Guerre en Ukraine : en Égypte, le secteur du tourisme s’attend à subir l’onde de choc
Le secteur du tourisme égyptien redoute les répercussions de l’invasion russe de l’Ukraine, ce secteur est un générateur de recettes majeur pour l’ensemble du pays et une mine d’emplois indispensable.
Les Russes et Ukrainiens constituent le principal contingent de visiteurs dans ce pays arabe, représentant traditionnellement près d’un tiers des douze millions de touristes les meilleures années.
En juillet 2021, on aurait dénombré entre 300 000 et 500 000 touristes russes par mois, et près de 125 000 Russes aurait visité l’Égypte la première quinzaine de 2022. En 2019, 1,6 million de touristes ukrainiens s’étaient rendus en Égypte.
Ce nombre a chuté à un peu plus de 700 000 visiteurs en 2020, ce qui montre les conséquences de la pandémie de covid-19 sur le secteur du tourisme.
Les tour-opérateurs et les investisseurs travaillent avec des agents dans d’autres pays pour évaluer l’impact de la crise sur leur secteur.
« Les effets de la guerre se voient déjà, les réservations des deux pays cessent », rapporte à Middle East Eye Basel al-Sissi, membre de l’Association égyptienne des agences de voyage. « Les Russes et les Ukrainiens craignent de ne pas pouvoir rentrer dans leur pays s’ils le quittent actuellement. »
Secteur convalescent
Le Premier ministre égyptien Moustafa Madbouli a déclaré mercredi que son gouvernement suivait de près la crise russo-ukrainienne et ses possibles impacts politiques et économiques sur l’Égypte.
Le gouvernement, a-t-il affirmé, s’efforcera de trouver des sources alternatives de touristes en cas de dégradation de la situation.
Dans les cercles gouvernementaux, on est persuadé que la guerre va faire chuter le nombre de touristes en provenance de Russie, d’Ukraine et des pays voisins.
« On craint plus encore que la crise affecte le secteur du tourisme en Égypte pendant de nombreuses années », confie Basel al-Sissi de l’Association égyptienne des agences de voyage.
Le secteur du tourisme égyptien était en pleine convalescence après une série de revers ces dernières années.
Fin 2015, un avion de ligne russe avait été abattu au-dessus du Sinaï, provoquant la mort des 224 passagers et des membres de l’équipage à bord de l’appareil et amenant de nombreux pays – y compris la Russie – à suspendre leurs vols avec l’Égypte.
Le président russe Vladimir Poutine avait autorisé la reprise des vols charters vers l’Égypte en juillet 2021, faisant renaître les espoirs du tourisme égyptien.
Ce secteur a également beaucoup souffert de la pandémie de covid-19 : les autorités égyptiennes ont suspendu tous les vols provenant de l’étranger en mars 2020 avant de les reprendre trois mois plus tard.
En mars 2020, le ministre égyptien du Tourisme Khaled al-Anani a indiqué que son pays avait perdu un milliard de dollars de recettes chaque mois à cause de la suspension des vols et de la fermeture des principales destinations touristiques du pays.
Le tourisme contribuait à hauteur de 11,9 % au produit intérieur brut égyptien et employait 9,5 % des actifs en 2018.
La guerre « à un très mauvais moment »
Pour soutenir ce secteur vital de l’économie, les autorités égyptiennes ont construit et rénové les musées comme le gigantesque Musée égyptien près du plateau de Gizeh, où des dizaines de milliers d’objets anciens vont être transférés dans le centre du Caire.
« Nous devons nous concentrer sur des marchés alternatifs, notamment les États européens éloignés de la Russie et de l’Ukraine. »
- Noura Ali, députée
Plusieurs parades et événements à couper le souffle ont également stimulé le secteur : tournois sportifs internationaux, procession de dizaines de momies royales à travers les rues du Caire et ouverture de l’avenue de Rams entre le temple de Louxor et le temple de Karnak dans la ville antique de Louxor.
Pour sa réouverture en juillet 2020, les autorités sanitaires et responsables du tourisme avaient préparé une longue liste de mesures de précaution à destination des professionnels du tourisme.
En novembre, le Premier ministre égyptien a qualifié le tourisme de question de « sécurité nationale ».
Le tourisme a commencé à rebondir en 2021, avec 13 milliards de dollars de recettes l’année dernière, contre 4 milliards l’année d’avant.
Certains spécialistes du tourisme craignent qu’une crise qui se prolonge entre la Russie et l’Ukraine ramène les recettes au niveau de 2020.
« Le problème, c’est que cette guerre a éclaté à un très mauvais moment pour le secteur du tourisme [égyptien], alors que celui-ci venait juste de compenser certaines des pertes subies ces dernières années », explique à MEE Noura Ali, directrice de la Commission du tourisme et de l’aviation civile à la Chambre des députés.
Alaa al-Ghamri, spécialiste du tourisme indépendant, appelle les autorités cairotes a commencé à réfléchir à des mesures pour stimuler le secteur.
« Cette guerre aura des effets dévastateurs sur le secteur et il faudrait agir dès à présent pour le sauver », indique-t-il à MEE. « Nous devons nous concentrer sur des marchés alternatifs, notamment les États européens éloignés de la Russie et de l’Ukraine. »
Impact sur le blé
L’Égypte s’attend à ce que l’impact de la crise entre la Russie et l’Ukraine aille bien au-delà, étant donné la dépendance de ce pays arabe envers ces deux pays, en particulier pour les importations de blé.
La Russie et l’Ukraine envoient à l’Égypte une part considérable du blé nécessaire pour nourrir ses 100 millions d’habitants chaque année. Un peu moins de 55 % des importations égyptiennes de blé viennent de Russie et près de 15 % d’Ukraine.
L’Égypte est de loin le plus grand importateur de blé et la suspension des importations depuis ces deux pays amène les autorités égyptiennes à chercher à la hâte des alternatives.
Lors de sa rencontre avec son cabinet cette semaine, le Premier ministre égyptien a déclaré que les réserves de blé du pays couvriraient et les besoins nationaux pour les quatre prochains mois.
« Par ailleurs, la récolte du blé commencera en avril », a ajouté Madbouli. Les spécialistes locaux en agriculture s’attendent à ce que la production locale couvre les besoins domestiques pour quatre mois supplémentaires.
Par ailleurs, l’Égypte s’attend à payer plus cher ses importations de blé, si la Russie et l’Ukraine sont rayées de la liste des fournisseurs internationaux, et que la guerre affecte les cours du blé sur le marché mondial.
Cette crise pourrait également contraindre l’Égypte à payer plus cher ses importations de pétrole, ses effets apparaissent dans la hausse récente des cours mondiaux du pétrole brut.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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