iranienne à Washington et dans la région n’attribue à Téhéran la responsabilité de tout nouvel incident et ne pousse les États-Unis à abandonner à nouveau l’accord.
Fin mars, le ministre qatari des Affaires étrangères a réaffirmé l’importance de parvenir à un accord sur le nucléaire avec l’Iran, évoquant la nécessité d’un accord sur la sécurité globale dans la région.
La voie à suivre consiste à relancer l’accord sur le nucléaire et à entamer un dialogue sérieux sur une architecture de sécurité régionale qui favorise la sécurité pour tous par le biais de normes et de principes communs
Depuis la fin de la guerre Iran-Irak en 1988, tous les gouvernements, des plus modérés aux plus conservateurs, ont appelé à une désescalade des tensions régionales et suggéré d’établir un système régional de sécurité et de coopération collective dans le Golfe, dont les détails figurent dans mon livre A New Structure for Security, Peace, and Cooperation in the Persian Gulf.
La voie à suivre consiste à relancer l’accord sur le nucléaire et à entamer un dialogue sérieux sur une architecture de sécurité régionale qui favorise la sécurité pour tous par le biais de normes et de principes communs, tels que l’égalité souveraine des États, le non-recours aux menaces et à la force, la résolution pacifique des conflits, l’inviolabilité des frontières et la non-ingérence dans les affaires intérieures des autres États.
La résolution 598 du Conseil de sécurité de l’ONU offre un cadre viable pour résoudre les problèmes en suspens entre l’Iran et ses voisins du Golfe, notamment l’Arabie saoudite.
Un accord de sécurité collective permettrait de lutter contre le terrorisme, le sectarisme, le crime organisé et le trafic de drogue, entre autres préoccupations mutuelles.
La première étape serait de mettre immédiatement un terme à la rhétorique et à la propagande hostiles, puis de créer un forum de dialogue régional pour discuter des questions de sécurité.
Les négociations entre l’Iran et les États voisins peuvent aboutir si leurs objectifs politiques sont compatibles et s’ils évitent les calculs à somme nulle.
Un système global de sécurité et de coopération nécessiterait également des mesures de restauration de la confiance, telles que des visites entre armées, une notification préalable des exercices militaires, un principe de transparence en matière d’achats d’armes, une réduction des dépenses militaires, des pactes de non-agression, des groupes de travail conjoints sur la gestion des crises et l’élimination des armes de destruction massive.
L’adhésion à ces principes pourrait répondre aux préoccupations de toutes les parties intéressées, notamment les États-Unis, l’Iran et l’Arabie saoudite.
- Seyed Hossein Mousavian est spécialiste de la sécurité au Moyen-Orient et de la politique nucléaire à l’université de Princeton. Il a anciennement dirigé la commission des relations étrangères du Conseil suprême de sécurité nationale iranien. Il est l’auteur de Iran and the United States : An Insider’s view on the Failed Past and the Road to Peace, sorti en mai 2014 chez Bloomsbury, ainsi que de A Middle East Free of Weapons of Mass Destruction, publié en mai 2020 chez Routledge. Son dernier ouvrage, A New Structure for Security, Peace, and Cooperation in the Persian Gulf, a paru en décembre 2020 chez Rowman & Littlefield.
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Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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